Cas clinique : Dr Clément Lahaye EMG (Clermont Ferrand)

Patiente âgée arrivée en EHPAD dans une situation fragile (éthylique, chutes).
Après 3 mois, la patiente demande à retourner à domicile avec sa fille tutrice qui s’y oppose. L’équipe est partagée par rapport à cette situation.
L’EMD c’est quoi ?  demande une évaluation complémentaire.
La patiente est sevrée de son alcoolisme, son autonomie correcte.
Elle dispose d’une aide pour la douche.
Elle participe de façon active aux différentes activités de l’EHPAD.
La résidente réitère régulièrement sa demande au retour à domicile.
Sa fille s’y oppose et met en avant son rôle de tutrice.
Elle met en avant les chutes, fractures et problèmes psycho comportementaux

 

Florence. Martin, infirmière (Monfort sur Meu)

Comment le juge des tutelles se positionne par rapport à l’expression de la volonté de cette personne à rentrer à la maison du fait du conflit avec sa fille d’autant qu’elle a récupéré sa capacité. Comment en tant que juge vous envisagez la situation ?

 

Jacqueline. Chauvin-Schneegans, juge des tutelles (Colmar)

Le juge va se positionner par rapport à l’application de la loi.
L’article 459_2 du code civil : la personne protégée choisit son lieu de vie
C’est pour dire l’importance donné au législateur à ce choix.
C’est un élément fondamental qui est vraiment important.
Il faut quand même savoir que nous, juge des tutelles, nous sommes saisis exceptionnellement dans ce type de situation. Cela veut dire que vous travaillez en amont et vous le faites bien sinon nous serions envahis de ce type de demandes.
Vous vous intéressez visiblement au problème car vous souhaitez ce cas.
Le texte dit également qu’en cas de difficulté le conseil de famille statue.
Ce principe est marqué dans la loi mais comme tout principe il y a des limites et ces limites quelles sont-elles ? Ce principe ne peut céder qu’en cas d’inadaptation du lieu de vie lié à des impératifs d’ordre médical ou lié à son état de santé ou d’ordre financier.
À titre préliminaire, le juge doit être saisi.
Il peut s’auto-saisir mais il faut qu’il ait connaissance de la difficulté.
En réalité le juge des tutelles en général est avisé par l’organe de protection. En face le majeur protégé réitère ses demandes de retour à domicile.
Là il y a conflit entre la majeur protégé et le tueur.
On va essayer de rechercher quelle est la meilleure situation puisque Le juge va essayer de concilier cet équilibre d’autonomie et de la volonté dans le choix de l’intérêt.
On a une situation de conflit
Ici le majeur protégé peut s’exprimer
Est-ce qu’il y a des contraintes (une inadaptation du lieu de vie) ? Il faut les vérifier.
Est-ce qu’il y a des impératifs d’ordres médicaux ?
Ce n’est pas confortable mais je pense que c’est une situation où on peut éviter de saisir le juge des tutelles.
Si la tutrice s’y oppose fortement il faut saisir et il ne faut pas traîner.
C’est très long 3 mois pour une personne protégée.
Il faut essayer de trouver la solution parce que sinon on va cristalliser les positions devant le juge et nous on a des délais qui sont lents et ça c’est un problème également.
Souvent le juge ordonne une expertise pour s’assurer que le majeur protégé est toujours en état d’exprimer sa volonté et pour évaluer son retour à domicile d’un point de vue médical.
Cela va prendre du temps et ce temps est précieux pour la personne protégée.
Dans cette situation, il y a pas de raison que le tuteur s’y oppose et c’est de l’abus, pour imposer son avis.

 

Quelle est la procédure ?

Vous pouvez faire un signalement soit au Procureur de la République soit directement au Juge des Tutelles en avisant le tuteur. Il faut toujours essayer de trouver une solution, de prévenir, d’informer. Et là il ne faut pas hésiter. Et ensuite nous donner des éléments, ç a c’est important. Et le juge doit en principe procéder à l’audition de la personne protégée sauf s’il n’est pas en état.

