Interview d'Yves Rolland, gériatre, Professeur au Gérontopôle de Toulouse
Pourquoi l’activité physique est-elle particulièrement adaptée à cette population ?
Parce que c’est une population qui est très souvent sédentaire. De nombreux patients résident en Ehpad parfois dans des unités fermées, d’autres à domicile - et sortent peu notamment par peur de tomber, du fait d’une apathie ou parce que leur entourage a peur qu’ils ne s’égarent. Cette population est également exposée à un certain nombre de complications parmi lesquelles : des difficultés motrices avec des risques de chutes importants, des modifications comportementales difficiles à soigner par des médicaments, une dénutrition et une perte de la masse musculaire.
En quoi l’activité physique aide ces patients souffrant d’Alzheimer ?
Plusieurs travaux ont prouvé que des patients peuvent avoir une amélioration de leur performance motrice grâce à une activité physique régulière : amélioration vitesse de marche et déclin fonctionnel moteur moindre. L’activité physique peut revêtir plusieurs formes : la marche, des exercices d’équilibration et de renforcement musculaire, des parcours de marche avec des stations de pause pour effectuer des exercices de souplesse, de musculation et d’équilibre. Dans un Ehpad, il est important que cette activité physique s’inscrive dans un projet d’équipe et le projet de vie du résident. Elle peut également s’organiser avec le soutien d’associations comme Siel Bleu.
Quels sont les autres bienfaits ?
L’activité physique est particulièrement pertinente pour maintenir l’indépendance fonctionnelle de ces patients ce qui est un élément important de leur qualité de vie. Elle comporte par ailleurs une dimension sociale cruciale : elle permet de réduire un certain nombre de troubles psycho-comportementaux, de limiter notamment les éléments dépressifs, l’agressivité et la déambulation. L’appétit, le transit intestinal, la souplesse, la tension artérielle, le contrôle glycémique, l’ostéoporose s’en trouvent également améliorés.
Promouvoir l’activité physique est déterminant pour cette population. Idéalement, elle doit s’accompagner d’une stratégie de lutte contre la sédentarité, comme par exemple limiter le recours aux psychotropes, encourager la marche pour se rendre au réfectoire et pas en fauteuil roulant, lutter contre la contention physique. Ces deux approches (promotion de l’activité physique et lutte contre la sédentarité) sont complémentaires et concourent à l’amélioration de la santé de ces patients.
Comment concrètement encourager l’activité physique chez les personnes vivant à domicile ?
Il faut inviter les patients et leurs proches à avoir des activités physiques communes. Cette activité en dehors du domicile a des vertus apaisantes qui vont permettre de diminuer l’anxiété et participer ainsi à un meilleur état de santé général. Faire de la marche soit seul soit dans des associations (par exemple des groupes d’activités physiques de retraités - même si le patient souffre d’Alzheimer) est tout à fait envisageableElle présente également des vertus sociales et psychologiques : rencontrer d’autres personnes, des personnes différentes de celles qui gravitent autour du soin est régénérant - comme une fenêtre qui s’ouvrirait sur l’extérieur. Concernant l’horaire, on recommande de pratiquer ces activités physiques plutôt le matin ou l’après-midi et non la fin d’après-midi pour éviter des potentiels troubles du sommeil.
Combien de temps de pratique recommandez-vous ?
En faire un petit peu c’est déjà bien ! Les recommandations internationales - 30mn par jour au moins 5/7 jours est difficilement réalisable – et est donc souvent décourageant. Ce qu’il est important de dire et de savoir, c’est que les bénéfices démontrés par l’activité physique, même quand on en fait un petit peu, sont déjà important. L’idée est de se mettre des objectifs raisonnables.
La pratique physique participerait également à la prévention de la démence ?
Absolument. Un certain nombre de travaux observationnels suggèrent que la pratique physique permet de retarder l’entrée dans la démence et de ralentir le déclin cognitif. Cela s’explique par le fait qu’elle permet une réduction des risques cardio-vasculaires en protégeant mieux le cerveau. Des études menées chez l’animal montrent également que le cerveau libère des facteurs neurotrophiques qui favorisant la création de nouvelles synapses. Même si, par manque de données issues d’études randomisées d’envergures, on ne peut pas encore l’affirmer chez l’homme, l’impact positif d’une activité physique sur la prévention du déclin cognitif est largement reconnu.