Le domaine des gérosciences :

« On a longtemps confondu l’âge chronologique qui mesure le temps qu’on a passé sur terre et l’âge biologique qui mesure nos processus biologiques de vieillissement, qui est le principal facteur de risque des maladies liées à l’avancée en âge (cancer, maladies dégénératives, maladies vasculaires) » explique Bruno Vellas, gériatre, chef du Gérontopôle de Toulouse et organisateur du congrès International sur la Fragilité et la Sarcopénie qui s’est tenu du 11 au 13 mars à Toulouse.

Le domaine des gérosciences consiste à mieux connaître la biologie du vieillissement, à définir l’âge biologique pour ensuite avoir des possibilités de retarder les pathologies liées au vieillissement. « Prolonger le nombre d'années passées en bonne santé et, non pas tant  la durée de vie. Voilà ce pour quoi se mobilise la géroscience, qui vise à contrer les outrages de l'âge en cherchant à prévenir les maladies et dégénérescences liées au vieillissement. »

 

Qu’est-ce que les gérosciences ?

 

  • La conférence inaugurale « Aging biomarkers and geroscience discovery where we are and where we must go » de Luigi Ferrucci du National Institute of Aging de Baltimore (États-Unis)

 

La population mondiale de personnes de plus de 65 ans croît à un rythme sans précédent et devrait atteindre 1,6 milliard d'ici 2050. La plupart des personnes âgées sont touchées par de multiples maladies chroniques, entraînant des traitements médicamenteux complexes et un risque accru de handicap physique et cognitif. L'amélioration ou la préservation de la santé et de la qualité de vie de ces personnes est difficile en raison d'un manque de directives cliniques bien établies. Les médecins sont souvent obligés de s'engager dans des cycles « d'essais et d'erreurs » qui sont centrés sur le traitement palliatif des symptômes plutôt que sur la cause profonde, entraînant souvent des résultats douteux. Récemment, la géroscience a contesté ce point de vue, proposant que les mécanismes biologiques sous-jacents du vieillissement soient au cœur de l'augmentation globale de la sensibilité aux maladies et aux incapacités qui survient avec le vieillissement. En fait, de fortes corrélations ont récemment été révélées entre les dimensions de la santé et les phénotypes typiques du vieillissement, en particulier avec l'autophagie, la fonction mitochondriale, la sénescence cellulaire et la méthylation de l'ADN. La recherche actuelle se concentre sur la mesure du rythme du vieillissement pour identifier les individus qui « vieillissent plus rapidement » pour tester et développer des interventions qui pourraient prévenir ou retarder la progression de la multi-morbidité et de l'incapacité avec le vieillissement. Comprendre comment les mécanismes biologiques sous-jacents du vieillissement se connectent et influencent les changements longitudinaux des trajectoires de santé offre une occasion unique d'identifier les mécanismes de résilience, leurs changements dynamiques et leur impact sur les réponses au stress. Exploiter comment évoquer et contrôler les mécanismes de résilience chez les individus avec un vieillissement réussi pourrait conduire à l'écriture d'un nouveau chapitre en médecine humaine.

 

La diète intermittente pour retarder les pathologies ?

 

Le jeûne améliore-t-il la survie ?

La composition nutritive et l'apport calorique sont traditionnellement utilisés pour concevoir des régimes alimentaires pour différentes phases de la vie. Un ajustement de la taille et de la fréquence des repas est apparu comme des outils puissants pour améliorer et retarder l'apparition de la maladie et retarder le vieillissement, alors que les périodes de jeûne, avec ou sans apport énergétique réduit, peuvent avoir des avantages pour la santé. Les processus physiologiques sous-jacents impliquent des changements périodiques de métabolisme sources de combustible, promotion des mécanismes de réparation et optimisation de l'utilisation de l'énergie pour la santé cellulaire et biologique. Les efforts de recherche futurs devraient être dirigés l'intégration d'une alimentation nutritive équilibrée avec une taille et des modèles de repas contrôlés et périodes de jeûne pour développer de meilleures stratégies de prévention, de report et de traitement charge socioéconomique des maladies chroniques associées au vieillissement.

Bien que prometteuses, ces approches sont encore de nature expérimentale et ne devraient pas être initiées sans surveillance médicale.
Lien pour l’étude dans son intégralité (parue dans New England Journal of Medicine).

 

Des biomarqueurs de l’âge biologique

Son étude porte sur les cellules sénescentes qu’on produit en vieillissant et notamment le SASP (le phénotype sécrétoire associé à la sénescence) qui est récemment apparu comme une cible thérapeutique prometteuse pour de multiples pathologies liées à l'âge, allant de la neuro-dégénérescence au cancer. Ces cellules secrètent un certain nombre de protéines d’inflammations et d’autres éléments comme le GDF 15 qui peuvent servir à la fois de biomarqueurs pour l’âge biologique et aussi de cibles thérapeutiques. Les cibles thérapeutiques visent à soit à détruire les celulles scenecentes (senotylique) soit à empêcher ces cellules de ce sécréter ce SASP.

