Ce texte est la retranscription d’une session qui s’est déroulée dans le cadre du 6e Colloque International  Reiactis « Société Inclusive et avancée en âge » (Metz du 4 au 6 janvier 2020).

Plusieurs intervenants sont venus présenter des modèles d’habitat novateurs.
Problématique : Comment ne pas créer des ghettos de fragilité ? Comment articuler le désir d’entre soi et la question de son ouverture pour éviter le phénomène de ghéttoisation ?

 

Intervention de François Verhulst 

Le projet Abbeyfield est un ensemble de 8 maisons construites en Belgique (dont 3 à Bruxelles). Chaque bâtiment 8 appartements de 40m2 et des lieux communs. Ce modèle a été pensé il y a 25 ans et réalisé il y a 15 ans.

Il s’agit de :

  • Proposer à un adulte vieillissant de partager un lieu de vie
  • Devenir co-responsable, 
  • Garder un lien social et une autonomie personnelle.

« L’expérience humaine est exigeante » témoigne-t-il. « C’est un laboratoire permanent : ce n’est pas une maison de tout repos, on est sollicité tout le temps. Il y a des tas de plaisirs personnels partagés et aussi des frictions mais c’est bien pour avancer. »

Concept :  

  • un « chez moi chez moi » et un « chez moi-chez nous » : lieu commun et lieu privé
  • visite des familles permise
  • Activités en commun (le jeudi soir, séances yoga dans le salon, et régulièrement des ateliers dans la salle à manger)

Organisation : 

  • Chaque maison est une association avec référence avec une charte et un règlement type
  • Autonome dans son organisation, dans son financement et dans son recrutement
  • En coresponsabilité, sans hiérarchie
  • Partage des tâches communes
  • Fonction de coordinateur (pas de chef mais de l’huile dans les rouages)
  • Des rencontres régulières et des repas partagés : presque tous les soirs
  • Ouverture vers le quartier et l’extérieur : cette maison ne se veut pas un entre-soi fermé mais se veut ouverte (une sorte d’ « auberge espagnole » tous les 2e dimanche des mois pairs et on invite les voisins / familles)
  • Un accompagnement, association coupole et pas les volontaires non-habitants qui accompagnent le projet mais qui n’y habitent

3 défis majeurs : 

  • Le vivre ensemble : se côtoyer, partager, décider ensemble
  • Le partenariat habitants-volontaires : comment accompagner ? Tentation du « faire pour », tendance à posséder le modèle, reconnaître l’expertise des habitants, être partenaires à tous les niveaux, être ouvert à la créativité
  • Le vieillir : habitat groupé pour séniors, pas évident : vivre son vieillissement, on fait attention aux âges (90 ans) et plusieurs octogénaires

Les défis à venir :

  • Développer les relations entre les maisons
  • Le lien avec association Halâge

Pour en savoir plus : www.abbeyfield.be

 

Intervention d’Agathe Gestin

Responsable Fonds Individualisés et Programmes Solidarités Nationales à la Fondation de France.

L’habitat partagé solidaire, une solution d’avenir ?
Quelles sont les différentes façons d’habiter à tous les âges de la vie ?

Question de l’habitat : 
« On a vu des initiatives en France un peu partout sur l’habitat groupé. Pour certaines elles incluaient des personnes très vulnérables générant de l’entre soi : habitations pour personnes handicapées, pour personnes âgées, pour sans domicile fixe, pour des personnes souffrant de troubles psychiques.
Ce qui nous interrogeait c’est qu’il n’y avait pas de cohabitation envisagée avec des personnes qui n’avaient pas ces fragilités. »

Une étude a été réalisée en 2018 pour « comprendre où étaient les innovations dans ces projets, quelles étaient leurs conditions de réussite et comment on faisait cohabiter des personnes dites vulnérables avec des personnes non-vulnérables ».

« À la Fondation de France on fait le pari que le développement peut permettre à un nombre grandissant de personnes vulnérables d’accéder à des habitats autonomes. On voit que tentation d’institutionnaliser pour les différents publics est grande.

