Le référentiel des infirmières en Pratique Avancée (IPA) en Gérontologie, soutenu par le Collège des Soignants de la SFGG,  a été présenté lors de la session "Recherche en sciences cliniques infirmières" par Loriane Saliège.
En préambule, Isabelle Fromantin, infirmière, PhD, HDR est intervenue pour présenter son parcours.

 

  • La recherche clinique en sciences infirmières : tout un parcours - I. FROMENTIN (Paris)

 

Je fais de la recherche en soins.
La recherche est pour moi un moyen d’acquérir et conforter une expertise clinique, formuler des hypothèses vers de nouvelles solutions, réunir des compétences et d’avoir un espace de liberté.
Pour ma part j’ai fait de la recherche pour améliorer la clinique notamment par rapport aux plaies liées au cancer ici à l’institut Curie où je travaille. Malgré toutes les connaissances, on se retrouve avec des symptômes sur ces plaies tumorales qu‘on n’arrive pas à contrôler.
C’est ici que s’est imposée la recherche.

J’ai fait au mieux dans mon métier de soin mais j’ai cherché de nouvelles solutions et c’est à ce moment-là qu’on se met à faire de la recherche. Dans des situations difficiles c’est aussi une façon de bien vivre notre métier, de bien vivre son soin. C’est plus facile de se dire ‘je vais tout mettre en œuvre pour que mon patient soit le plus confortable possible’. La recherche s’est donc imposée comme une nécessité, la satisfaction de me dire que je peux changer en mieux.

La recherche est d’abord une idée, un travail d’équipe, un souhait fort d’améliorer une situation pour le patient puis ensuite vient une méthode qui ne doit pas être un frein.
Dans mon parcours, ce qui est central c’est le patient, tous les patients, qu’ils soient dans les pays du Nord et dans des pays à plus faible accès au soins.

Mon sujet : les plaies tumorales. Comment mieux faire ? Comment mieux soigner ?
Moi j’ai choisi au départ de m'orienter vers la microbiologie et le biofilm pour comprendre quand elles s'infectent. Une fois que j’avais bien maîtrisé cette technique, je me suis dit qu’il fallait en faire bénéficier d’autres. Les patients souffrant d’ulcère, des plaies de lèpres en Afrique. Autant réfléchir à toutes les plaies et pas uniquement nos plaies et nos traitements ici à l’Institut Curie. Afin de développer des solutions pour tous. Toutes les connaissances accumulées ont permis d’arriver à des résultats, des hypothèses, et breveter un nouveau pansement par exemple

Au décours de la recherche, plein d’idées émergent et se ramifient.
Mon parcours universitaire s’est fait à travers cette recherche : un M2, une recherche, une thèse de sciences puis j’ai validé mon doctorat, tout cela ponctué de publications pour transmettre les résultats et valoriser ce travail. Ces différents projets ont fait que j’ai pu soutenir mon HDR dans le but d’être habilité à accueillir et encadrer des étudiants en thèse, des paramédicaux.

L’idée c’est de transmettre, faire évoluer les connaissances et mener des projets qui je l’espère rendront service aux patients de demain.

La recherche en soins, c'est plein de satisfaction, c’est aussi des difficultés (notamment la recherche de fonds et de réussir à lier deux timing, celui d’infirmière et celui de chercheur). En tant qu’infirmière, notre grande force, c’est la proximité avec le patient.

En conclusion je dirai que la recherche ne se fait jamais seul, que c’est une opportunité pour tous et ouverte à tous.

 

  • Référentiel des Infirmières en Pratique Avancée de Gérontologie en compétences - L. Saliège  (Nîmes) 


Consultez le référentiel des IPA en Gérontologie

Pourquoi créer un nouveau domaine IPA ?

En france il existe 4 domaines IPA et bientôt un 5e avec l’IPA urgences. On remarque que dans chacun de ces domaines la prise en soin de gériatrie est censée être inclue (psycho-gériatrie, etc.) mais uniquement dans un contexte de suivi de pathologie stabilisé.

