Pr Pierre Hausfater – Service des urgences (Pitié-Salpétrière)

Je vais vous parler de l’utilisation du biomarqueur PCT pour les personnes âgées à l’admission des patients aux urgences.

Comment fait-on en pratique le diagnostic positif d’une infection ? Idéalement par l’isolement de l’agent pathogène, ce qui est rarement disponible en urgence. La plupart du temps nous faisons un diagnostic de l’infection sur un faisceau d’éléments.

La vraie vie, telle qu’on la connaît dans les services d’urgence et les services de gériatrie, se passe ainsi : nous avons des radiographies non informatives qui ne permettent pas de poser le bon diagnostic. Parfois nous avons aussi des salles d’attente pleines qui nous obligent à travailler vite. Avoir des éléments qui vont pouvoir nous alerter et nous aider de manière efficace dans les suspicions d’infection s’avère indispensable.

Ce n’est pas tout de dire si il existe une infection ou pas. Il faut se demander si l’infection est bactérienne ? Si elle est virale ? Si cette infection nécessite d’être traitée par des antibiotiques ? On voit, dans ce sens, que la clinique est souvent insuffisante pour nous aider à prendre de telles décisions.

Pourquoi est-il important de faire correctement le diagnostic d’infection ?

Une étude publiée dans Critical Care montre que la mortalité hospitalière est plus importante quand le diagnostic n’a pas été fait correctement.

Nous subissons par ailleurs une injonction contradictoire qui nous incite à démarrer l’antibiothérapie très vite chez les patients présentant un sepsis (infection associée à des dysfonctions d’organe).

Une autre étude parue dans Critical Care a montré que lorsque le sepsis est identifié tôt, la mortalité hospitalière est moins importante. Ce qui veut dire que si l’on veut réduire la mortalité,  il faudrait traiter toutes les suspicions. Or l’on sait que si l’on procède comme cela, on se trompe très régulièrement.

Une étude parue dans CriticalCare Médecine révèle que seulement 2/3 des patients traités avaient une infection bactérienne, donc que 1/3 n’avaient pas d’infection bactérienne.

Quelles sont les infections sur-diagnostiquées ? Il s’agit des infections respiratoires, des patients qui avaient une suspicion d’infection virale ou bien une suspicion d’insuffisance cardiaque.

Les infections respiratoires sont le premier foyer infectieux chez l’homme mais aussi le premier poste de consommation d’antibiotiques. Or on sait que la moitié des infections sont virales ou ne justifient pas d’antibiothérapie.

 

La PCT

La première étude d’impact utilisant la valeur de la PCT est parue dans le Lancet en 2004. Cette étude suisse montre que quand on utilise ce biomarqueur PCT pour décider si oui ou non on donne des antibiotiques dans les suspicions d’infection respiratoire, on diminue le taux d’antibiothérapie dans le groupe guidé par la PCT par rapport au groupe contrôle Pour la durée du traitement antibiotique, beaucoup d’études d’impact ont montré que quand on monitore l’antibiothérapie avec la PCT, on peut arrêter plus précocément leur traitement antibiotique.
Dire que le traitement d’une pneumonie communautaire doit durer entre 8 et 10 pour tout le monde n’a pas de sens. Un biomarqueur peut nous aider à savoir la durée optimale dès que le marqueur descend en dessous du seuil.

D’autres études sur le dosage de PCT dans les infections respiratoires et aussi dans le sepsis ont montré qu’un algorithme intégrant la valeur des concentrations de ce biomarqueur permettait de réduire l’exposition aux antibiotiques sans altérer la mortalité.

Une méta-analyse sur la PCT et sujet âgé publiée en 2013 comparaît la PCT,la CRP et les leucocytes. Elle expliquait que si l’on devait utiliser un marqueur dans le cadre d’une infection bactérienne, il fallait plutôt utiliser la PCT grâce à sa spécificité.

Sur les études d’impact là aussi, une revue systématique publiée en 2021, montre clairement qu’on a exactement le même signal chez le patient âgé. Sur la durée de traitement, toutes ces études sont en faveur de l’utilisation de la PCT.

En termes de critère de sécurité, on observe même une tendance à une mortalité moins élevée quand on applique l’algorithme PCT. Quand on donne moins d’antibiotiques, on va éviter des événements indésirables par la suite.

 

Cas concret : Comment utiliser ce biomarqueur aux urgences ?

Un homme, 78 ans

HTA cardiopathie qui consulte pour des douleurs thoraciques depuis 48h accompagnées de toux et de crachats. L’examen clinique montre des râles crépitants des 2 bases. La radio de thorax, certes de mauvaise qualité, montre que l’on devine qu’il se passe quelque chose au niveau de la base droite.