Objectif de cette étude : 
À travers l’étude en profondeur de 10 projets, nous nous sommes attachés aux marqueurs d’innovation sociale en vérifiant la pertinence de plusieurs critères : la mixité (mixer des profils d’habitants, âge, revenus, états de santé et des personnes vulnérables ou non), la participation (où les habitants seraient intégrés dans la gestion du projet), le territoire (quel est l’ancrage du projet dans l’échelle du quartier et de la ville, comment les habitants interviennent dans les dynamiques locales).

Résultats de l’étude : 
Cette étude a permis de définir les caractéristiques des habitats de demain qui comporteront des approches très locales et territoriales pour intégrer tout le monde et participer aux décisions.
L’étude a insisté aussi sur la notion d’habitat productif, avec services et activités sociales pour permettre à chacun de trouver une utilité sociale.
Cette étude nous a ainsi incité à lancer une expérimentation prochainement : appel à candidatures pour identifier des projets dans les 5 prochaines années.

 

Intervention de José Salas

Association Lorrain ALAGH à Nancy qui œuvre en faveur des personnes qui gravement handicapées
Projet les Toits de Haye
La construction d’habitats inclusifs

L’habitat inclusif est destiné aux personnes handicapées et aux personnes âgées qui font le choix, à titre de résidence principale, d’un mode d’habitation regroupé, entre elles ou avec d’autres personnes. Ce mode d’habitat regroupé est assorti d’un projet de vie sociale et partagée.
L’Habitat inclusif constitue à la fois une orientation de nos politiques publiques, un mode de prise en charge et d’accompagnement valorisant le vivre libre en société dans une logique de parcours et le vivre de manière autonome et indépendante (avec une perspective citoyenne et responsable).
L’ambition sociale est celle de l’inclusion : pouvoir créer pour chaque individu en situation de handicap un parcours d’accompagnement modulable et évolutif.
La finalité des Toits de Haye consiste à permettre à toute personne en situation de vulnérabilités ou perte d’autonomie de vivre chez elle de manière accompagnée et sécurisée tout en maintenant des liens sociaux avec son environnement.

 

 

Intervention de Bernadette Paul-Cornu
Familles Solidaires

Familles Solidaires est un groupe associatif né il y a 7 ans.

7 familles se sont associées pour investir dans un appartement dans Strasbourg, en auto-promotion, fait pour 5 personnes souffrant de traumatismes crâniens suite à un AVC ou un accident de la route.
« Ces personnes ont la possibilité de vivre ensemble comme tout le monde » explique Bernadette Paul-Cornu.
Acheter, construire, rénover et loger des personnes : une alternative entre le domicile individuel et l’institution. C’est un habitat de droit commun (signature de bail, remise de clés, locataire). « Chez familles solidaires, ces logements (en colocation ou en appartements groupés) sont à destination de personnes qui ont besoin d’un accompagnement »

Le cas de la colocation Alzheimer à Zillisheim

Objectif : développer un habitat qui favorise le maintien à domicile mais aussi garantir une accessibilité financière (loyers bas).

  • Mise en commun et partage des biens et services (courses et repas, charges et loyer, aide humaine mutualisée) : objectif de vivre chez soi et chez nous : mettre en commun ces aides et avoir une aide en commun en permanence
  • S’implanter dans un milieu inclusif : dans un lieu avec commerces (un habitat partagé ne s’implante par dans un projet qui ne soit pas porté par le territoire)

Projet d’accompagnement innovant : 

  • 3 appartements en rez-de-chaussée
  • 8 chambres individuelles dans chaque appartement, une pièce de vie partagée, un jardin terrasse, 3 toilettes, une buanderie, 2 salles de bain
  • aménagement intérieur : il s’agit de public fragile atteint de la maladie Alzheimer (le choix des couleurs et des textures adaptés à la pathologie avec des objets de stimulation sensorielle, l’aromathérapie, la luminothérapie, un jardin thérapeutique, l’acoustique, etc.). La décoration ne rappelle pas les établissements du médico-social : ce sont des vrais meubles qui rappellent les mobilier d’antan
  • Objets connectés


Modèle économique : 

  • Loyer 450 euros, 
  • charge alimentaire, financier auxiliaires de vie : 1803 euros / mois (dans un Ehpad prix moyen 2115)

Pour construire les habitats : prêts immobiliers, des nombreuses subventions et des fonds propres (avec des sociétés de gestion qui investissent dans l’épargne solidaire).