#HiverSansGrippe
Qui dit hiver dit grippe !
Le Pr Gaetan Gavazzi est Président du Collège National des Enseignants en Gériatrie (CNEG), infectiologue et médecin gériatre au Centre Hospitalier Universitaire de Grenoble. Il fait le point sur le virus, la campagne de vaccination initiée il y a quelques jours par le Ministère de la Santé et des solidarités et rappelle l'importance pour le personnel soignant de se faire vacciner.

 

Le vaccin de la grippe ne jouit pas d’une très grande popularité auprès du grand public et les professionnels de santé. Comment l’expliquer ?

La France est championne du monde de la défiance, il faut savoir que nous sommes le pays où les gens doutent le plus de l’efficacité des vaccins. Les gens ont peur des effets indésirables, alors qu’il y en a très peu, craignent qu’on ne les désinforme sciemment au nom d’intérêts politiques.
D’autre part le vaccin est trop peu apprécié encore – connaissance sur le niveau de vaccination des gens, impact du vaccin, informations concernant le caractère obligatoire ou non - pour pouvoir communiquer efficacement. Du coup il règne beaucoup de confusion autour du vaccin contre la grippe.
Seuls les conseils de professionnels de santé sont capables de faire changer les mentalités mais trop peu encore sont-ils à le recommander, malheureusement.

 

Quels sont les freins à la vaccination ? Pourquoi le personnel soignant ne se vaccine pas assez et ne le recommande pas assez non plus ?

Le personnel soignant a besoin de formations théoriques et pratiques. Il est sous-informé sur le vaccin de la grippe et ne peut du coup pas le recommander correctement.
Nous savons que les vaccins sont essentiellement administrés pas les médecins généralistes (source IMPES) et les infirmier(es) ainsi que par les pharmaciens depuis peu. Mais globalement, les limites organisationnelles sont telles que l’on rate beaucoup d’opportunités en n’élargissant pas l’acte à la majorité des professionnels pour vacciner les individus dans la communauté et en ne permettant pas aux personnels soignants de se vacciner plus facilement, entre eux par exemple. Il faut trouver rapidement des solutions pour améliorer les couvertures vaccinales parmi les professionnels. Les changements de cultures se feront plus lentement.


L’épidémie de la grippe est-elle vraiment grave chaque année ?

La grippe, ce sont des millions de cas par an et on vaccine encore très peu. Le tétanos, c’est quelques cas par an et on vaccine la grande majorité de la population.
On sous-estime à tort la grippe : c’est une maladie très très grave pour les personnes fragiles, notamment les personnes âgées et les personnes poly-pathologiques. Son poids économique et sanitaire est colossal : elle provoque des infarctus du myocarde, augmente le risque de pneumonie bactérienne, augmente le risque d’insuffisance rénale et d’insuffisance cardiaque chez les malades âgés par exemple. Ces conséquences sont trop graves pour ne pas être prises au sérieux.


Le vaccin permet-il réellement d’endiguer la grippe ?

Oui absolument.
Celui qui est infecté par le virus, même s’il ne le développe pas, le fait circuler. Auprès des enfants et des personnes âgées qui ne sont pas uniquement dans les services gériatriques comme on le pense mais dans tous les services.
90% de la mortalité liée à la grippe touche les personnes âgées (plus de 10 000 décès par an depuis quelques années). Et si tout le monde était vacciné, on pourrait réduire de beaucoup cette mortalité.
Notre cible principale est le personnel soignant : c’est à lui que tient principalement la propagation de l’épidémie dans les secteurs de soins. Plus les gens seront vaccinés, moins il y aura de circulation virale. Le vaccin contre la grippe est un vaccin pour se protéger soi-même mais aussi pour protéger les autres.

 

L’année dernier le groupe de travail Ginger a mené en collaboration avec la Sfgg une grande enquête nationale, le Pugg 2017, sur la grippe et l’épidémie 2016-2017. Quels enseignements en avez-vous tiré ?

Cette enquête a permis de connaître les pratiques en situation réelle. Nous avons pu savoir par exemple que dans les Ehpad, seuls 26,5% des professionnels de santé étaient vaccinés contre la grippe. C’est un gros problème, je ne vous le cache pas. Quand nous avons regardé plus en détail dans les unités (+ d’une centaine d’unités), nous nous sommes rendus compte que le taux de vaccination des professionnels était de 34,8%.
Dans les unités aigües, le taux de grippe nosocomiale, c’est-à-dire une grippe contractée à l’hôpital, était de 24,5%, grippe qui était directement responsable d’un taux de mortalité de 12,3%.


Quel est le message à délivrer cette année pour limiter la propagation de la grippe ?

Il faut absolument se faire vacciner pour protéger les plus fragiles que sont les personnes âgées, les malades chroniques et les enfants. Le vaccin anti-grippal est très sécure, il n’a pas d’effet indésirable majeur : le rapport bénéfice / risque du vaccin est en faveur (faible) vu la gravité de la situation.