Le Pr Robert MOULIAS, responsable du groupe « Age, Droits et Liberté » de la SFGG a pris l’initiative d’un séminaire « Droits fondamentaux et citoyen âgé » qui s’est tenu à Paris, le 10 décembre 2018, à la date du 70ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, par les Nations Unies.

 

               Une cinquantaine de spécialistes du vieillissement et de responsables institutionnels, ainsi réunis, ont pu dialoguer pour réfléchir, émettre des recommandations et surtout valider in fine une Déclaration des « Droits fondamentaux sur l’avancée en âge, l’accès aux droits et l’exercice des droits par le citoyen âgé ».
Ce document sera largement diffusé, en particulier auprès des instances internationales. L’objectif est de faire avancer le respect des droits des citoyens quel que soit leur âge.

              « Il serait inapproprié de réclamer une Déclaration des droits des Personnes Âgées » annonce Françoise Forette, ancienne présidente de la SFGG, en ouverture du séminaire. « Ce que nous souhaitons et ce que nous pensons être notre rôle, c’est d’alerter la société sur les discriminations dont sont souvent trop victimes les personnes âgées. Elles doivent pouvoir bénéficier de leurs droits, plein, et ce n’est pas toujours le cas ».

               Une série de tables rondes, trois au total, une quinzaine de  prises de parole sur des sujets liés aux droits fondamentaux du citoyen âgé et à leur exercice étaient donc à l’ordre du jour.
La révolution démographique liée à l’allongement de la vie est telle que l’image de la personne âgée, sa place dans la société, les droits dont elle jouit, les soins qu’on lui apporte ne sont plus guère adaptés. Il y a urgence à remettre en question et redéfinir la question du vieillissement dans les pays européens et développés.

               Robert Moulias explique la nécessité de rédiger un manifeste et de faire bouger les lignes : « il faut absolument faire passer le message sur les questions de la vieillesse et de la longévité. Par  exemple, les références à l’âge chronologique n’ont plus de sens. Chacun deviendra « vieux » à un âge différent ». Les citoyens âgés ne peuvent plus en effet être réduits à une même catégorie populationnelle : « il est impossible aujourd’hui de définir un âge de la vieillesse car chaque personne a un vieillissement qui lui est propre. Rappelons que seule 8% de la population âgée est atteinte de dépendance. Ce qui veut dire que les gens vieillissent plutôt bien, contrairement à l’idée qui est souvent diffusée ».

Emmanuelle Cambois, directrice de l’Institut des Vieillesses et du Vieillissement, confirme et parle même de « spécificités » : « Avec l’allongement des temps de la vie, on assiste à une diversification sans précédent des parcours de vie. De quel âge du vieillissement parle-t-on désormais ? Il peut s’agir de celui du départ à la retraite, de l’entrée en grand parentalité, du moment où l’on devient aidant de ses parents, de son conjoint, du moment où l’on devient aidé, etc. »

               Réduire les personnes âgées à une seule catégorie est désormais impossible.
Aberrant même.
              « Ne pas confondre les citoyens, identifier leurs spécificités, chercher à comprendre leurs aspirations, leurs choix de vie, leurs projets, jusqu’à la dernière seconde est absolument structurant dans une approche de la citoyenneté » confirme Marie-Anne Montchamp, ancienne Ministre.

 

 

               La transition démographique est donc en route.
               Mais n’oublions pas la « transition sociétale ». Ne pas suivre de près l’évolution de la société, mal connaître les populations et les générations qui la composent conduit à mal s’occuper d’eux. Comment bien faire appliquer les droits des citoyens quand ceux-ci sont mal perçus et mal compris aujourd’hui ?
              « Les personnes âgées d’aujourd’hui ne sont plus les personnes âgées d’hier » explique Gilles Berrut. « Depuis la 2e Guerre Mondiale, la transmission de la culture par exemple n’est plus la même. Autrefois les personnes âgées transmettaient leurs traditions ; aujourd’hui elles transmettent leurs questionnements. » Difficile alors aujourd’hui de parler « vieux » et de « jeunes » qui s’opposeraient forcément. « Chaque génération, chaque individu modifie ses comportements. Il faut porter un regard nouveau sur notre société et que l’on sache s’adapter et faire évoluer la jurisprudence. »

