Ce 2e Congrès organisé sous le haut patronage du Ministère de la Santé et des Solidarités et à l’initiative  Claude Jeandel et Olivier Hanon, marque une rupture « culturelle » dans nos pratiques médicales : l’innovation organisationnelle et la généralisation d’une vraie politique de parcours de santé des personnes âgées. « Mettre l’accent sur le parcours de santé de la personne âgée est une des réponses aux faiblesses des dispositifs actuels. »

 

               C’est Dominique Libault, Directeur général de l’Ecole nationale supérieure de Sécurité sociale, pilote de la concertation grand âge et autonomie, qui a ouvert le mercredi 12 juin ce 2e Congrès aux Salons de l’Aveyron à Paris et lancé la 1e table ronde – « Etat des lieux, vers un droit au parcours ».

« Aujourd’hui on s’aperçoit de la nécessité absolue d’assurer la continuité de la prise en charge du patient et de la coordination entre les différents acteurs » a-t-il constaté. Travailler autour des pathologies et de l’accès aux soins, décloisonner les institutions (notamment hôpital-ville/EHPAD), optimiser la collaboration entre professionnels : voilà ce qui définit cette « approche parcours » qui permettra en effet d’assurer la continuité de la prise en charge du patient âgé et d’éviter le plus possible les éléments qui créent des ruptures dans les parcours. « Je suis persuadé que les problèmes trouveront leur résolution dans la réorganisation du système de santé ». « C’est en travaillant sur le parcours que l’on évite des prises en charge inadéquates. C’est aussi comme cela que l’on parviendra à réduire le problème des urgences hospitalières ».

              « La crise des urgences est en effet le reflet de la non prise en compte des spécificités des patients âgés, se caractérisant plus souvent par la complexité de leur prise en soins » confirme Claude Jeandel. « Tout doit être mis en œuvre afin d’éviter le recours à l’hospitalisation quand elle peut être évitée ou le passage par les urgences quand l’hospitalisation se justifie, en facilitant l’accès direct à la filière gériatrique pour les patients en relevant ».
Place aux constats chiffrés : Claude Jeandel a présenté les nouveaux chiffres clés et statistiques reflétant les concepts de transitions démographiques et épidémiologiques : croissance de la population française 2015-2060 et du nombre de personnes âgées dépendantes, évolution des espérances de vie avec ou sans incapacité. Parmi les nombreux constats, l’augmentation du nombre de morbidités, tout particulièrement après 75 ans, est corrélée "à la situation socio-économique de la personne. C’est dire l’importance de l’approche holistique : ne pas se limiter à l’évaluation de l’état de santé mais considérer également les variables socio-économiques, dont l’isolement et la présence ou non d’un proche aidant"..

L’occasion également de présenter le programme ICOPE de l’OMS qui par ses actions préventives pourrait permettre de diminuer de près de 15 millions le nombre de personnes dépendantes d’ici 2025 « en retardant l’entrée dans la maladie chronique et ses conséquences en terme d’incapacité ». « A titre d’exemple, le fait de différer de 5 ans l’expression clinique de la maladie d’Alzheimer (par un meilleur contrôle de ses facteurs de risque), aurait un impact très significatif sur le nombre de patients à prendre en soin ».

               Luc Duquesnel était également invité de cette 1e table ronde. Il est médecin généraliste en Mayenne. Son département où exercent 185 médecins généralistes a été choisi parmi les territoires pilotes pour la mise en place du programme PAERPA (Personnes Agées En Risque de Perte d'Autonomie). Il livre les premiers résultats : en 2 ans et dans 4 maisons de santé pluri-professionnelles, 1024 plans personnalisés de santé ont été réalisés et suivis. « En 2017, le repérage de la fragilité a permis de créer des liens très étroits avec les acteurs du social et médico-social, de structurer le travail d’équipe » s’est-il félicité. « Le repérage de la fragilité a pu être ainsi facilité : 85% des personnes qu’on a repérés étaient des personnes non connues des services ». En 2016, le taux de ré-hospitalisation a également diminué. Des résultats encourageants qui mettent sans aucun doute le « pied à l’étrier d’un exercice coordonné et pluri-professionnel » à condition bien sûr que « le financement complémentaire de l’ARS pour le suivi fait par les infirmières et le travail administratif supplémentaire qu’il implique soit assuré ».