Ainsi la prise en soin de la personne âgée est morcelée multipliant les acteurs.

C’est pour cela que nous pensons que l’IPA en Gérontologie répond à une problématique de la prise en charge globale et non à un prise en charge par organe.

Depuis 2 ans, l’Association française des IPA en gérontologie accompagnée par la SFGG milite pour la reconnaissance de ce domaine. Ainsi après avoir été reçus par Myriam El Khomi lors du rapport Attractivité des métiers du grand âge et suite au discours de l’ancienne Ministre des Solidarités et des la Santé Agnès Buzyn annonçant la nécessité de promouvoir IPAG d’ici 2021, nous avons constitué un groupe de travail pour élaborer le référentiel afin que cette Infirmière de Pratique Avancée en Gérontologie devienne une réalité.
En novembre 2019 s’est constitué un groupe de travail.
Nous avons mené des recherches internationales bibliographiques, littéraires, puis nous nous sommes attelées à l'écriture pour arriver en novembre 2020 à soumettre ce référentiel à un groupe de relecture. Aujourd'hui nous vous le présentons afin qu'il arrive un jour au Ministère.

Y a-t-il des IPA en Gérontologie dans le monde ?

Oui. Pour exemple, voici le modèle canadien comprend 2 spécialités : les infirmières cliniciennes spécialisées qui ont obtenu un master ou doctorat et qui ont une expérience en gériatrie et les IPA (30h de formations et expériences en gériatrie).
Ces infirmiers ont une activité clinique de soins spécialisés dans des situations complexes.
Parallèlement, elles ont un rôle de défenseur pour favoriser la continuité de soins adapté aux sujets âgés.

En France

Ce modèle d’IPA en gérontologie est soutenu par :
- rapport Libault (proposition 112)
- rapport grand âge et autonomie (mesure 49)
- pacte de refondation des urgences dans lequel la SFGG a émis des préconisations, notamment la présence d’un IPAG aux urgences mais aussi dans les services non-gériatriques
- Ségur de la SAnté, préconisation, mesure 20

Référentiel : quel modèle utiliser ?

Modèle mixte : une partie médicale, la gériatrie (connaissances médicales, être capable de réaliser une évaluation gériatrique, un examen clinique mais aussi des examens complémentaires) et une partie sciences cliniques infirmières, la gérontologie, notre coeur de métier (diagnostic infirmier, élaboration de projets de soin, élaboration de bonnes pratiques en gérontologie, formation des professionnels infirmiers, aides-soignants et professionnels de ville à la prise en soin spécifique en gérontologie pour une collaboration inter-disciplinaire pour arriver à une prise en soin globale.

Pour quel type de population ?

Le sujet âgé de 65 ans et plus qui sera polypathologique et/ou complexe (risque de décompensation ou en perte d’autonomie).  Sinon, les personnes âgées de 75 ans et plus.

Lieu d’exercice ?

Nous allons retrouver cette IPA à chaque étape du parcours de santé de la personne âgée. Ainsi en ville, le médecin généraliste pourra s’appuyer sur le modèle de l’IPA. Elle pourra aussi collaborer avec d’autres IPA d’autres domaines pour apporter son expertise. Et également pour le médecin coordonnateur et résidence autonomie sous-médicalisée.
On imagine pouvoir s’installer avec tous les spécialistes prenant en charge les personnes âgées : les gériatres, les cardiologues, les neurologues. Actuellement sa place est déjà réfléchie au sein des pôles de gérontologie et l'ensemble de la filière gériatrique.

Écriture 

Nous avons utilisé l’arrêté du juillet 21018 fixant les compétences de l’IPA.
Nous avons aussi et surtout utilisé notre expérience de terrain, les compétences acquises ainsi que les connaissances incluses lors du Master sciences cliniques infirmières + confrontés aux 4 modèles IPA existant puis enrichi aux modèles internationaux.