                Patrick Gohet est adjoint du Défenseur des Droits.
                Une de ses missions : combattre les discriminations dont peuvent être victimes les personnes âgées. En ligne de mire : la dématérialisation et la fracture numérique qui isolent, empêchent, désavantagent et excluent petit à petit les citoyens âgés. « À Compiègne par exemple, devant la sous-préfecture, une petite affiche honteuse annonçant que la préfecture ne reçoit plus de public montre combien on fait peu cas des personnes âgées. Il est important de rester vigilant et de saisir le Défenseur des Droits lorsque des situations semblables se produisent ».
                 « Nous devons être des chiens de garde, des panthères grises en matière de discriminations liées à l’âge. » renchérit Michèle Delaunay, ancienne Ministre, avec sa verve légendaire. « Notre vigilance doit être totale pour garantir l’exercice par les citoyens âgés ».
                 Elle tente d’ailleurs ce parallèle : « Comme l’enfant qui a le droit d’être accueilli dans une école pour assurer son éducation, une personne âgée a aussi le droit d’être accueillie dans un lieu, une vie qui lui garantissent des conditions de vie satisfaisantes ».

 

                 L’égalité des droits quel que soit l’âge : voici donc la principale revendication de cette journée.

Les droits s’amenuisant avec l’âge, la personne âgée finit elle-même par être actrice de son propre affaiblissement : « Ce sont ce que l’on appelle les croyances négatives. Les personnes âgées intègrent les pressions sociales et les menaces qui sont faites sur leur âge et ceci a des conséquences à terme sur leur propre santé » explique François Blanchard. « On a pu étudier sur un groupe en proie à la vision négative de son vieillissement, une perte d’espérance de vie de 7 ans ».

 

 

La situation reste très préoccupante.
Il y a urgence à faire bouger les choses.
Vieillir n’est pas une maladie ni une honte, faut-il encore le rappeler ?

                   Parmi les discriminations qui touchent les personnes âgées, la discrimination économique est de taille. Marie-Ève Joël, économiste, a rappelé la précarisation de certaines d’entre elles. « En 2015, les 60 ans et plus représentent 23% des français qui vivent sous le seuil de pauvreté. Concernant le taux d’emploi des séniors de + de 60 ans, il est de 3% contre 1,6% en 2006 ».  « La dynamique n’est pas bonne » ajoute-t-elle. « Les analyses aujourd’hui nous font tirer deux conclusions : une personne âgée qui est pauvre a plus de chance de le rester jusqu’à la fin de sa vie. Ensuite il est important de souligner que les personnes âgées sont les grands oubliés du plan pauvreté ».

                   Mais la question que chacun se pose est celle-ci : la France est-elle préparée à ce nouveau défi du vieillissement ?
                   « Nous avons vécu une poussée du vieillissement sans précédent » répond Jean-Philippe Viriot-Durandal, sociologue « et la question est de savoir si les droits universels sont définitivement acquis ». « Nous observons par exemple et depuis des années une chute de la participation électorale au-delà de 77 ans ce qui veut dire que les personnes les plus fragiles, les personnes âgées, entrent dans une fragilité civique. ». Est-ce que cette chute du droit de vote est juste un désintérêt par rapport à la politique ou est-elle due à une désocialisation par rapport à l’espace public ? « Il faut en tous les cas le prendre comme une alerte contre la mort civique qui touche cette population ».

 

Pour clore cette journée de séminaire qui fera date, nous l’espérons, dans la défense des droits fondamentaux des citoyens âgés, le mot de la fin est revenu à Christian Hervé et Alain Franco tous deux fervents défenseurs de la cause. Et ce fut « Âgisme » : doctrine créée par l’Observatoire de l’âgisme, elle est officiellement reconnue comme une situation qui conduit à des mauvais états de santé et utilisée pour faire référence aux « questions collectives où la société se met contre l’exercice des droits des personnes âgées »« L’âgisme est la discrimination la plus courante et la plus ancrée dans la société et les mentalités. L’âgisme est la seule discrimination qui ne soit jamais réprimée. » Nous, membres et sympathisants de la SFGG, militons pour que cette discrimination cesse.

 

 

 

Lire la Déclaration.

Remerciements

La SFGG remercie tout particulièrement le Pr Robert Moulias qui a pris cette initiative et les professionnels qui ont collaboré étroitement avec lui : les Prs Alain FRANCO, Gilles BERRUT Président de l’Association Francophone Droits des personnes âgées, Régis GONTIER, François BLANCHARD et le Dr Jean-Luc FANON.

La Délégation générale de la SFGG.

 

Programme du Séminaire