Conclusion : ce patient a un syndrome de réponse inflammatoire systémique, un foyer radiologique. Il présente des signes respiratoires et des signes auscultatoires en foyer, donc une PAC avec peut-être un sepsis sévère.

L’attitude habituelle serait de commencer une antibiothérapie. Or la PCT chez ce patient est à  0 ;11 ug/L. Le scanner thoracique nous le confirme : ce patient a une embolie pulmonaire bilatérale et non pas une PAC.

Quelle est la place de ce marqueur aux urgences chez les patients âgés ?

Il est bien plus performant que la clinique !

Il faut arrêter de croire que nous allons sauver des vies en traitant par antibiotique des bronchites ou des infections respiratoires d’origine virale. Le dosage de la PCT peut nous aider pour une antibiothérapie raisonnée et inversement pour sa valeur prédictive positive. Une PCT positive doit vous inciter à identifier un foyer infectieux et plaide pourl’existence d’une infection systémique.

Ainsi, si vous devez choisir entre 2 marqueurs, la CRP (pour laquelle il existe très peu d’études d’impact) et la PCT, alors la PCT sera à privilégier (niveau de preuve élevé).

 

 

 

 

Pr Pierre Emmanuel Charles - Service de réanimation (CHU de Dijon)

 

Je vais vous parler de l’utilisation de la PCT chez les patients graves en soins critiques

La France est une mauvaise élève en consommation d’antibiotiques.

Or on sait qu’il existe une relation étroite entre l’exposition aux antibiotiques et l’apparition des mécanismes de résistance.

L’étude des pneumonies acquises sous ventilation nous a montré que des diagnostics d’infection par excès conduisaient à la surexposition des patients aux antibiotiques avec un impact direct sur leur survie.

De plus, il est établi que de réduire à 8 jours au lieu de 15 la durée de l’antibiothérapie n’altérait pas le devenir des patients d’après les résultats d’un essai clinique randomisé comparant ces 2 durées de traitement.

C’est à partir de ce type d’étude, mais aussi le plus souvent sur la base des usages en vigueur avec un niveau de preuve beaucoup plus bas, que les recommandations relatives à la durée sont réactualisées régulièrement, notamment par la SPILF.

On peut néanmoins s’interroger sur la pertinence d’affliger la même durée du traitement antibiotique chez les personnes âgées alors que les besoins peuvent être différents.

D’autres données ont montré que le principal déterminant de la durée d’antibiotiques, c’est le prescripteur lui-même. Ceci montre que la part de subjectivité peut être grande dans cette décision. D’autant que des injonctions contradictoires permanentes entrent en compte quand on instaure un traitement et qu’on l’arrête, avec une composante émotionnelle certaine chez le médecin.

La cinétique des valeurs de PCT chez les patients présentant une infection grave est étroitement liée à leur devenir. La décroissance du biomarqueur dans le temps est un bon indicateur d’une réponse favorable à l’antibiothérapie.

De plus, quand l’antibiothérapie est appropriée, la PCT permet de prédire l’adéquation du traitement à l’infection. Il existe donc un réel intérêt à suivre ce biomarqueur, et à s’en servir pour confirmer la décision d’arrêter le traitement.

De fait, l’étude de grande envergure « ProRata » a montré que l’on pouvait arrêter en toute sécurité l’antibiothérapie chez des patients présentant une infection sévère dès lors qu’il y avait une réduction très nette (80%) par rapport à la valeur de base de la PCT, ce qui conduisant à une moindre exposition aux antibiotiques en diminuant de 7 à 5 jours en moyenne la durée du traitement.

Par ailleurs, une équipe hollandaise a confirmé ces résultats à plus large échelle encore avec de plus une réduction de la mortalité lors de l’utilisation de la PCT.

Ce qui était également très intéressant dans cette étude, c’était d’avoir étudié les raisons du non respect du protocole PCT, le taux de violation étant très important car supérieur à 50%.

En effet, dans 2/3 des cas, aucune raison objective n’était exprimée. Nous sommes donc probablement souvent dans le domaine de la croyance et non dans le rationnel lorsque se pose la question de la durée de l’antibiothérapie.

 

Conclusions :

  • L’utilisation du biomarqueur peut convaincre des prescripteurs d’avoir des attitudes plus raisonnables par des données objectives.

  • On peut être certains que guider le traitement par biomarqueur est efficace et conduira à une antibiothérapie plus courte, à condition d’adhérer au protocole.

  • La PCT présente une aide incontestable à la personnalisation de ces traitements.

 

 

Pr Gaëtan Gavazzi – Service de gériatrie (CHU de Grenoble)

 

Je vais vous parler de l’utilisation de la PCT en gériatrie.