L’IPA en gérontologie permet de tenir compte de l'aspect multidimensionnel du sujet âgé qui, faute d’être pris en considération, engendre les ruptures de parcours observées quotidiennement.
En ce qui concerne les compétences, nous tenons à mettre la lumière sur le fait que cette IPAG sera une ressource pour l’accès à l'expertise gériatrique et une prise en soin approprié prenant en compte les besoins fondamentaux, les désirs de la personne et de ses aidants jusqu’au stade de la fin de vie.

Ce référentiel est une proposition et demande à être enrichi de vos propositions !

Merci au groupe de relecture pour leur disponibilité.

 

 

Échanges entre les participants : 

Aline Corvol : Est-ce qu’il manque des infirmières de pratique avancée en gérontologie dans le paysage de soin actuel ou bien est-ce que c’est la façon dont est pensé le mention "polypathologie chronique stabilisée" qui ne permet pas de répondre aux problématique de santé du sujet âgé ?

Loriane Saliège : Je suis convaincue que l’IPAg est le chainon manquant entre la ville et l’hôpital permettant l’approche globale et limitant ainsi les ruptures de parcours. Le modèle IPa correspond à des problèmes de santé public identifiés, mais la conception de celui-ci basé sur des pathologies d’organe ne répond qu’en parti à la prise en soins de nos ainés, pour preuve j’ai des confrères IPA en place en ville qui m’appellent régulièrement pour les aider concernant la prise en soins de la personne âgée souvent complexe et chronophage.
Ca a été conçu sur le modèle IPA prôné où il y a une partie forte médicale avec des compétences d’examen clinique, délégation de certains actes et puis cette partie propre à l’infirmière peu mise en avant dans le modèle IPA actuel mais présent au Canada mais l’un sans l’autre on ne peut pas arriver à une prise en soin globale. Il va falloir avoir des connaissances médicales.

Isabelle Fromantin : Je suis très pro IPAG car je pense qu’elles ont plein de choses à faire. En face de moi j’ai une IPA oncologie et qui fait beaucoup d’onco gériatrie, je lui disais que ce serait super qu’elle échange avec les IPA en Gérontologie parce que les connaissances fines sont différentes. À chaque fois on a le modèle canadien en tête mais les infirmières cliniciennes sont très proches du modèle d’IPA qu’a choisi la France. On a toujours l’impression qu’on a un train de retard en France mais on a une richesse incroyable, leur référentiel est super, j’invite tout le monde à le lire.

Sylvie Bonin-Guillaume : En quoi l’IPAG a eu un rôle important dans le contexte de pandémie actuel ?

Loriane Saliège : Je pense à un poster présenté à ce congrès par 4 IPA qui ont un master gérontologie, qui sont intervenus dans la crise COVID et qui ont participé à la rédaction de ce référentiel. Moi dans la crise COVID, dans mon lieu d’exercice, j’ai participé à la mise en place d’un service tampon afin de limiter les risques de cluster au sein de la clinique lors de l’admission des personnes âgées pour chute. Et puis j’ai accompagné les équipes de soins dans la prise en charge des patients souffrant de troubles neurocognitifs du fait qu’ils n’avaient pas l’habitude de soigner cette population. En parallèle nous nous sommes retrouvés dans une situation ou tout notre réseau au domicile n’intervenait plus avec des patients isolés ( PRADO, MAIA, kiné, aides à domicile....) il a fallu s’adapter rapidement et trouver des solutions adaptées pour permettre un retour au domicile sécurisé. Il existe d’autres exemples notamment en EHPAD, en Équipe Mobile de Gériatrie et en libéral et se sont révélés pour leur capacité d’actions et d’expertises.

 Sylvie Bonin-Guillaume : C’est important de défendre cette position, qu’elle soit audible par tous, et très importante dans la crise actuelle. Faire appel à des personnes qui avaient des compétences multiples a été crucial pendant cette épidémie.

 

Allez plus loin : 
- Consultez l'article "Pourquoi l'intervention d'une infirmière en pratique avancée est cruciale ?"
- Visionner le reportage "Des supers infirmières pour aider les médecins : les IPA en gérontologie au JT (France 2)"
- Consultez la plaquette IPAG