Le Congrès européen EUGMS s'est tenu à Helsinki du 20 au 22 septembre 2023.
À cette occasion, la SFGG a donné l'opportunité à 4 jeunes gériatres et gérontologues, Julie Tisserand, Fannie Amiotte-Suchet et Ludovic Lafaie, via une bourse dédiée, de participer à ce congrès.
Voici leur compte-rendu par écrit et par WhatsApp des posters, des symposiums et des sessions qui ont attiré leur attention.
Merci à eux pour ces précieux retours d'expérience.

Par Dr Julie Tisserand, CHU de Poitiers

1. Traitements inappropriés en fin de vie

Session qui s’est intéressée à la place des médicaments en fin de vie, selon les différentes classes ( Statines, anti-hypertenseur, anticoagulant, insuline, anti diabétiques oraux) : faut-il les arrêter, les diminuer ? Les études rapportent une grande disparité des pratiques au sein des pays de l’Union Européenne. Il faut favoriser, au maximum, une coopération avec les pharmaciens, quand cela est possible.

 

2. Les addictions chez les personnes âgées

Cette session a porté sur diverses addictions : tabac, alcool, médicament ( opioïdes, gabapentine, cannabinoïdes), écran.
Le risque de dépendance est plus élevé pour les opioïdes. Il est plus faible mais significatif pour la gabapentine et les benzodiazépines.
Les principaux facteurs de risques de développer une addiction aux opioïdes rapportés dans la littérature sont le nombre de comorbidités, la dépression, la polymédication, l’isolement social, l’institutionnalisation, le niveau socio-éducatif.
La balance bénéfice/risque n’est pas favorable à l’usage de cannabinoïdes chez la personne âgée. Les preuves concernant leur efficacité pour des indications telles que les douleurs chroniques ou les cancers en phase terminale sont insuffisantes.

 

1. 3 types de troubles gastro-intestinaux fréquents chez les personnes âgées

  • La dysphagie sarcopénique : comment la diagnostiquer et la traiter ?
  • L’incontinence annale : prévalence plus élevée en EHPAD (30-50%). L’instutionnalisation est un facteur de risque d’incontinence annale. Différentes thérapeutiques existent : la rééducation annale est celle qui a montré les meilleurs résultats.
  • La constipation : les traitements à base de fibres, psyllium semblent efficaces.

2. "Pas de recherche sur moi, sans moi" : la contribution des patients âgés à la conception et à la conduite dans la recherche.

(PPI : Patient and public involvement in research). De plus en plus d’études incluent les patients dans leur processus de création de celles-ci, notamment pour définir les objectifs primaires et secondaires. Les patients interviennent dans toutes les étapes de la création d’une étude, et cela en trois phases : une phase de consultation, de collaboration, et enfin de co-production.

The mechanistic basis of disuse atrophy in older age

La session s'est intéressée aux mécanismes de l'atrophie musculaire, phénomène qui intervient précocement ( après 5 jours d'immobilisation). La masse musculaire diminue à partir de 40 ans. L'hospitalisation et de surcroît les patients âgés hospitalisés sont une population à risque accru d'atrophie musculaire. En moyenne un patient hospitalisé marche 700 pas par jour. L'immobilisation entraîne une baisse de la sensibilité des muscles pour absorber les protéines.

L'atrophie musculaire n'apparaît pas aussi rapidement selon les groupes. Par exemple, en cas d'immobilisation d'un membre inférieur, le muscle gastrocnémien subira une atrophie plus rapide que le tibial antérieur. Ceci s'explique par une composition différente en fibres musculaires dans ces deux muscles. A noter qu'une altération de la masse musculaire n'est pas systématiquement corrélée à une perte fonctionnelle.

Comment ralentir l'atrophie musculaire ?
Des études ont montrés qu'un régime riche en oméga 3 (via la production d'ADP *) ou en acide aminés, toutes deux vs placebo, permettent d'observer un ralentissement de l'atrophie musculaire.
*Ce résultat met en lumière l'importance de la respiration mitonchrondiale dans le mécanisme de l'atrophie musculaire.
Des études ont aussi démontré l'efficacité de la neurostimulation musculaire, sans avoir toutefois étudié ces effets à long terme.

 

Par Dr Fannie Amiotte-Suchet, CH de Chambéry 

 

Telemedecine in older patients : pros and cons

D’après l’OMS, la télémédecine permet d’utiliser la technologie digitale pour outrepasser la distance dans la délivrance des soins de santé. Elle peut prendre plusieurs formes : enregistrer des données et les soumettre de manière digitale pour analyse et communication entre 2 acteurs du soins via l’utilisation d’un téléphone, d’une visioconférence, des plateformes dédiées etc… mais aussi télé monitorer l’état de santé d’un individu à distance (enregistrement du rythme cardiaque, détecteur de chute, enregistrement de l’activité etc…).