 

Dr Patrick Karcher (CHU de Strasbourg)

Effectivement les demandes de retour à domicile sont extrêmement fréquentes et heureusement le recours au juge n’est que très rarement indispensable. Sur ma carrière on a fait une seule fois appel à un juge pour ce type de situation. Heureusement ce sont des situations relativement rares car en amont effectivement on a souvent des demandes qui sont irréalistes et notamment dans le cadre des troubles neuro cognitifs, par exemple quand le chez soi vers lequel la personne veut retourner n’existe pas ou plus (par exemple elle veut retourner au domicile de ses parents, ou un domicile fantasmé).
Par contre les situations telles que celle qui est décrite surviennent de manière ponctuelle alors l’entrée en institution et le consentement de l’entrée en Ehpad est toujours une entrée qui se fait sous contrainte.

Le consentement n’est jamais libre, car quand on entre dans un Ehpad c’est le plus souvent dans une situation de crise et c’est lié à des fragilités multiples qui peuvent être cognitives, physiques, psychiques, sociales. Il est rare que ces contraintes disparaissent et effectivement lorsque les contraintes médicales et celles liées au domicile qui ont conduit à l’entrée en Ehpad persistent la question peut être résolue.

Là, les contraintes physiques ont été diminuées car la résidente a vu son autonomie fonctionnelle s’améliorer progressivement très certainement du fait de la diminution de l’intoxication éthylique. Et là ça devient effectivement beaucoup plus compliqué notamment quand la personne est sous tutelle et surtout quand la tutrice est familiale ce qui souvent complique les choses

Lorsque ce genre de question éthique se pose, il faut revenir au comment : comment on pourrait organiser ou ne pas organiser le retour à domicile et pourquoi ? Qu’est-ce que la personne attend de son retour à domicile ? D’autant qu’au bout de 3 mois on a le sentiment qu’elle s’est bien intégrée et que la vie en Ehpad n’a eu que des effets bénéfiques en terme d’amélioration de l’autonomie de sevrage éthylique.

Qu’est-ce qu’elle en attend ? On se rend compte dans cette discussion que souvent ce qu’elle en attend est souvent fantasmé. Il faut revenir au principe de ce qu’elle peut attendre de son retour à domicile. Le pourquoi également chez la fille, pourquoi elle ne veut plus du retour à domicile, c’est très important.

Ce sont des situations très complexes qui nécessitent du temps mais ce temps-là on ne la souvent pas.

Cela fait 3 mois et je suppose que l’appartement est encore maintenu mais si on attend trop longtemps la possibilité de payer l’appartement et l’Ehpad est complexe et à ce moment là question devient encore plus difficile.

 

Que faire quand il y a mésentente : peut-on changer de tuteur ? Et est-ce qu’il y a une estimation de délai, de temps de réponse ?

 

Jacqueline. Chauvin-Schneegans, juge des tutelles (Colmar)

Cela dépend vraiment des tribunaux. Notre temps est assez long. Je ne donne en général un délai de 2 mois aux médecins pour avoir son retour puis que je convoque les personnes, donc il faut compter un délai de 2 mois et demi. On peut faire difficilement plus court car il faut trouver l’expert, qu’il soit disponible, qu’il fasse le rapport.
Changer de tuteur peut être une possibilité mais il faut des motifs. C’est le majeur protégé qui doit faire la demande sauf si le tuteur ne veut pas s’en occuper.
Il est sur que parfois c’est un peu compliqué pour vous de travailler avec un membre de la famille car il y a beaucoup d’affect.