 

Un outil pour identifier 4 syndromes gériatriques

 

John Morley qui a reçu lors du congrès le « Iana Lifetime achievement Award » a exposé son programme de prévention, le RGA. Cet outil a été développé pour identifier rapidement quatre syndromes gériatriques à savoir la fragilité, la sarcopénie, l'anorexie du vieillissement et la dysfonction (cette évaluation prend moins de 4 minutes)

Avec un nombre limité de gériatres, une évaluation gériatrique rapide avec des plans de prise en charge immédiate par les médecins gériatres ou des personnes âgées elles-mêmes est la voie à suivre.En plus de l'outil de dépistage, un programme informatisé d'évaluation et de gestion pour les cabinets de médecins a été développé. Ce programme fournit spécifiquement un plan de diagnostic. Cette approche est bien acceptée par les médecins de premier recours (les médecins généralistes).

 

Le Projet de Géroscience INSPIRE

 

 

L’objectif de la plateforme de recherche INSPIRE est de déterminer l’âge que nous avons vraiment, c’est-à-dire notre âge biologique. L’étude des mécanismes biologiques du vieillissement est actuellement en plein développement et fait l’objet d’un nombre important de publications dans les plus grandes revues. Le rôle de modification de notre ADN avec l’âge, de l’épigénétique, de la production anormale de protéines, de cellules sénescentes qui elles-mêmes secrètent des facteurs pro-inflammatoires favorisent les pathologies d’organes. De nouvelles thérapies visant à détruire et réduire ces cellules sénescentes sont en cours de développement : c’est le cas des molécules sénolytiques.

Une fois cet âge biologique connu et compte-tenu de l’âge chronologique du sujet, il sera possible de déterminer des normes. Si le sujet a un âge biologique modérément élevé, des recommandations préventives lui seront faites (intérêt de faire de l’exercice physique, de ne pas fumer etc). S’il est nettement plus élevé, avec des antécédents familiaux (comme pour la maladie d’Alzheimer ou autre), des mesures de prévention ciblées seront mises en place.

L’objectif principal des gérosciences n’est pas d’augmenter la longévité mais de diminuer les pathologies chroniques qui arrivent aux 2/3 de la vie quelle que soit l’espèce animale et de permettre ainsi un vieillissement en santé.

Nothobranchius furzeri ou African Killifish.

La plateforme INSPIRE fait partie des 5 plus grands dispositifs de recherche sur le vieillissement au monde avec ceux du N.I.A (Baltimore, USA), du Buck Institute (San Francisco, US), de Calico de Google (Californie, US), et de la Mayo Clinic (Rochester, US).

La cohorte de recherche humaine INSPIRE, compte quant à elle 1000 sujets (en cours de recrutement) âgés de 20 à plus de 100 ans et permettra d’apporter les ressources biologiques, tissulaires, cliniques, d’imagerie et digitales nécessaires aux laboratoires pour les programmes de recherche translationnelle chez l’homme, en regard de ce qui est étudié sur les modèles animaux.

 

INSPIRE pour implémenter le programme ICOPE de l’OMS pour un vieillissement en santé et la prévention de la perte d’autonomie

 

Pour l’OMS vieillir en santé ne signifie pas ne pas avoir de pathologies, puisqu’on a des maladies à tous les âges de la vie, mais c’est garder ses fonctions pour continuer à faire ce qui est important pour chacun d’entre nous. L’OMS, et le Gérontopôle du CHU de Toulouse, qui est Centre collaborateur de l’OMS pour la fragilité, la recherche clinique et la formation en gériatrie, ont travaillé ces dernières années sur ce programme ICOPE. Ce programme est le fruit du travail des experts de l'OMS spécialisés dans le vieillissement, notamment de l’analyse détaillée de 500 publications d’ « evidence based medecine », et des recommandations d’un groupe de 50 experts internationaux.

L’OMS a pu ainsi repérer 6 fonctions essentielles au maintien de l’autonomie : la mobilité (le fait de pouvoir marcher), la mémoire, la vue, l’audition, la santé psychique et la réserve nutritionnelle.

L’OMS a mis au point un outil pour pouvoir mesurer ses fonctions dès l’âge de 60 ans chez tout senior, en 8 à 10 minutes : il s’agit du STEP 1 ICOPE. Cela peut être fait par tout professionnel de santé ou non (une fois formé) ou par les seniors eux-mêmes.

À titre d’exemple, une infirmière va par exemple apprendre au sujet à s'auto-évaluer en entrant toutes ses données sur une application développée par le Gérontopôle en lien avec l’OMS : « ICOPE MONITOR ». Les données vont ensuite dans un data Lake sécurisé et spécialisé pour les données de santé. Si le sujet présente un déclin d’une de ces fonctions, une alerte est envoyée au Gérontopôle, où une infirmière valide et interprète cette alerte, téléphone à la personne concernée pour lui poser quelques questions complémentaires et vérifie si ce déclin est réel. Les informations sont ensuite transmises au médecin traitant.

Le but de ce programme ICOPE est de suivre plus de 200 000 seniors en Occitanie d’ici 3 à 5 ans, et de passer ainsi d’actions granulaires à de véritables actions de santé publique. Le but affiché par l’OMS est de diminuer de 15 millions le nombre de dépendants d’ici 2025 à l’échelle mondiale, cela correspond à environ 150 000 pour la France et 15 000 en Occitanie.