Les « Serious Game » figurent, à ce jour, parmi les nouvelles mesures non médicamenteuses à disposition des personnes âgées. Elles permettent de mesurer, améliorer, entraîner, contrôler, stimuler les capacités physiques et cognitives des sujets âgés dans des conditions ludiques.
Le point avec Guillaume Sacco, gériatre, post-doctorant au Centre de Recherche sur l’Autonomie et la Longévité (CeRAL) du CHU d’Angers, auteur d’une thèse « Les jeux vidéo sérieux en pratique gérontologique : application aux relations activité physique/cognition ».
Les premiers Serious Game ont vu le jour dans les années 80 dans le cadre de programmes d’éducation à la santé pour les enfants. Dans les années 2000, ce sont les applications santé qui ont émergé, puis les années 2010 avec les premières utilisations des serious games en pratique gérontologie.
Rendus possibles par les nouvelles technologies et la large diffusion des jeux-vidéos, ces outils connectés sont une aide précieuse pour les personnes âgées grâce aux différentes activités et exercices qu’ils proposent.
Ces jeux permettent d’évaluer les patients, de les stimuler sur le plan physique et/ou cognitif, d’améliorer le suivi de leur état de santé grâce aux remontées régulières des données et d’identifier précocement les dégradations pour prendre en charge le mieux possible le patient.
Le principe du Serious Game : utiliser le support du jeu vidéo et mettre en arrière-plan de ce support ludique une visée sérieuse qui peut être soit pédagogique, soit diagnostique voire thérapeutique.
Pour l’usager, cet objectif ne doit pas apparaître, il ne doit voir que le jeu.
L’utilisation de ces outils tend à sortir de la confidentialité, d’une part car ils commencent à montrer leur efficacité, d’autre part en raison du fait que les populations âgées arrivent de plus en plus connectées avec smartphones et tablettes en services de gériatrie.
Les exergame : des outils thérapeutiques
Contraction des mots anglais « exercise » et « game », les Serious Exergame sont des jeux-vidéos incluant une activité physique.
Ils peuvent être utiles pour les personnes âgées dans le cadre d’une peur de la chute, d’une maladie de Parkinson (en travaillant sur la marche), une réhabilitation en post-AVC (via la technologie Kinect - technologie qui consiste à la reconnaissance de mouvement via une caméra RGB 3D) ou en réhabilitation cognitive.
Certains peuvent être utilisés à domicile (surtout des jeux servant à stimuler la mémoire) et d’autres à l’hôpital ou dans les Ehpad avec un encadrement / accompagnement avec un thérapeute pour les personnes les plus âgées.
« Serious Game » : des moyens de thérapies complémentaires
Ces outils font de plus en plus partie des moyens de thérapie complémentaire notamment dans le domaine cognitif (pour les personnes présentant des troubles de mémoire légers ou des jeunes retraités qui ont une vie sociale active mais qui commencent à se plaindre de leur mémoire).
Pour les jeux de rééducation physique, l’utilisation hors service hospitalier reste encore limité. Le niveau de preuves d’efficacité d’un point de vue scientifique reste encore à renforcer pour voir ce type de techniques plus largement diffusées.
Si l’usage des « Serious Game » commence tout juste à sortir de la confidentialité, ce n’est pas tant du fait des patients, qui en sont plutôt adeptes, que de celui des médecins. À cela, deux raisons : le faible niveau de preuves scientifiques de leur efficacité et la perception parfois « gadget » de ces outils par les praticiens.
Il serait pourtant regrettable de se priver d’une arme de prise en charge non médicamenteuse qui existe, qui semble intéressante et qui est plébiscitée par les patients et leurs aidants.
Exemples de Serious Game :
- « Voracy fish » : pour la rééducation des membres supérieurs (chez des personnes ayant eu un AVC avec paralysie partielle d’un bras) Le fait de maintenir l’attention permet de faire des séances de rééducation prolongée.
