Simone Veil était une immense femme politique. En atteste son entrée au Panthéon, temple où reposent les grands hommes – et femmes – qui ont mérité la reconnaissance nationale depuis 1791. Son héritage est immense : son engagement pour les combats emblématiques de son époque a indéniablement fait avancer la société française.
Parmi les hommages rendus à Madame Veil, on devrait trouver aussi ceux des gériatres. Lors du gouvernement d’Edouard Balladur, Simone Veil fut l’un des rares ministres de la santé à s’intéresser personnellement au développement de la Gériatrie en France et en Europe. Parmi ses initiatives, elle organisa un colloque Européen sur la Formation à la Gériatrie en Europe où participèrent tous les pays de l’Europe de l’époque (les « Quinze, plus les deux pays associés). Le document officiel européen résultant fut publié par le Ministère en français et en anglais diffusé par le Ministère notamment à tous ses homologues européens. Ce fut une officialisation de la nécessité d’une formation de tous les médecins à la Gériatrie dans toutes les facultés et de la création d’une spécialité de Gériatrie dans tous les pays européens – dont la France. A l’époque certains pensaient encore que la Gériatrie était une « sensibilité » (sic) et non un corpus de connaissances et d’expérience.
Deux souvenirs personnels témoignent de son intérêt sur le sujet.
Le premier fut à l’occasion d’une réunion sur la gériatrie. Avant d’entrer dans la salle, la Ministre remit ostensiblement dans son sac les notes préparées par son cabinet préférant « dire ce qu’elle pensait » plutôt que lire des textes touts faits. Une fois en salle, elle parla avec son cœur et sa conviction profonde.
Le deuxième souvenir que je garde et qui atteste de son intérêt profond pour notre discipline se déroula lors du Colloque Européen sur la formation. Nous savions son temps de présence limité par un Conseil des Ministres. Le discours du Commissaire Européen qui parlait avant elle n’en finissait pas. Ses pincements de lèvres ainsi que ses coups d’œil inquiets à sa montre ne nous ont pas échappés : gériatres et membres du cabinet échangions quelques signes silencieux. Quand le commissaire s’arrêta quelques secondes pour reprendre son souffle, et soulever la première feuille d’une épaisse liasse de texte, le premier rang se mit à applaudir avec énergie. La salle suivit, comme s’il avait fini son discours. Le Commissaire ne put alors reprendre la parole. Mme Veil eut un grand sourire et eut tout son temps pour dire avec conviction ce qu’elle souhaitait dire et ce qu’elle envisageait de faire. Cette fois les applaudissements furent sincères.
Immortelle pour nous tous gériatres, Simone Veil l’est et le restera.
Robert Moulias