Quels rôles de la PCT ?

  • Intérêt diagnostique ou Intérêt pronostique (la peur de la bactériémie)  qu’on peut évaluer grâce à des études observationnelles
  • Intérêt comme conseil : ma petite aide qui fait qu’on peut individualiser

Pour chaque infection, chaque personne est différente.

Il existe quelques études observationnelles complètes sur la valeur diagnostic dans les populations âgées mais il y a une telle différence de typologies de patients, de site d’étude (avec des prévalences d’infections différentes) qu’il est souvent difficile de conclure.

Dans les exemples récents, la PCT, est-ce que ça marche dans le diagnostic ?

  • Une étude française a montré que dans le cadre d’une infection particulière (acquise après traitement orthopédique), les valeurs de PCT sont variables et n’offrent pas d’intérêt d’utilisation systématique dans le diagnostic d’infection acquise durant la période post-opératoire.
  • Une étude Suisse a montré l’avantage du scan pour améliorer le diagnostic de pneumonie ; Une étude ancillaire a concerné des biomarqueurs dont la Procalcitonine. Elle montre la encore qu’elle ne permet pas d’aider à diagnostiquer une infection pulmonaire mais beaucoup de ces infections étaient virales ne nécessitant pas d’antibiotique; ces conclusions peu en faveur de la PCT semblent donc inappropriées.

Est-ce que la PCT peut avoir une valeur pronostic ?

Une étude COVID menée au début de l’épidémie a montré que en effet quand on avait une PCT élevée, on allait probablement mourir beaucoup plus tôt.
Une autre étude menée par les gériatres dans les service chirurgie à la Pitié Salpêtrière a montré que la PCT avaient une valeur pronostic indépendante de surmortalité ( ?).

 

Concernant la bactériémie :

Les études chez l’adulte jeune montrent que si vous avez un seuil PCT <0,5ng/ml la valeur prédicitve négative à 95% ce qui veut dire que si vous avez une suspicion de bactériémie et que la PCT est < 0,5ng/ml dans 95% des cas vous aurez raison. Il existe aussi une réelle homogénéité de résultat rassurante pur une utilisation future. Et c’est ce qu’on a montré dans une étude unicentrique spécifique sur Grenoble pour les personne âgée

Donc s’il est probable que la PCT chez le sujet âgé ne doit pas être utilisée systématiquement elle peut clairement être utilisée pour calmer l’angoisse de la bactériémie.

On dispose de nombreux arguments concernant la PCT pour nous aider, pour éviter de faire une antibiothérapie dans le cadre d’une suspicion d’infection pour laquelle on ne craint que l’existence d’une bactériémie.

L’utilisation la plus établie est néanmoins l’individualisation de la durée de l’antibiothérapie. Il s’agit d’études interventionnelles qui comparent des algorithmes décisionnels utilisant ou non la PCT pour guider l’arrêt précoce des traitements ou mieux en individualiser la durée.

Il n’existait jusqu’à présent aucun essai randomisé spécifiquement dans la population âgée mais en analysant à postériori tous les essais conduits chez l’adulte (14 en médecine intensive, 12 en urgences, 2 en ambulatoires) près de 9000 patients de plus de 65 ans ont été inclus. Une récente méta-analyse trouve que pour toutes les tranches d’âge, on réduit de plus de 2 jours la durée d’antibiothérapie grâce à l’utilisation de la PCT. Par ailleurs, la mortalité à 30 jours  semble en parallèle diminuer.

A notre connaissance le seul essai randomisé spécifique de nos populations âgées à été réalisé dans 6 services de gériatrie en France (dont Annecy, Grenoble et Poitiers) ; il a aussi montré que dans le groupe de sujets âgés de plus de 80 ans présentant une pneumonie, la durée de traitement guidée par le dosage de la PCT pouvait être réduite de plus de 2 jours comparativement au groupe sans utilisation de la PCT. De façon intéressante, au 6e jour près de 50% des sujets âgés de plus de 80 ans avait eu un arrêt de l’antibiothérapie.

Ainsi, même chez le sujet très âgé, le dosage de la PCT dans les pneumonies hospitalisées réduit les durées d’exposition aux antibiotiques sans modifier le pronostic global.

Que reste  t il  à faire demain pour mieux déterminer la place de la PCT chez le SA ?

Il faudrait :

  • Valider des seuils et implanter les stratégies diagnostiques d’autres infections ( bactériémies ?
  • Réaliser des études de comparaisons de l’impact des algorithmes PCT dans d’autres infections
  • Faire des essais interventionnels PCT en biologie délocalisée dans les EHPAD

 

 

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