Un sondage réalisé par Odoxa s’est penché sur la question du maintien à domicile et de la volonté des personnes en cas de perte d’autonomie physique.
56% d’entre elles ont émis le souhait de rester à leur domicile / 30% d’alterner entre domicile et établissement spécialisé. Et quand l’incapacité physique devient grande, 43% jugent alors nécessaire d’intégrer un établissement spécialisé.

- Que faire quand la question du maintien à domicile se pose ?
- Jusqu'à quand maintenir une personne âgée à domicile ?
- Peut-on préparer un départ en Ehpad ? Y a-t-il des solutions alternatives ?

Réponses avec le Pr Sylvie Bonin-Guillaume, gériatre à l’AP-HM.

 

 

Adapter le domicile et le quotidien

« Le gériatre est là pour évaluer la possibilité du maintien à domicile pour le patient » explique Sylvie Bonin-Guillaume. « On peut par exemple mettre en place une organisation par des professionnels (une aide-ménagère, un kiné, des infirmières, orthophoniste, etc.) autour de la personne âgée qui va lui permettre de rester à domicile tout en étant prise en charge correctement.  Toutefois, cela demande souvent une implication des aidants qu’il faut également prendre en compte car ils ont parfois l’impression de gérer une petite PME et d’être déposséder de leur intimité » Le gériatre a également une compétence de conseils. « De principe je suis favorable au maintien à domicile si c’est le choix de la personne, mais je m’assure que c’est possible. J’évalue la personne et ses capacités à rester à son domicile mais je m’interroge également sur son environnement : les conditions d’habitat (parfois juste réadapter le logement permet de régler certains problèmes comme changer des meubles de place ou réaménager une chambre), l’âge de la maison, son environnement (son quartier, les personnes avec qui elle a des contacts) ».

Le choix du maintien à domicile d’une personne âgée repose sur une évaluation de son état de santé à intervalles réguliers : évaluation de ses fonctions cognitives, de ses handicaps moteurs, etc.

« Je me souviens du cas de cette dame, veuve et qui vivait seule où le maintien à domicile était devenu difficile. En évaluant sa situation personnelle on s’est rendu compte qu’elle habitait depuis 40 ans dans le même lotissement et qu’elle connaissait tous ses voisins. Nous avons donc décider de privilégier un maintien à domicile en trouvant des solutions extérieures car c’est un environnement stable et rassurant pour elle ».

 

 

 

Les alternatives au domicile

L’Ehpad, les hébergements temporaires, les résidences séniors, les colocations entre personnes âgées sont autant d’alternatives au domicile.

« Nous sommes là pour aider à préparer d’autres alternatives quand le maintien à domicile n’est plus possible. Il est bien sûr rare que les gens disent « je veux aller en Ehpad » car les Ehpad c’est toujours pour les autres. Mais il faut s’intéresser à ce sujet dans une situation hors d’urgence. » En d’autres termes : savoir accepter de quitter le domicile à plus ou moins long terme pour envisager, dans le calme une solution favorable, voire meilleure, pour la fin de vie. « Trop souvent les départs en Ehpad se font de façon brutale et précipitée, non préparée. Cela contribue à créer des difficultés d’adaptation. Il faut donc, de manière idéale et quand on le peut, anticiper ces questions ».

L’Ehpad n’a pas bonne presse auprès des personnes âgées et pourtant, ces établissements devenus de plus en plus médicalisés sont des lieux de vie qui prennent soin des personnes âgées qui ne peuvent plus s’occuper d’elles-mêmes et préviennent l’isolement, la perte d’autonomie. « Il faut aussi se poser la question : est-ce que l’aidant et l’entourage sont/restent en capacité de gérer ce maintien à domicile ? ». Envisager des alternatives au domicile permet de limiter des situations extrêmes mettant en danger le patient et/ou de son entourage, avec souvent des passages répétés aux urgences.

« En tant que gériatres (hôpital et médecins coordonnateur en Ehpad) il faut arriver à gérer la culpabilité de la famille qui pense qu’elle n’a pas su et pu faire assez pour maintenir son proche à domicile. L’engagement qu’elle avait porté est une difficulté personnelle à laquelle ils doivent faire face. C’est au médecin coordonnateur des Ehpad d’être dans cette démarche relationnelle pour que les relations entre les aidants et personnes âgées soient bonnes ».

Il est important d’anticiper, quand c’est possible, de telles décisions : « la question du maintien à domicile ne doit pas se décider uniquement sur une maladie. Parfois il peut même s’agir de solutions temporaires qui vont permettre d’améliorer une situation devenues trop difficile. Les soins de suite de réadaptation sont des endroits où les patients âgés restent en général un mois, ce qui donne un peu de temps au patient et à la famille, pour voir comment la personne évolue et se remet sur pied ».

 

La liberté de choix ?

« Nous touchons le domaine de l’éthico-pratique : la personne âgée a-t-elle la capacité fonctionnelle, est-elle en mesure de prendre des décisions ? Jusqu’où doit-on laisser décider pour elle ? ». Les situations peuvent être compliquées en effet car parfois elles ne sont pas à aptes à juger. « Le rôle du médecin gériatre est ici important : il n’arbitre pas et ne décide ni pour la personne âgée, ni pour la famille, mais il peut être médiateur. Notre évaluation approfondie de la situation nous permet d’essayer de faire des bonnes propositions qui entrent dans le projet de soin et le projet de vie de la personne âgée. »

La question est donc épineuse.

Pas étonnant que de nouveaux métiers, comme les gestionnaires de cas qui s’occupent de situations complexes émergent. « Grâce à elles des maintiens à domicile peuvent être possibles. »

« Je me souviens du cas d’une patiente qui avait des troubles psychiatriques anciens. La gestionnaire a réussi à procéder à un maintien à domicile prolongé puis au bout de 3 ans elle est finalement entrée en maison de retraite. Ces 3 années ont été rendues possible par son entremise et a indiscutablement contribué au bien-être de la dame âgée ».