 

 

Cas clinique : Dr Marina Coutauchaud EMG (Bordeaux)

Il s’agit d’un patient de 91 ans qui présente des chutes à répétition à domicile et un passage en cardiologue pour épisodes de décompensation cardiaque. Ce patient hébergé par sa fille depuis 1 mois présente une dépendance liée à des troubles de mobilité sévères. Il a connu une hospitalisation récente pour décompensation cardiaque, plainte mnésique sans tr cognitif identifié.
Il souffre également d’insuffisance rénale, il est diabétique. Ce patient est actuellement hospitalisé aux urgences pour douleurs thoraciques atypiques, dyspnée avec désaturation, pas d’embolie retrouvée, traitement par furosémide efficace.
On découvre une légère hypokinséie ventriculaire. Il est alors décidé de procéder à une coronarographie en urgence après discussion avec la famille et le patient. Une angioplastie est réalisée avec la pose d’un stent actif. 48h après le début du traitement on découvre un déficit au niveau du membre inférieur sur un hématome du psoas. L’EmG est convoquée pour discuter du parcours et de la prise en charge.

 

Dr Geneviève. Pinganaud, responsable des réunions éthiques (CHU de Bordeaux)

Ce récit clinique nous place face à un problème très fréquent dans notre pratique gériatrique, c’est celui en fait du niveau de médicalisation approprié face à un risque encouru et dans une situation singulière. Et là nous voyons un problème de décisions d’actes de soins dans le domaine de la cardiologique chez un patient qui est très âgé et fragile.
Le patient nous apparaît consentant aux soins.
On n’a pas vraiment l’information sur ce qu’il ressent.
La famille également est consentante mais…

La prise en charge cardiologique est très centrale, on se pose la question sur quels critères le cardiologue a décidé d’agir, on voit apparaître l’EMG qui est sollicitée. Mais encore des questions qui se soulèvent sur quel mode il y a réunion.
En tous cas se produit un événement indésirable qui est grave quand même, c’est un hématome profond et dans un deuxième temps une revue de mortalité est souhaitée.
Première question pour entrer dans le vif de cette discussion : est-il légitime de parler d’obstination déraisonnable pour qualifier la stratégie médicale qui a été décidée et qui est appliquée dans le cas de ce patient. A t on tous les éléments à notre connaissance ?

 

Dr François Xavier Goudot cardiologue (Avicennes)

Je suis un peu gêné pour vous répondre totalement. Il nous manque pas mal d’informations dans cette description clinique pour parler de coronarographie, c’est une première chose. On a envie de se dire qu’on est allé trop loin mais on est surtout allés trop loin parce qu’il y a des conséquences qui sont néfastes par la suite. On a un nombre important d’études qui nous disent que lorsqu’on est âgé, même si on a 91 ans, même si on a une insuffisance rénale, il y a une indication à aller faire une coronarographie.

On a ensuite une complication qui fait partie des choses qui sont potentiellement survenues dans ce cas là donc pour moi il est difficile de dire dans cette vignette clinique qu’il s’agit d’une obstination déraisonnable.

Ce qui m’a fait réfléchir ce sont deux mots prononcés à deux reprises : hospitalisé aux urgences et ensuite on nous dit qu’il est discuté d’une coronarographie en urgence alors qu’il n’y a en aucun cas une urgence à réaliser une coronarographie chez ce monsieur. Là les choses sont relativement stables, on a le temps de réfléchir et pourtant il est discuté d’une coronarographie en urgence. Et pour le problème c’est qu’on est dans l’urgence ce qui veut dire qu’on n’a pas le temps de réfléchir. C’est l’autre chose qui pour moi me semble très importante à discuter qui dépasse le cadre de cette vignette clinique : c’est la pression de la technique et singulièrement en cardiologie. La cardiologie est une spécialité très technique avec un avant et un après comme en chirurgie. On a validé avec des études cliniques robustes la validité des techniques, le fait qu’elles permettaient une amélioration des symptômes et diminution de la mortalité même chez les patients âgés. Le fait que 1) on ait validé ces techniques et 2) qu’on ait des médecins qui soient extrêmement à l’aise avec ces techniques, qui les font rapidement, ce d’autant plus que ces techniques ont diffusé dans la communauté médicale et aussi dans l’organisation médicale eh bien il me semble qu’il est d’autant plus difficile de résister à la pression de faire et si on rajoute l’urgence à ce moment là on n’a pas le temps de réfléchir. On voit apparaître dans ce cas clinique, l’EMG qui est sollicité. Et je pense que l’EMG doit prendre une place, assumer une place extrêmement importante face aux cardiologues et tenir tête aux cardiologues dans cette situation. Il ne faut pas hésiter à s’imposer, à assumer son rôle et sa position plus que s’interroger. Prendre le temps de la réflexion et plutôt que de dire qu’on peut faire quelque chose se dire aussi qu’on ne peut ne pas faire quelque chose qui est utile dans certains cas.

