Les 38e Journées Annuelles de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie se sont ouvertes aujourd’hui à Paris. Une édition importante pour la société savante dont les thématiques sont sous les feux de l’actualité ces derniers mois. Adaptation du système de santé aux personnes âgées, bouleversement de la pratique médicale due à la transition numérique : le congrès sera l’occasion de réfléchir, questionner et participer à la résolution de ces problématiques qui sont au cœur de nos métiers.

« Notre devoir est de garantir la meilleure place et la meilleure approche pour nos aînés » a déclaré dans son discours inaugural Olivier Guérin, Vice-Président de la Sfgg. « Ce combat-là n’est pas évident. À l’heure actuelle le constat est fait par tous pour dire que ce sont bien les patients âgés qui font les frais du système de santé actuel. Notre système de santé ne correspond plus aux besoins ; il est fait pour la pathologie aigüe (des jeunes) et non pour la poly-pathologie des personnes âgées. C’est le rôle de notre communauté et celle de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie de participer avec une réflexion partagée et commune à ces bouleversements à venir, tant sanitaires et médico-sociaux que sociétaux ».

Une vision que les 1500 congressistes venus de toute la France partagent, à n’en pas douter.

Cette première journée fut également l’occasion de présenter les premiers résultats de la grande enquête nationale déployée cette année, l’enquête PUGG (Pratiques et Usages en Gériatrie et Gérontologie) 2018. Elle s’intéresse à la prise en charge de la douleur chez les patients âgés et a pour objectif de livrer une image représentative de nos pratiques actuelles en France. Une enquête sans précédent en France et dans le monde : aussi la session animée par Sylvie Bonin-Guillaume, gériatre au CHU de Marseille, a-t-elle été riche d’enseignement et a attisé la curiosité.

Les données de 854 patients âgés principalement de plus de 80 ans ont pu être examinées grâce au concours de 131 médecins exerçant en France et dans les territoires d’Outre-Mer. Les premières conclusions ont parfois de quoi surprendre :

  • Une très grande majorité des personnes âgées a des troubles de la communication orale qui l’empêche de verbaliser correctement ses douleurs ;
  • Les patients âgés souffrent majoritairement de douleurs chroniques et aigües ;
  • Les douleurs neuropathiques sont encore sous-estimées ;
  • Le paracétamol reste le médicament le plus prescrit pour traiter la douleur ; le palier 2 est très peu utilisé ;
  • Chez les patients atteints de troubles de la communication, la consommation de psychotropes liés à des douleurs non identifiées est élevée ;
  • Les thérapies non-médicamenteuses (approches psychothérapeutiques mais aussi massages ou musicothérapie) bien qu’encore marginales sont de plus en plus prescrites.

Au traitement de la douleur a suivi la question de la défense des droits des personnes âgées. Patrick Gohet, Adjoint au Défenseur des Droits en charge de la lutte contre les discriminations, a lancé un appel à la communauté gériatrique et gérontologique pour participer à une réflexion commune sur la défense de la place des adultes âgés dans la société.

« Les citoyens âgés s’estiment victimes de discrimination » a-t-il lancé devant une salle on ne peut plus consciente des discriminations que subissent trop souvent les personnes âgées. « Le législateur a établi 27 critères de discrimination par la loi : l’âge, avec le handicap est un de ces critères ». « Nos concitoyens âgés peuvent nous saisir s’ils se sentent discriminés » a-t-il rappelé en indiquant que ce sont souvent les « milieux plutôt ruraux les plus touchés car les inégalités territoriales deviennent un fléau dans notre pays ». L’évolution de la société française avec entre autres la dématérialisation des services administratifs laisse les personnes âgées dans une situation de détresse et de vulnérabilité qui conduit à leur exclusion progressive. La perte d’activité et le manque d’adaptabilité du logement les ont déjà bien fragilisés.

Alors que l’on s’apprête à fêter les 70 ans de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) le 10 décembre prochain, la nécessite de légiférer autour des discriminations des personnes âgées se fait entendre. « On n’a pas le droit de louer une voiture au-delà de 75 ans » a rappelé le Pr Alain Franco, président de l’Université InterÂge du Dauphiné, en préambule d’un vibrant plaidoyer. « Les personnes âgées ne peuvent exprimer leurs droits uniquement qu’en tant qu’handicapés. Il existe des traités internationaux complémentaires à la DUDH pour défendre l’exercice des droits pour les enfants, pour les femmes, pour les migrants et pour les Hommes et Femmes en situation de handicap mais rien n’a été promulgué pour le respect des droits des personnes âgées sur la planète. Il ne faut pas confondre le handicap et l’avancée en âge. ».

En conclusion de cette session Patrick Gohet a annoncé la création d’un comité d’entente sur les personnes âgées et l’avancée en âge. « Nous sommes désireux d’avoir de votre part toutes les contributions nécessaires et de nous nourrir des observations des gériatres et des professionnels de santé travaillant aux côtés des personnes âgées pour que l’on comprenne le mieux possible ce qu’est la réalité de l’avancée en âge ».

N'oublions pas un peu plus tôt en séance pleinière la remise des 4 Prix Chaffoteaux à des jeunes gériatres (et un prix sénior) qui visaient à soutenir des projets de recherche déjà aboutis dans les domaines du vieillissement et la prise en charge des patients âgés, la recherche biologique en vieillissement et sénescence, la recherche clinique en gériatrie et les sciences humaines et sociales.
Pauline Maillot (APHP), Caroline Giulioli (CHU de Toulouse), Claire Roubaud (CHU de Bordeaux) et Frédéric Chorin (CHU de Nice) sont les heureux lauréats de la 3e édition du Prix Chaffoteaux.