Ils étaient une grosse cinquantaine d’internes réunis dans cet amphi C de la Faculté de Médecine de la Pitié-Salpêtrière en ce jeudi après-midi de novembre parisien (comprenez sous la grisaille). Une deuxième année en DES de Gériatrie et voilà leur horizon en point d’interrogation (mais leur conviction chevillée au corps !).
Ils seront des spécialistes en gériatrie mais quel métier choisir ? Chef de service SSR ? Praticien hospitalier (PH) en Unité Gériatrique Aiguë (UGA) ? En Unités de Soins Longue Durée (USLD) ? Médecin coordonnateur de parcours, d’évaluation, d’équipes mobiles ? Et quid de l’étranger ? De l’Europe ? De l’International ?

 

 

À l’initiative des gériatres enseignants-chercheurs, les 7 élèves de l’école d’excellence de l’EAMA (European Academy for Medicine of Ageing) (Evelyne Liuu, Jadwiga Attier-Zmudka, Anne-Sophie Boureau, Stéphanie Miot, Hélène Vallet, Guillaume Duval et Guillaume Sacco) et des gériatres du Collège National des Enseignants de Gériatrie (CNEG) et de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie (SFGG), cette demi-journée avait pour ambition de répondre à leurs questions « tout en promouvant la gériatrie, en leur montrant notamment qu’il se passe des choses aux niveaux local, national et international » explique le Dr Guillaume Duval, gériatre au CHU d’Angers. « C’est le moment où il faut qu’ils découvrent le plus de choses possibles, qu’ils gardent les yeux grands ouverts, qu’ils rencontrent du monde. Nous avons voulu jouer ce rôle de transmetteur, d’accompagnant car il y a tant de choses à découvrir dans la gériatrie et de possibilités d’exercice ».

La spécialité gériatrie est sans doute l’une des spécialités les plus variées et nous en avons eu la preuve aujourd’hui.

 

Le Pr Sylvie Bonin-Guillaume, gériatre à l’APHM à Marseille, a lancé le programme en présentant le parcours de soin en gériatrie, véritable casse-tête qu’il faut, en bon praticien, maîtriser à la perfection, pour qui veut bien soigner et orienter son patient âgé. « Je suis là pour vous expliquer le rôle qu’il faut que vous preniez dans le parcours des patients ». « Auparavant, la personne âgée était intégrée dans un environnement où beaucoup de personnes s’occupaient d’elle (famille, voisins, etc.). Aujourd’hui tout a changé : la personne âgée n’a plus du tout les mêmes interlocuteurs. Il y a les Ehpad, les infirmiers, les médecins, les kinés, les assistants sociaux, les aides-soignants, les administrations, etc. »

C’est dans les années 2000 que le concept de filière gériatrique a émergé avec la filière hospitalière. Les choses se sont structurées : une prise en charge adaptée au sujet âgé a vu le jour avec des dispositifs de prévention de la dépendance. « Bientôt la loi Grand âge et autonomie va être dévoilée et elle va vous concerner en premier lieu. Votre rôle est de prendre un patient dans sa globalité et de bien connaître les parcours de soins » : les courts séjours gériatriques - les maillons les plus performants-, les équipes mobiles –« on ne prend pas en charge le patient­-, le SSR – « la continuité du court séjour pour réadapter la personne pour lui permettre un retour dans son environnement – ce n’est pas l’antichambre du placement en Ehpad comme ça l’était pendant des années ».

« Le gériatre est un expert mais il ne travaille jamais seul » a insisté Sylvie Bonin-Guillaume. Il doit réaliser des évaluations gériatriques qui est le cœur de son métier mais également :

  • connaître les coûts des prestations et les restes à charge,
  • connaître les dispositifs mis en place pour optimiser le maintien à domicile,
  • s’adapter à la révolution numérique, savoir construire enfin des parcours de soin avec la personne âgée : « c’est votre rôle d’aider à la construction des rôles personnalisés. »
  • apprendre à travailler avec de nombreux intervenants auprès de la personne âgée (ergothérapeute, aidants, auxiliaire de vie, médecin coordonnateur, bénévole, pharmacien, psychologue, orthophoniste, aide à domicile, assistante sociale).

Captivée par cette présentation inaugurale, sans doute dépassée par la quantité d’informations à digérer et à maîtriser, mais grisée par le champ des possibilités d’exercice en gériatrie, l’assemblée de jeunes internes, toute entière, n’a pas pu contenir un rire nerveux devant les slides présentant la cinquantaine d’acronymes (barbares) qui feront bientôt partie de leur langage de tous les jours.

 

 

 

 

Après une vidéo présentant les différents métiers sous forme d’interviews de praticiens (Dr L. Moisi, Dr J. Attier-Zmudka, Dr B. Berteaux, Dr H. Rivière, Dr A. Caupenne, Dr C. Bouayi), voilà un tour d’Europe qui a ensuite été proposé de la Belgique jusqu’en Espagne.

