En Chine, comme en France, la prise en charge des personnes âgées est parfois un problème. La construction d'une véritable filière de soin en gériatrie est en cours dans ce pays et incite les professionnels médicaux chinois à se former à l'étranger, là où les pratiques ont fait leurs preuves.
Il y a quelques semaines, la Chine recevait une délégation française de gériatres et de gérontologues à Fuzhou.
Interview avec Anne Bruant-Bisson, Conseillère Santé, Affaires Sociales et Travail à l’Ambassade de France en Chine.
Pourquoi avoir accueilli une délégation gériatrique française en Chine ?
Cette visite s’inscrit dans le cadre d’’échanges existant depuis 6 ans entre la SFGG et l’alliance des instituts de gériatrie. Un colloque est organisé chaque année avec le soutien de l’ambassade à la fois pour la préparation du colloque et le soutien financier aux missions.
La prise en charge du vieillissement est l’un des enjeux majeurs de nos sociétés, le vieillissement en bonne santé est aussi l’un des cinq axes prioritaires de la coopération institutionnelle entre la France et la Chine et il est donc important que l’ambassade soutienne et encourage les initiatives pour mieux faire connaitre de part et d’autres les pratiques respectives de soins et de prise en charge, afin de favoriser les échanges, dans un objectif commun d’amélioration de la santé des personnes âgées et de leur qualité de vie, mais également d’efficience du système de santé.
Quelles sont les spécificités de la gériatrie en Chine par rapport à la France ?
Il n’est pas certain que l’on puisse parler de « spécificités ». Elle a sans doute été longtemps orientée vers les soins. Ce n’est plus le cas aujourd’hui avec une approche « prise en charge globale » proche de l’approche française, au moins dans le discours.
Elle est toutefois peu présente à domicile (la HAD reste à développer). Les services de réadaptation, longtemps parents pauvres se développent toutefois rapidement.
La spécificité chinoise tient moins à la discipline qu’au contexte chinois :
- un vieillissement qui s’accélère sous le double impact de l’allongement rapide de la durée de vie et de l’absence de renouvellement générationnel, conséquence de la politique de l’enfant unique
- des volumes impressionnants (241 millions de personnes âgées en 2017) ce qui influe forcément sur les modes de prise en charge et les choix d’organisation (notamment la dématérialisation).
De quelle façon la Chine peut inspirer la France ?
Le plan Healthy China 2030 insiste sur la prévention, le vieillissement en bonne santé et l’accompagnement global de la personne âgée dans son environnement social. Avec le développement progressif dans les centres de soins dans les hôpitaux de proximité d’accueil pour les personnes âgées, avec des ateliers sur la diététique et le bien-se-nourrir, un suivi des patients chroniques en lien avec les services hospitaliers. Tous les parcs, et même certaines rues, sont équipés d’appareils pour faire des exercices, qui sont largement utilisés par la population et particulièrement les personnes âgées.
S’il est un domaine où la Chine a une appétence et une rapidité de mise en œuvre, ce sont bien les innovations technologiques. Il existe des initiatives intéressantes pour équiper l’environnement immédiat de la personne âgée, pour développer la télémédecine et éviter les déplacements sur lesquels nous pourrions avoir plus d’échanges quant à l’utilisation par les professionnels de santé et les établissements de ces techniques.
De la même façon, le regard porté en Chine sur la personne, perçue en France comme en difficulté permanente par rapport à l’outil numérique, est différent. Au-delà des débats, réels, sur la protection des données personnelles de santé, tout le monde a un smartphone ou presque quel que soit l’âge. Prendre ses RDV en ligne, régler ses consultations en ligne, gérer sa maladie en ligne ne sont pas l’apanage des « jeunes » mais sont largement mis à la disposition population y compris âgée. Une façon d’être acteur de sa santé.
Comment s'est déroulée la venue de cette délégation en Chine ?
Le forum s’est déroulé dans une excellente ambiance, malgré les difficultés logistiques pour atteindre Fuzhou (près de 18 heures tout de même pour nos intervenants !). Les présentations lors du colloque académique puis de la demi-journée de formation ainsi que les temps plus informels (dîners notamment) ont permis les échanges à la fois avec les institutionnels de la commission de la santé mais aussi les présidents de la fondation et de l’alliance des instituts de gériatrie, les directeurs d’hôpitaux du Fujian mais également d’autres provinces (un contact par exemple avec un institut de recherche en gériatrie de Hangzhou, ville où nous avons d’autres coopérations en santé), le président de l’université de médecine. La venue de la présidente de l’association des infirmiers de pratique avancée en gériatrie a aussi été l’occasion de se poser la question des rôles de chacun, de l’organisation optimale et a été fort appréciée de nos interlocuteurs chinois.
La visite a été l’occasion de relancer les échanges, de se dire ensemble avec nos partenaires chinois que nous voudrions travailler mieux entre ces colloques et que nous allons tenter de favoriser le développement de coopérations entre établissements de santé et universités sur cette discipline avec Limoges puisque le CHU et l’université était représenté, avec l’aide de la société ; certains établissements français travaillent bien sûr déjà sur cette problématique, l’idée serait de donner de la visibilité à cette « filière » de coopération en gériatrie/gérontologie.
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