L’aspect humain de ce nouveau parcours fut le message que Sophie Martinon, directrice de l’ANAP, a tenu à faire passer. « Les conditions de réussite d’un tel dispositif sont la façon dont les professionnels travaillent ensemble ». « Coopérer ne va pas de soi, tout projet de coopération nécessite du temps et de s’accorder sur un objectif commun ». D’autre part, « le projet doit être piloté par un leadership fort et une gouvernance soutenante ». Et l’ARS peut tenir ce rôle.

             Aurélien Rousseau, Directeur Général de l’ARS Ile-de-France, partage ce constat. Il a lui souhaité rappeler que « cette réflexion en parcours / de façon décloisonnée était (bien) un des motifs initiaux de la création des Agences régionales de santé. » « Nous avons un défi colossal devant nous qu’il faut relever tous ensemble » a-t-il conclu.

 

 

 

  • Qu’est-ce le PAERPA ?

C’est une expérimentation commencée en 2012 qui vise à mettre en place un parcours pour les personnes âgées à partir du constat que les réponses actuelles sont trop en silo et créent un risque de discontinuité et de rupture pour la personne âgée. Concrètement cela veut dire organiser le travail entre les différents intervenants du domicile de la personne âgée (médecins, infirmiers, aide sociale). Concrètement cela veut dire mettre en place une plateforme qui va aider les professionnels à se coordonner et aussi de créer les outils de travail entre ville et hôpital pour mieux gérer le passage à l’hôpital, l’éviter quand c’est possible et enfin permettre d’avoir un retour à domicile le plus rapide dans les meilleures conditions possibles.

 

  • Concrètement comment se traduit-il ?

Une expérimentation a eu lieu dans 18 territoires (550 000 personnes âgées). Elle a permis de construire de vraies dynamiques territoriales entre acteurs parce que le vrai sujet c‘est d’apprendre aux gens à travailler entre eux, à bâtir des dynamiques de travail et changer la prise en charge des personnes âgées. Cela peut se traduire de différentes façons :

  1. Pouvoir établir pour certaines personnes un plan personnalisé de santé.
  2. On partage un document qui fait le diagnostic avec la personne de sa situation et propose des actions partagées en plusieurs professionnels. Ainsi quand un événement survient, il est noté et porté à la connaissance des différents professionnels. C’est une façon de suivre ensemble une personne âgée à son domicile grâce à une coordination entre médecins, pharmaciens, infirmières, etc.La mise en place des visites de pharmaciens à domicile (le risque de iatrogénie étant la 1e cause d’hospitalisation évitable) .
  3. La mise en place d’infirmières de nuit d’astreinte en Ehpad pour éviter les hospitalisations.
    Un des problèmes auxquels on peut être confronté : le cas d’un couple de personne âgée où l’aidant a un problème de santé et la personne âgée doit être hospitalisée car elle devient seule et n’est pas capable de faire face à ses besoins par elle-même. Ainsi l’hébergement temporaire en Ehpad est une façon de résoudre le problème sans passer par l’hospitalisation.
  4. La mise à disposition d’une personne pour raccompagner à domicile une personne âgée afin d’éviter son hospitalisation.

 

  • Est-ce que le PAERPA sera généralisé dans les années à venir ?

Le Paerpa doit inspirer la loi Grand Âge. L’idée c’est de passer à cette notion de parcours de droit commun : il faut partir de la personne elle-même, de son parcours de santé. Les modalités exactes vont dépasser le seul cadre PAERPA parce qu’il doit s’articuler avec d’autres dispositifs, d’autres notions. Tout ceci doit être coordonné. Certaines des dispositions peuvent d’ailleurs s’étendre au delà des personnes âgées, notamment la coordination territoriale d’appui qui peut s’appliquer à d’autres populations (personnes handicapées, personnes en précarité, etc.)

 

Allez plus loin

Lire  "Rapport Libault : « La Société Française de Gériatrie et Gérontologie (SFGG) doit avoir un rôle important dans sa mise en oeuvre"

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