Dans la conjoncture actuelle mondiale, on s’attend à un doublement de la population âgée mondiale d’ici 2050. Les besoins en santé du sujet âgé vont donc augmenter, les dépenses aussi, alors que le nombre de professionnels de la santé n’augmentera pas proportionnellement, surtout dans les régions rurales. Des solutions doivent être trouvées, la télémédecine en est un exemple.

Pour débuter, le Dr Niels Pfeuffer (Allemagne) a présenté les intérêts de la télémédecine chez les patients vivant à domicile. Les plus grandes barrières rencontrées sont le manque de ressource, le manque de confiance envers les plateformes de la part des utilisateurs et le faible niveau de connaissance du digital des utilisateurs. Au contraire, les facilitateurs pour sa mise en place sont la présence de plateforme similaire peu importe l’équipement individuel que le patient possède, la possibilité d’une coordination centrale et jointe ainsi que sa flexibilité.

La littérature a démontré les bénéfices évidents de la télémédecine pour les personnes âgées vivant à domicile, en termes de santé mentale, de résultats cliniques, de qualité de vie, de continuité des soins, d'efficacité personnelle, d'observance, de réduction des temps d'attente et de satisfaction des patients, des soignants et des prestataires de soins. Ce service permet aux personnes âgées vivant en milieu rural de bénéficier de services de santé à distance, lorsque l'accès et les capacités des prestataires de soins de santé sont limités. Ainsi, la télésanté est un catalyseur technologique pour la mise en œuvre de systèmes de soins de proximité adaptés au sujet âgé et au milieu dans lequel il évolue.

Helka Hosia (Finlande) prend la suite pour nous parler de la télémédecine en EHPAD, avec 4 grandes questions ?

De nombreuses études récentes ont montré les avantages de la télémédecine dans les EHPAD. Elle peut réduire les visites inutiles aux urgences et les hospitalisations, fournir des soins plus opportuns et contribuer à réduire la distance qui sépare les patients des services médicaux. Ce qui permet d'allouer efficacement nos ressources limitées, de diminuer les coûts en santé et d’améliorer la qualité de vie des patients. Pour en bénéficier pleinement, cela nécessite en revanche un équipement complet, une procédure détaillée et de la formation.

 

Recommandations pour utiliser la télémédecine en EHPAD :

  • Équipement et infrastructures adéquats, avec amplification des sons et stéthoscope connecté, caméra.
  • Système de planning avec une personne dédiée pour s’en occuper, avec prévision d’un temps avant et après la consultation pour préparer et faire le suivi.
  • Accès à distance au dossier du patient, procédure établie de la consultation
  • Un membre de l’équipe détaché pour réaliser les téléconsultations, de préférence un soignant.

Enfin, le Pr Tchalla (France) nous parle des pour et des contres de la télémédecine.

Avantages : diminue les passages aux urgences, les hospitalisations, les ré-hospitalisations, les complications et améliore la qualité de vie dans la plupart des maladies chroniques. Un suivit en télémédecine après la sortie d’hospitalisation pour des patients d’EHPAD permettait une diminution de 27% des hospitalisations imprévues, avec une économie de 3846 US dollars par hospitalisation évitée.

Limites : jusqu’à récemment, la télémédecine n’était pas adaptée pour faire un évaluation gériatrique approfondie. Également pour la plupart des gériatres, une consultation virtuelle n’est actuellement pas suffisante pour poser un diagnostic et proposer un traitement en dehors des problématiques mineures. Le coût du matériel peut parfois être coûteux, et son utilisation nécessite une formation.

 

Ethical issues in geriatric medicine

II – Ageism in clinical care and possible solutions – Desmond O’Neil (Irlande)

 

Le professeur O’Neil a commencé par introduire le sujet en expliquant qu’il est important d’arrêter de se sentir seul face à l’agisme et qu’il faut penser en groupe.

Voici deux articles écrits par le Pr O’Neil sur le sujet:

- Do geriatricians truly welcome ageing ? source https://academic.oup.com/ageing/article/45/4/439/1681517

Am I a gerontologist or a geriatrician ? source https://agsjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1532-5415.2012.04030.x

Il faut « reformuler le vieillissement » afin de ne pas tomber comme très souvent dans l'âgisme. Pour cela, “the reframing aging initiative” est un projet d’innovation sociale à long terme visant à améliorer la compréhension par le public de ce que signifie le vieillissement et les nombreuses façons dont les personnes âgées contribuent à notre société. Pour commencer, ils proposent un certain nombre de changement de vocabulaire, dont par exemple arrêter de dire seniors, personne âgée dépendante mais plutôt des mots plus neutres comme personne âgée, européen, français, et des termes plus inclusifs tels que « nous »… (traduits de l’anglais, où il faut arrêter de dire « seniors, elderly, ageing dependents »… pour dire « older people, europeans, we, us as we age »…). Également, plutôt que de parler du fardeau de l’aidant on pourrait parler des aspects contraignants pour l’aidant, ou encore utiliser “vieillissement optimal” plutôt que “succès de vieillissement” qui implique une réussite ou un échec.