On a tendance à vouloir parler d’obstination déraisonnable mais il semble que le vrai problème c’est qu’on a voulu aller trop vite et qu’on s’est embarqué dans quelque chose qui potentiellement pouvait avoir un risque élevé de complication.

 

Focus sur l’obstination déraisonnable

On va dire qu’en termes juridiques (ça correspond à un article bien précis du Code de Santé public) l’obstination va concerner tous les actes de soin qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le maintien artificiel de la vie. Le texte de loi va inciter à mettre en place une collégialité pluridisciplinaire (cardiologue, gériatre) une réflexion à plusieurs, pas seulement prendre un avis pour adopter une décision partagée. Ce qui est soulevé aussi c’est l’importance de la relation médecin/malade, un patient qui est consentant à la poursuite des soins où on respecte son refus et puis un médecin qui est convaincu de la stratégie thérapeutique, convaincu qu’elle soit porteuse d’efficacité donc utile aux patients sans comporter de risque majeur susceptible de disqualifier finalement le rapport bénéfice risque de la décision. Donc en fait ce qui amène à dire que dans le sondage l’obstination déraisonnable apparaît en 5e position (NDA : sondage réalisé en ligne en direct parmi les participants) . Peut-être que si on reprend le texte on va se dire qu’on est peut-être dans une démarche qui a été rapide, peu collégiale et qui a abouti à déséquilibrer l’évaluation du rapport bénéfice risques. Sans parler d’obstination déraisonnable d’emblée, néanmoins, on peut voir apparaître une position conflictuelle entre deux grands principes éthiques, la bienfaisance c’est à dire l’utilité et le fait que le soin qu’on va produire est bienfaisant pour le patient et puis la non malfaisance c’est à dire oui agir dans le meilleur intérêt du patient sans lui faire courir de risques inutiles. C’est peut-être finalement un déséquilibre de la balance du bénéfice risque et une sous évaluation. C’est ce qu’on pourrait interroger dans un premier temps.

 

Dr Marie Neige Videau, EMG (Bordeaux)

Un petit bémol sur la définition juridique. Dans la décision juridique il n’est pas précisé par qui est porté le diagnostic d’obstination déraisonnable. Elle est souvent portée par les médecins et pour autant la loi ne dit pas que c’est un diagnostic médical (famille, patient ou diagnostic commun). La loi ne le dit pas mais c’est important de souligner que le diagnostic est assez subjectif et on est tenté dans ce cas clinique de voir qu’il est essentiellement médical. L’autre chose c’est le rôle de la famille et du patient qui acceptent cet examen. Nous sommes des gens du soin à ces journées EMG, on connaît le pouvoir de notre parole et notre capacité à influencer les choix que l’on va proposer aux patients. On a l’impression qu’on n’a pas tellement laissé le choix ou laissé un choix biaisé à la famille et au patient. Il me semble qu’on a une pente à faire à laquelle il faut résister et donc je pense que c’est dans cette résistance et cette réflexion qui précède l’action qu’on a la possibilité de diminuer le risque d’obstination déraisonnable.

