« Dans certaines maladies comme la maladie d’Alzheimer, les personnes âgées gardent un bon potentiel physique même à un stade avancé de la maladie », explique Sylvie Bonin-Guillaume « et c’est ce qui rend particulièrement complexe la prévention de la fugue chez ces patients ». Les fugues ont fait l'objet de peu d'études car restent encore un sujet tabou. Les données que Sylvie Bonin-Guillaume a pu recueillir et analyser grâce à une étude inédite ouvrent indéniablement des perspectives. En voici la synthèse, présentée lors des dernières Journées Annuelles de Gériatrie et de Gérontologie (JASFGG) à Paris, en novembre dernier.

Une étude[1] sur les fugues a été menée par la SDIS 13 dans les Bouches-du-Rhône, hors Marseille, bassin de population d’un million d’habitants. Sur 2 ans, 437 disparitions ont été recensées – 114 concernaient des personnes de plus de 60 ans soit 25%. Une fugue chaque semaine a été déplorée : les fugues à domicile représentaient 58%, 34% pour celles en Ehpad.

Définition

Anxiété, culpabilité, c’est ainsi que les professionnels de santé ressentent la disparition d’un résident. Appelée ordinairement « fugue », il s’agit souvent chez ces patients de pertes de repères, spatio-temporels, qui conduisent la personne âgée à se perdre dans le premier cas ou à vouloir retourner chez elle dans le deuxième. La confusion entre déambulation et comportement moteur aberrant et le manque de définition précis sèment le trouble chez les professionnels de santé.

Autopsie des cas de fugue

Grâce au Service Départemental d’Incendie et de Secours, nous savons que 66% des interventions pompiers concernent le secours à la personne « potentiellement en danger de mort » en France. Sur 2 années et sur toute la région marseillaise, la recherche de personnes a demandé 5h20 de personnes et la mobilisation de 10 personnes soit l’équivalent de 2 temps plein (7556h).

Dans la majorité des cas, 6 véhicules ont été mobilisés. Dans 18% des cas, les recherches ont nécessité l’utilisation d’un hélicoptère, d’une caméra thermique et d’un drone. Dans 67% des cas, les personnes recherchées étaient des hommes.

Une étude rétrospective dans des EHPAD où une fugue avait eu lieu a permis de mieux cerner la typologie du sujet fugueur.

Le dilemme des professionnels de santé

Tout professionnel qui est confronté au risque de fugue se retrouve face à un dilemme, une souffrance même : il doit assurer la sécurité du résident tout en respectant sa liberté d’aller et venir. Et la jurisprudence est pauvre sur ce phénomène.

Lors de la fugue/disparition, l'équipe vit cette situation comme un échec, même si elle est consciente que la charge de travail ne permet pas une surveillance constante de chaque résidant, en plus de l'inquiétude suscitée par la disparition et ses conséquences l'anxiété et la culpabilité les rongent.

Les mesures de sécurité actuelles

L’obligation de sécurité fait peser sur les personnels de soin et d’accompagnement la menace éventuelle de mise en danger d’autrui.

Dans son rapport, Jean–Marie Delarue expliquait : « En théorie, il n’existe en Ehpad ni obstacles à l’entrée, ni empêchement à la sortie. Mais en pratique de nombreux établissements sont fermés (…) La privation de liberté n’est pas ici de droit mais de fait ».

Les mesures de sécurité existent bel et bien : 85% des Ehpad ont mis en place un moyen limitant la liberté d’aller et venir : digicodes (65% des cas), contention ponctuelle (70%), des chambres fermées (2%), contention systématique (4%).

Un travail en amont, l’adoption de certains réflexes, l’anticipation comme l’appel aux pompiers plus rapide – et non pas 5 ou 6 heures après la constatation de la disparition - permettraient de prévenir et de réduire le phénomène d’errance des personnes âgées.

La grille ESCAPE :  vers une solution de prévention

Cette étude vise en premier lieu à appréhender le problème en amont par de la prévention.

Elle a ainsi débouché sur le projet ESCAPE qui a pour objectif d’une part la revalorisation du rôle du soignant et d’autre part la personnalisation de la prise en charge.

Ce projet s’articule autour d’une grille de repérage du risque de fugue.

Outil d’évaluation, il sera rempli par un soignant (médecin, IDE, AMP, psychologue, aide-soignant) lors d’une transmission et selon trois types de variable : liées au patient, à l’environnement et à l’entourage.

[1] Bonin-Guillaume S, Bautrant T, Steyer Y, Bourgoin M, Sydenham N, Marquet T. Le sujet âgé fugueur : un trouble du comportement aux conséquences sociétales multiples. Rev Ger 2010, 35 : 409-12.

 

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