Il conclut par une citation parue dans le Lancet en avril 2012 (Population ageing and health, Lloyd-Sherlock et al) : “Ageing is most often framed in negative terms, questioning whether health services, welfare provision, and economic growth are sustainable. We argue that, instead of being portrayed as a problem, increased human longevity should be a cause for celebration.”

Tout reste à faire… « The time to plant a tree was 20 years ago, but the second best time is now… ».

Par Dr Ludovic Lafaie, CHU de Saint-Étienne

 

TABLE RONDE : Prescription, vs dé-prescription : Risques et bénéfices.

  1. Targets of hypertensive drug treatment in older adults and the possibilities of deprescription. Rosalinde Poortvliets, Pays-Bas

Analyse de l’étude DANTON, sur la dé-prescription du traitement antihypertenseur chez les résidents d’EHPAD avec troubles neurocognitifs ;
Les résultats principaux sont les suivants : la dé-prescription augmente la Tension artérielle et apporte des préjudices aux patients.
Les résultats de l’étude DANTON ne soutiennent pas l’arrêt proactif du traitement antihypertenseur chez les personnes âgées avec troubles neurocognitifs.

  1. Which criteria of fragility/functionality could lead us to reduce antihypertensive treatment ? Athanase Benetos, France

 

Les grandes études sur l’hypertension artérielle (HYVET, SPRINT) présentent des critères larges d’exclusion, ne permettant pas d’avoir de réelles données spécifiques chez les patients âgés fragiles.

L’adaptation de nos stratégies thérapeutiques devrait se baser sur le niveau de fragilité/statut fonctionnel de nos patients ; Commencer doucement, « Start Slow », aller doucement « go slow » devrait être la règle pour la plupart des patients après 80 ans.

Les objectifs Tensionnels doivent être <140/90 mmHg (ou même <130/80 mmHg chez les patients âgés robustes à risque cardiovasculaire élevés).

Chez les patients âgés présentant une fragilité sévère, il faudrait envisager de réduire le traitement lorsque la Pression artérielle systolique est inférieure à 130mmHg ou en cas d’hypotension orthostatique. Mais des essais cliniques restent nécessaires !

Session : At crossroads in geriatrics and gerontology

  1. New care models for geriatrics in Europe. Tahir Masud, UK

Il a été présenté les résultats de l’enquête de l’UEMS de 2023, sur les types de « Geriatric Medecine » pratiquées en Europe (avec l’analyse de 29 pays).
Il existe des disparités majeures en fonction des pays quant à l’offre de soins proposés aux patients gériatriques (unités de Médecines aigues gériatriques, unités de rééducation, unité d’ortho-gériatrie ;
Pour exemple, les services de Médecines aigues gériatriques, sont présents pour 100% des pays Nordiques et des pays de l’Europe Centrale, contre seulement 63% pour les pays de l’Europe de l’Est, et 57% pour les pays de l’Europe du Sud (+Israël).

 

  1. Multidisciplinary dimensions of successful aging. Athanase Benetos, France

L’approche multidisciplinaire avec la coordination d’actions de plusieurs disciplines permettent de promouvoir un vieillissement en bonne santé (prise en charge des facteurs de risques, nutrition, activité physique, stimulation cognitive, activités sociales…).
Les avancées majeures récentes en biologie et en technologies permettent d’ouvrir des opportunités supplémentaires pour un vieillissement réussi. Le développement des « Geroscience » ouvre des perspectives intéressantes pour lutter contre les maladies et la fragilité liées à l’âge, augmentant ainsi les chances de maintenir les capacités fonctionnelles et en favorisant un vieillissement en bonne santé.
Cependant, le vieillissement reste un processus physiologique, et malgré tous ces progrès biologiques et technologiques nous n’échapperons pas au vieillissement et à la mort.

Session : Current treatment of heart failure

  1. The pathology in heart failure with reduced ejection fraction (HFrEF) and heart failure with preserved ejection fraction (HFpEF)

Andrea Ungar, Italie

 

En vue d'adopter l'approche gériatrique dans la pratique clinique de routine, les étapes suivantes de l'évaluation gériatrique doivent être intégrées aux parcours diagnostiques et thérapeutiques cardiovasculaires :

  1. Effectuer une évaluation gériatrique complète, comprenant l'état fonctionnel, les performances cognitives et physiques, les antécédents de chutes et la mesure orthostatique de la pression artérielle ;
  2. Identifier les déficiences et les syndromes gériatriques (par exemple, la fragilité) qui peuvent influencer l'état de santé de l'individu ;
  3. Lutter contre la polypharmacie, pour revoir les médicaments et optimiser la prescription ;
  4. Intégrer les perspectives et les objectifs du patient dans la prise en charge des maladies cardiovasculaires avancées ;
  5. Favoriser le développement de modèles organisationnels assurant la continuité des soins pour les patients âgés et fragiles souffrant de maladies cardiaques chroniques, par exemple des hôpitaux aux centres de réadaptation, en passant par les soins à domicile et les unités de soins palliatifs.

 

Le congrès sur What'sApp

 

 

 

 

 

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