 

 

 

Cas clinique : Dr Pauline Rabier EMG (Kremlin Bicêtre)

 Il s’agit d’un patient âgé suivi en néphrologie de longue date pour une dialyse chronique sur néphropathie diabétique. Troubles de la marche. Ce patient demande depuis peu l’arrêt de sa dialyse. Ne supportant plus les aller-retours, se sentant fatigué, faible. Il habite avec sa femme atteinte de cancer. Pas d’autres comorbidités et depuis peu un traitement antidépresseur commencé dans ce contexte. L’équipe de néphrologie sollicite l’équipe mobile de gériatrie pour le maintien ou non de la dialyse (quels risques encourus par le patient ?). C’est dans ce contexte que nous intervenons.

 

Dr Marie Claire Guérin, EMG (CHU de Strasbourg)

Ce cas clinique illustre bien les problématiques pour lesquelles les EMG peuvent être appelées dans le cadre d’une demande d’arrêt des soins en faisant appel au principe de non malfaisance. Ce cas clinique se place à la croisée avec d’autres principes, notamment celui d’autonomie discuté plus tôt, puisque ce patient volontaire est en capacité de formuler une demande d’arrêt de dialyse, traitement technique qu’il expérimente depuis des années. La question ici n’est donc plus celle de la bienfaisance (agir pour promouvoir le bien du patient) mais plutôt de la non malfaisance, qui suppose pour les soignants de s’abstenir, intentionnellement, d’agir pour éviter de créer - ou tout du moins d’ajouter -quelque chose de l’ordre du mal, ou en tout cas ressenti comme tel par le patient.

La balance bénéfice/risque laisse place à la balance bénéfices/avantages ou bénéfices/fardeau en lien avec des soins techniques lourds subis par des patients âgés.
Il s’agit de réfléchir à ce que cette demande véhicule comme appel à un dialogue et à un repositionnement des soignants. Par ailleurs, il s’agira de réfléchir aux données à recueillir pour clarifier et répondre à cette demande.

 

Dr Jonas Martzloff, néphrologue au CHU de Strasbourg

C’est une situation que nous rencontrons régulièrement mais pas fréquemment non plus, celle de demande d’arrêt de la dialyse. Une demande du patient que nous essayons de prendre au sérieux. Elle dénote clairement l’exaspération ambiante ce qui peut les amener à demander de suspendre ou espaces les séances. Pour les demandes d’arrêt ça témoigne d’autre chose chez le patient. J’essaie de savoir pourquoi, vérifier avec lui que le temps lui sera limité en cas d’arrêt de dialyse. Si ça semble se confirmer, j’essaie d’envisager avec le patient certaines des complications auxquelles on peut s’attendre. C’est une discussion qu’on engage sur plusieurs séances. La fréquence de la dialyse permet (3 fois par semaine) de mener une discussion sur la durée et laisser un petit temps de réflexion sans pour autant abandonner le patient trop longtemps.

Est-ce que les EMG doivent être des partenaires à solliciter ?

On est extrêmement chanceux et heureux de pouvoir vous solliciter dans ces moments là. C’est surtout quand il y a une part d’ambivalence qui persiste, quand il y a d’autres complexités par rapport aux proches, à une décision qui n’est pas complètement aboutie chez le patient, nous sommes heureux que vous puissiez venir avec vos compétences et vous outils que nous n’avons pas intervenir, connaître les éléments dans la vie du patient qui peuvent concourir à cette demande d’arrêt de soin, les limitations cognitives dont on a parfois une vision un peu restreinte en tant que néphrologues. C’est toujours pour nous une aide et un réel soulagement quand on peut faire appel à l’EMG. Souvent ça apporte une certaine aisance dans la façon dont ça peut se dérouler.

