Ces textes sont la retranscription d’une journée d’échange organisée par Ville amies des aînés dans le cadre du 6é Colloque International  Reiactis « Société Inclusive et avancée en âge » qui s’est tenu à Metz du 4 au 6 janvier 2020.

 

Intervention de Rosita Kornfeld
experte indépendante pour les personnes âgées au sein de l’ONU

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le vieillissement de la population pose de nouvelles questions sur les besoins et les droits des personnes âgées.

Les personnes âgées forment un ensemble très hétérogène, d’où l’importance d’avoir une ville conditionnée pour ces personnes. L’autonomie doit être interprétée comme le droit d’un groupe d’individus à interpréter ses propres règles : le droit de participer à la vie sociale, politique, culturelle et économique. À cela il ne faut pas oublier la formation continue et la santé. Des garanties doivent être mises en place pour prévenir toutes sortes d’abus. Afin de vivre de manière autonome, il est nécessaire d’avoir un protection sociale sociale et un environnement adapté aux personnes âgées.

 

L’exclusion sociale des personnes âgées

L’exclusion sociale consiste en la séparation des personnes ou des groupes du reste de la société. Ces personnes n’ont ainsi pas la possibilité de participer aux activités de la société.
Tous les états doivent se préoccuper des personnes âgées et doivent veiller à ce que celles-ci ne soient pas exclues même si elles n’ont pas de ressources financières afin qu’elles puissent mener une vie tolérable.
Il n’existe actuellement aucun outil universel relatif aux droits de l’homme qui s’intéresse les droits des personnes âgées. Il y a en pour les handicapés, les femmes, les enfants, la pauvreté mais pas pour les personnes âgées et c’est un manque.
L’exclusion du bénéfice matériel et financier au crépuscule de la vie en est une manifestation.


La gentrification

La gentrification est un phénomène urbain par lequel des personnes plus aisées s’approprient un espace initialement occupé par des habitants ou usagers moins favorisés, transformant ainsi le profil social et économique du quartier au profit d’une couche sociale plus aisée.

(Source) Des promoteurs peuvent vouloir tirer profit du faible coût des terrains et immeubles de ces quartiers pour y amener de nouveaux commerces, cafés, entreprises ou espaces locatifs. La vocation de certains immeubles est donc appelée à changer. D’autres sont rénovés de fond en comble ou même démolis pour faire place à de nouveaux édifices plus luxueux. Les taxes municipales et les loyers peuvent alors augmenter de façon drastique, forçant les résidents et commerçants moins fortunés à s’exiler en zones périphériques.
La gentrification des quartiers peut avoir un impact significatif sur les personnes âgées qui ont souvent des revenus faibles et précaires. Ils désirent bien souvent vivre le plus longtemps possible dans leur domicile et dans leur quartier où ils se sentent en sécurité. Ils sont habitués à faire leurs courses à pied dans les commerces de proximité, ce qui contribue à leur autonomie.

 

Conclusions

  • L’exclusion sociale des personnes âgées porte atteinte à la qualité de vie, à la justice et à la cohésion de la société vieillissante dans son ensemble.
  • L’exclusion du bénéfice des ressources matérielles et financières au crépuscule de la vie limite les choix que les aînés peuvent faire pour mener une vie tolérable
  • La gentrification des quartiers qui accompagne l’urbanisation rapide, contribue à l’exclusion sociale des personnes âgées
  • Les personnes âgées sont victimes d’inégalité et de marginalisation en période de renouvellement urbain
  • Il n’existe actuellement aucun outil universel relatif aux droits de l’homme qui intéresse spécialement les droits des personnes âgées
  • Aucune attention n’a été portée à leur problème particulier dans le cadre d’orientation mondiale, notamment les ODD (objectifs de développement durable), qui guide l’action de l’ONU sur le terrain.
     

 

 

Intervention d’Olivier Guérin
Président de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie
Adjoint au Maire de Nice (santé)
Professeur de gériatrie
Gériatre au CHU de Nice

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Est-ce qu’en fonction des temps de la vie ou de l’hôpital, ces droits sont les mêmes ?

Le droit des personnes âgées n’est pas vraiment respecté dans le monde sanitaire, notamment en CH. Il faut bien voir que le système sanitaire et la médecine française n’ont pas changé de paradigme depuis qu’ils ont été créés. Le système ne s’est jamais adapté au virage de la maladie aiguë à la maladie chronique.

Prenons l’exemple d’une patiente âgée de 90 ans avec une ou plusieurs maladies chroniques (dont une insuffisance cardiaque).

Le système de santé actuellement est fait que la situation se vit ainsi : elle a un médecin traitant qui la connaît et qui la suit. Celui-ci est payé à l’acte.
Premier problème : comment imaginer en France qu’un professionnel de santé va pouvoir suivre correctement un patient âgé atteint de plusieurs maladies chroniques par une succession d’actes ponctuels ? Le système mis en place, celui d’un modèle d’affaires de la santé, fait que le praticien le plus proche du patient doit multiplier les actes plus courts pour gagner sa vie…
Or on a moyen des suivre des maladies chroniques depuis le domicile pour éviter les décompensations (aggravation des maladies). Si on ne les évite pas : on arrive à une perte d’autonomie à la fin de la vie.

 Le système actuel est complètement inadapté des besoins et des personnes âgées malades.
Lorsque cette même patiente de 90 ans fait une décompensation de sa maladie cardiaque, elle a une prise de poids rapide, une difficulté respiratoire (en raison de la prise d’eau). Le seul moyen pour la sauver est alors l’hôpital avec un accès par les urgences. Cela aurait pu être évité avec un suivi temps réel au domicile...
La patiente âgée entre alors dans un système hospitalier qui n’est pas construit pour elle..

 Il faut savoir que lorsque l’on a plusieurs maladies chroniques, ce qui représente plus de la moitié des hospitalisations par les urgences, vous n’entrez dans aucune case pour le système hospitalier qui n’a pas été conçu pour vous. Il est construit sur un modèle de spécialités médicales, d’organes, cloisonné.
Vous finissez alors en cardiologie car le cœur reste l’organe le plus important dans l’inconscient collectif, mais votre cas n’est pas apprécié, pas désiré, car il n’y a pas de technicité « médicale ».
La patiente âgée hospitalisée dans un service de cardiologie qui avait quelques légers troubles cognitifs à la maison va les voir s’aggraver par une perte de repères (confusion), l’absence de lunettes, l’absence de son appareil auditif. Désorientée elle va appeler de sa chambre l’équipe médicale. Le jeune interne de garde, peu formé à la prise en charge des personnes âgées, ne va pas savoir répondre à sa demande. Pression de l’équipe et agitation de la patiente (qui ne comprend pas bien / n’entend pas bien l’interne) obligent, il lui injecte un neuroleptique en intra musculaire pour la calmer.

Juste sur ce geste, elle vient de perdre son autonomie. Elle ne reviendra pas chez elle comme avant son hospitalisation, sauf son problème cardiaque. C’est la dépendance iatrogène.

 

Conclusion :

Tant que nous n’aurons pas changé le paradigme hospitalier, nous ne pourrons pas prendre en charge correctement les patients âgés en dehors des services de gériatrie.
Il faut savoir que pour cette patiente qui avait encore son autonomie, son enjeu clé n’était pas de vider l’eau de ses poumons mais de continuer à aller chercher ses arrières petits-enfants à l’école.

 40% de la perte d’autonomie en France est évitable et plus de la moitié est lié à l’impact direct du système sanitaire. On sait ce qu’il faut faire on ne se limite pas au constat.
Un pays qui n’a pas un bon système de santé ne va pas bien.