- « Curapy » : plusieurs jeux pour les patients (notamment la rééducation) et pour les professionnels et les aidants (« Ehpad Panic »),
- « Xtorp » : maladie d’Alzheimer (scénario de jeu avec de nombreux buts à atteindre. Le patient/joueur a pour objectif ultime de devenir le plus fort possible, grâce à un système de niveau d’expérience et de victoires en mer)
- « MeMo » jeux de stimulation de la mémoire
- « Aidant et Ève » : plateforme destinée aux aidants
Extraits de la thèse de Guillaume Sacco
Entraînement cognitif
« Le jeu vidéo est un très bon outil d’entraînement des fonctions exécutives. En effet, il sollicite les fonctions exécutives support telles que la mémoire de travail (notamment visuo spatiale qui est la principale entrée d’information dans un jeu vidéo), le contrôle inhibiteur via l’attention sélective (stimulation de la concentration afin de réaliser l’objectif proposé par le jeu vidéo), la flexibilité mentale et notamment les capacités d’alternance (charge cognitive variable selon le scénario de jeu proposé). Les fonctions exécutives de haut niveau comme le raisonnement sont également largement mises à l’épreuve. Le scénario de jeu utilisé aura donc une influence importante sur les fonctions stimulées. Par exemple, un jeu de simulation de course automobile de type Gran Tursimo® stimulera particulièrement les capacités visuo-spatiales, et l’attention mais, de manière très décroissante, le raisonnement. En revanche, un jeu de gestion de ressource de type Sim City© stimulera plus particulièrement le raisonnement et la créativité. »
Stimulation des affects
« Nous pensons que l’utilisation de serious exergames peut également être un bon outil de stimulation des affects. En effet, la réalisation d’une activité nouvelle, quelle qu’elle soit est un élément valorisant pour l’individu. Le fait que cette nouvelle activité intègre un exercice physique est un élément permettant de renforcer la valorisation de l’estime de soi, notamment chez des patients ayant souvent une activité physique limitée. Cette hypothèse est notamment sous-tendue par le fait que la réalisation d’une activité physique procure sur le plan neuronal, des récompenses notamment dopaminique qui ont un impact dans le renforcement de la motivation et la prise de plaisir.
Suivi et autonomisation
« L’intégration des serious exergames comme outils de prise en charge routinier des patients atteints de troubles neurocognitifs pourrait avoir un intérêt majeur en ce qui concerne l’évaluation des capacités cognitives de par leur caractère plus écologique. En effet, si le serious game s’intègre dans une pratique régulière du patient avec une utilisation en autonomie (éventuellement guidée par un avatar mais pas par un thérapeute), nous pensons que cela peut permettre une évaluation beaucoup plus fine et pertinente des fonctions cognitives résiduelles. La première raison à cela est que l’on observe chez les patients présentant un déficit cognitif léger ou modéré, une variation des performances aux tests qui peut être liée à l’anxiété générée par la réalisation des tests. La seconde réside dans la variabilité des performances observables au cours de la journée et d’un jour à l‘autre pour certains patients. 46 Cette évaluation en continu des performances cognitives des patients permet une remontée régulière d’information au praticien et donc un suivi plus précis et plus pertinent. En effet, les rendezvous de suivi ne seraient plus fixés a priori à intervalle régulier mais en fonction de l’évolution des performances cognitives. De plus, cette évaluation régulière des performances cognitives doit également être remontée au patient et éventuellement, si le patient en est d’accord, à sa personne de confiance/aidant. Ce retour doit prendre la forme d’une synthèse globale des performances physiques et cognitives avec possibilité d’un retour détaillé concernant les différentes fonctions cognitives. En effet, le retour régulier sur ses performances physiques et cognitives pourrait permettre une réelle autonomisation du patient concernant la gestion de sa maladie, avec une prise de conscience de l’évolution de ses performances cognitives et physiques en fonction de son mode de vie. »