Mon métier de gériatre en Europe

 

 

 

Le Pr Nicolas Martinez-Vellila, membre du bureau EAMA et gériatre en Espagne a séduit les internes par son enthousiasme (et son char(me)isme) : « On n’imagine pas à quel point on peut aimer cela : notre spécialité est la meilleure et la plus intéressante. Je partage une partie de mon temps avec les patients et l’autre avec la recherche. Il est difficile de choisir un sujet de recherche car tout est intéressant (…). Je suis également très heureux de travailler avec les collègues européens avec lesquels nous construisons un réseau et des projets de recherche ensemble. J’ai pu rencontrer des gens que je n’aurai jamais rencontrés. Pour moi c’est comme une petite famille ». Adhésion totale de l’amphithéâtre : vivement le congrès de l’EUGMS pour avoir une chance de le croiser (et faire partie de sa famille).

 

Au tour du truculent Dr Julien Dekoninck, gériatre en Flandre dont l’accent belge n’a pas entâché (bien au contraire) son message : « J’ai choisi la gériatrie parce que c’est hyper divers, on ne s’ennuie jamais, on ne sait d’ailleurs jamais d’avance à quoi notre journée va ressembler. Les patients, on pense souvent qu’ils sont ennuyeux mais ce sont souvent les patients les plus reconnaissants qu’il existe. Et puis on peut changer une petite chose et ça fera une grande différence pour eux. Ils ont une grande gratitude pour cela. (…) Ce que j’aime vraiment c’est faire le puzzle. Il n’y a pas de lignes directrices comme en cardiologie. Je préfère être un artiste qu’un copieur, je me sens plus un pâtissier en comparaison de quelqu’un qui suit un livre de cuisine. Nous on n’a pas de livre de cuisine. »

Les cardiologues et les cuisiniers apprécieront ! Les internes eux, l’ont adoré.


« J’ai choisi la gériatrie mais comment me projeter ? »


« Les internes de cette promotion DES ont déjà fait des stages en gériatrie mais nous savons qu’ils encore du mal à se projeter sur leur activité future car ils n’ont pas encore le recul et la vision globale de l’activité en gériatrie. Nous sommes là pour les informer et leur proposer toutes les éventualités d’exercice du métier »
explique Guillaume Duval.

 

Les dernières sessions de l’après-midi étaient en effet très pratico-pratiques. L’intérêt des internes en était décuplé. Ils ont pu par exemple tester en live leurs connaissances via des exercices d’orientation du patient avec l’outil Mentimenter et avoir des réponses concrètes et des conseils précieux sur des situations pragmatiques telles que « Survivre à sa garde » : comment présenter un patient au réanimateur ? Comment présenter un patient âgé à un gériatre ? », « Comment s’organiser et prioriser », « Comment annoncer un décès » présentés avec beaucoup d’humour par les Dr Hélène Vallet, Dr Guillaume Sacco et Dr Aurélie Terminet.

Ils ont enfin également pu recevoir des informations précieuses sur la possibilité de faire de la recherche car, en devenant une spécialité médicale à part entière, la gériatrie permet désormais d’embrasser une longue et fructueuse carrière universitaire. La session « Financer sa recherche : où trouver une bourse de M2R » animée par le Dr S. Miot a particulièrement retenu l’attention des internes comme l’expliquent Suzanne, Valentin et Amandine, venus ensemble de Lille : « c’est super intéressant que nous ayons des informations sur la recherche parce qu’on avait peu d’infos sur les masters, sur les débouchés, sur les bourses. On a pu savoir comment financer notre projet, connaître les démarches et avoir une vision plus claire de ce qui ça impliquait ».

Mission accomplie.

Bonne année à tous les internes et bienvenue à la nouvelle promotion 2019, la famille de la gériatrie s’agrandit, petit à petit.

 

 

 

 

 

FOCUS Métiers :

  • Être chef de service SSR (Soins de Suite et Rééducation)

Le service de Soins de Suite et de Réadaptation est un service où sont effectuées des activités de rééducation et ré-autonomisation. Ces services accueillent des patients après la phase aigüe de la prise en charge hospitalière, nécessitant la poursuite de soins en structure médicalisée, rééducation, réadaptation.

  • Être médecin coordonnateur en Ehpad

Le médecin coordonnateur en EHPAD est en charge de l’élaboration et du suivi du projet de soins de l’établissement, de l’évaluation médicale des résidents et de l’animation de l’équipe soignante. Il n’est pas le médecin traitant des résidents. Il élabore et met en œuvre le projet de soins de l’EHPAD

  • Être Praticien hospitalier (PH) en Unité Gériatrique Aiguë (UGA)

L’unité prend en charge des patients de plus de 75 ans, polypathologiques, lors d’un épisode aigu, présentant un fort risque de dépendance physique, psychologique ou sociale et ne relevant pas d’un service de spécialité.

Les patients sont admis dans le service en provenance soit des urgences, avec l’accord du médecin responsable de l’unité, soit du domicile ou d’un EHPAD après accord téléphonique entre le médecin traitant et le médecin responsable de l’unité.

  • Être Praticien en Unités de Soins Longue Durée (USLD) 

Ce sont des structures d’hébergement et de soins dédiées aux personnes âgées de plus de 60 ans. Elles sont adossées à un établissement hospitalier. Les moyens médicaux qui y sont mis en œuvre sont plus importants que dans les EHPAD.

 

Allez plus loin :