 

Pr Michel Slama réanimateur (CHU d’Amiens)

Je voudrais juste repositionner un ou deux points. La première chose c’est que cette discussion est finalement basée sur deux éléments importants qui sont les règlements et les lois promus depuis une vingtaine d’années et de l’autre côté de notre positionnement de médecin et de déontologie et d’essayer le mieux possible d’aider nos patients.

On est à 20 ans de la loi Kouchner qui donne un droit important au patient, celui d’être écouté. On doit avoir l’accord des patients sachant qu’il y a ces deux exceptions : l’urgence ou lorsque la situation demande à ce qu’on passe outre l’avis du patient. Ce n’est pas le cas dans le cas clinique que vous nous avez présenté.

Le 2e élément : arrêt des soins concerne l’arrêt thérapeutique seulement mais on continue à prendre soin des patients.

Maintenant si on en vient à ce cas, d’abord on sait que dans la plupart des professions, c’est une situation assez rare et je crois que le Dr Martzloff l’a bien dit, qui est par contre beaucoup plus fréquente chez nous en réanimation. Quelles sont les réactions que l’on peut avoir lorsque le patient est conscient et lorsqu’il émet l’avis de ne plus avoir envie de thérapeutique ? Pour moi le premier élément à prendre compte c’est d’être sûr que le patient exprime un point de vue en toute liberté et surtout qu’il est apte à prendre cette décision. Et dans ce cas je vois que ce patient a un syndrome dépressif. Et je me dis que dans ce cas là ce qui est important c’est le temps, laisser le temps passer pour que finalement d’une part pour que la pathologie dépressive puisse être traitée et que deuxièmement le cheminement du patient puisse se faire.

Un des éléments importants est bien d’expliquer ce qu’il va se passer si il décide d’arrêter ses thérapeutiques. Bien lui expliquer qu’il va avoir un certain nombre de complications mais qu’il va avoir à les subir et vivre une période difficile.

L’autre élément que je voulais mentionner c’est de s’appuyer sur les proches : les conjoints, enfants, médecin traitant peuvent parfois nous aider à essayer de convaincre le patient de la nécessité de soin si on pense qu’il y a une nécessité de soin. Et bien sûr comme on parle de patient âgé, l’équipe mobile de gériatrie est aussi un élément fondamental. Non seulement par son expertise gériatrique mais aussi parce qu’il y a une formation psychologie à ce type de demandes de patients que nous peut-être nous n’avons pas eue.

 

 

Cas clinique : Christine Lenouvel IPA (Saint Brieux)

 Il s’agit d’un résident d’Ehpad ayant bénéficié d’une consultation aux urgences dans un hôpital en tension.

À l’issue de cette consultation, un retour dans la structure est annoncé. Nous avons d’un côté les soignants d’Ehpad qui expriment leur incompréhension face à des patients adressés aux urgences puis renvoyés malgré un état de grande précarité physique et de l’autre côté l’équipe des urgences qui souligne la grande difficulté de voir des patients âgés sur des brancards avec des conséquences comme la confusion, la contention, la dépendance iatrogène et qui préfère réadresser ces patients sur leurs lieux de vie. Puis, au milieu, il y a l’équipe mobile de gériatrie qui est sur place aux urgences et qui se retrouve confrontée au choix de garder des patients âgés sur des brancards aux urgences fautes de lits ou de les réadresser au domicile.

Le fait d’être un patient âgé augmente le risque d’être réadressé au domicile avec les risques qui s’ensuivent : y a-t-il une équité dans un hôpital sous tension pour les sujets âgés que nous prenons en charge ?

 

Dr Cédric Waetchern gériatre (CHU de Strasbourg)

On a l’impression que l’esprit de justice est un peu le mal-aimé. Il est rarement exposé, il l’est souvent en dernier et on peut s’interroger sur pourquoi ce principe est toujours traité en dernier. Est-il moins complexe, source de moins de tension ou alors nous apparaît-il plus distant dans notre pratique soignante ?

Quand on lit la vignette clinique, on comprend que derrière la question de justice se pose la question des ressources en soin qui sont limitées. Des ressources qui sont rares, qui peuvent donc rapidement devenir précieuses et tout le challenge va être de répartir ces ressources. Les ressources c’est pas seulement des ressources matérielles, un brancard, un lit, une chambre, c’est aussi des ressources d’accès aux explorations diagnostiques ou thérapeutiques et aussi bien sûr des ressources humaines (soignants ou non soignants).

 

Florence Morin, cadre supérieur de santé (Saint Brieux)

En fait il y a très peu de retours, je pense que les urgences vivent ça. Tout l’intérêt aussi c’est l’accompagnement des équipes, de faire ce lien avec les Ehpad. À l’hôpital ça fait plusieurs années que c’est compliqué mais on va dire qu’on vient de vivre quelque chose de tout à fait nouveau et inédit concernant les ressources en lit, les ressources humaines et en même temps je pense que les urgences ne sont pas coupées non plus de ce qui se passe à l’extérieur, ils savent aussi très bien ce qui se passe dans les EHPAD, dans les services de soin à domicile donc on a toute cette confrontation de pressions qui arrivent de tous les côtés. Et on voit bien que le but ce n’est pas de rester chacun sur ses représentations, ses difficultés, mais c’est de garder les patients au cœur mais ça c’est compliqué. C’est là l’importance, quand il y a un intervenant extérieur aux urgences ou en tant cas qui peut faire ce lien pour que chacun puisse se recentrer sur le patient et de ne pas rester cloisonné sur ses problématiques de lits.

L’hôpital en tension c’est tout le temps, il faut donc toujours rester sur le patient, le besoin du patient. Dans ma pratique au quotidien j’interviens peu sur les urgences, plus sur les durées d’hospitalisations car l’enjeu est de gérer la bonne durée d’hospitalisation d’un patient. C’est à ce moment-là que les problématiques remontent, dans le lien avec les EHPAD. Cependant je ne crois pas que nous soyons en opposition tout le temps avec les EHPAD et les services à domicile même si chacun se renvoie un petit peu la balle.

 

Éric Jullian, directeur d’EHPAD (Amiens)

Quand on envoie des résidents en urgences… Moi je voudrai être un peu dans un positive attitude, il faut savoir qu’on a de plus en plus d’outils à notre disposition. C’est évident on a une tension médicale à l’hôpital et à domicile et on a une nouveauté, on a une tension d’infirmières. Les équipes mobiles de gériatrie qui existent depuis 15 ans c’est quand même un outil pluridisciplinaire vraiment génial donc il ne faut pas hésiter à ce que les services d’urgences y fassent appel. Cette vision globale permet d’avoir une meilleure vision sur la prescription qui a elle-même un impact sur les chutes. Où récemment on fait beaucoup de progrès, c’est la coordination à domicile. Force est de constater que le médecin traitant n’a pas le temps de réaliser cette coordination. Il ne faut pas oublier qu’il y a maintenant les dispositifs d’appui à la coordination, il faut juste appeler et c’est très utile notamment pour les personnes âgées complexes qu’on voit beaucoup revenir. Il y a une réforme qui arrive où on n’a plus qu’un seul service qui s’appelle Service Autonomie à domicile c’est tout ce qui est auxiliaires de vie et infirmiers SSIAD qui vont fusionner et bientôt prochainement dans certains hôpitaux et certains EHPAD vont avoir des centres de ressources.

Moi de mon point de vue, de mon expérience, il faut utiliser tous les outils de communication possibles, même le téléphone et la fiche de liaison c’est un outil quand même important, il faut vraiment faire appel à ça. Pour moi le sujet est l’accès aux soins et hormis les tensions, on a tous les outils et il faut mieux les utiliser, et pour moi pour avoir plus de justice c’est avoir plus de coordination et de s’appeler les uns et les autres.

 

 

Allez plus loin : 
- Consultez la page "Congrès, journées et colloques" de la SFGG