Sous la direction du Pr Yves Rolland, gériatre au CHU de Toulouse, un groupe d’experts en géroscience vient de publier le travail intitulé “Challenges in Developing Geroscience Trials” dans la revue scientifique Nature Communications. Cette étude invite à repenser les mécanismes biologiques du vieillissement comme des cibles thérapeutiques potentielles, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives pour réduire l’incidence des pathologies liées à l’âge et allonger l’espérance de vie en bonne santé.
Entretien avec le Pr Yves Rolland.

 

Qu’est-ce que la géroscience ?

 

Jusqu’ici nous avons traité les maladies tels que le diabète, les cancers, les maladies cardiovasculaires. Or actuellement il y a un consensus sur le fait que la grande majorité des maladies chroniques survenant au cours de l’avancée en âge font suite à des dysfonctionnements de mécanismes biologiques qui sont communs.

La géroscience est une approche différente de ce qui s’est fait jusqu’à présent. Elle repose sur l’idée que les mécanismes biologiques du vieillissement peuvent être modulés. Au-delà du fait que les années passent, des mécanismes biologiques s’altèrent et conduisent à des dysfonctionnement d’organes puis des pathologies. Ces mécanismes sont l’objet de nombreux travaux fondamentaux et sont de mieux en mieux connus. La variabilité des dysfonctionnements des mécanismes biologiques du vieillissement d’un individu à l’autre se traduit par l’observation que nous ne vieillissons pas tous au même rythme. Il y a des vieillards à 65 ans et des sujets encore en pleine capacité à 75 / 80 ans.

Dans les études épidémiologiques, l’âge est le premier facteur de risque des maladies chroniques. L’âge est bien entendu un facteur non modifiable car le temps qui court ne peut pas être ralenti. Les mécanismes biologiques du vieillissement qui conditionnent au fil des ans la survenue des maladies chroniques sont par contre accessibles à des interventions.

Notre mode de vie, comme la pratique de l’activité physique est un exemple bien connu permettant de moduler les mécanismes du vieillissement et ainsi retarder l’incidence des maladies chroniques. Des molécules pourraient également dans l’avenir limiter l’altération des mécanismes du vieillissement. Les travaux de recherche chez l’animal mais aussi chez l’homme montrent que ces mécanismes sont modulables.

Qu’est-ce que ce nouvel axe de recherche représente pour la gériatrie ?

 

Les avancées de nos connaissances sur les mécanismes biologiques du vieillissement montrent que le vieillissement n’est pas une fatalité mais est bien modulable. La pratique de l’activité physique ou certains régimes alimentaires le démontrent déjà mais des molécules dites « géroprotectrices » pourraient dans un avenir proche modifier nos stratégies de prévention des maladies associées au vieillissement.

La géroscience représente une perspective passionnante en matière de santé publique car elle offre la perspective de retarder l’apparition des maladies chroniques et ainsi de prolonger l‘espérance de vie en bonne santé.

Pour les gériatres que nous sommes c’est une perspective enthousiasmante : notre quotidien qui est actuellement celui de traiter des maladies et les conséquences du vieillissement sera modifié à l’avenir. Nous pourrons agir sur les différents mécanismes du vieillissement et investir encore plus le champ de la prévention.

On entre dans une ère où on va accéder à des molécules agissant sur les mécanismes biologiques du vieillissement. L’image de notre discipline va s’en trouver bouleversée et il est important que tous les gériatres soient sensibles au fait d’associer des patients aux essais de recherche clinique en géroscience.

Ce nouveau champ de la recherche va également générer un certain nombre de questions médicales et éthiques aussi importantes qu’intéressantes comme celle de se demander à partir de quel moment et de quel âge il faudra débuter la prévention médicamenteuse des maladies liées à l’âge ? Le moment d’intervention sur les mécanismes du vieillissement pourrait être propre à chaque individu, en fonction de la vitesse d’altération de ces mécanismes du vieillissement. Les biomarqueurs du vieillissement seront, à ce titre, très utiles pour définir des sujets ayant un vieillissement accéléré.

 

Comment les molécules peuvent-elles agir en faveur d’un vieillissement en bonne santé ?

 

À titre d’exemple, la metformine, initialement utilisée pour traiter le diabète de type 2, est testée pour ses effets bénéfiques sur le vieillissement et la prévention des maladies liées à l'âge. L'étude TAME (Targeting Aging with Metformin) a pour objectif de démontrer que la metformine peut, chez des sujets non diabétiques, ralentir le processus de vieillissement et prévenir l’émergence des maladies liées à l'âge, telles que les maladies cardiaques, le cancer et la démence.

De même, les inhibiteurs de SGLT-2, utilisés pour le diabète, montrent des résultats prometteurs dans les essais cliniques pour leurs effets bénéfiques sur le cœur et le cerveau.

Autre exemple parmi d’autres, lorsque l’on vieillit, on a de plus en plus de mal à éliminer les cellules sénescentes responsables de maladies liées à l’âge. La prévention de ces maladies pourrait passer par le recours à des sénolytiques actuellement en cours d’étude chez l’homme.

 

L’objectif est-il de vivre plus vieux ?

En soit, non. Le danger en effet est que cette nouvelle discipline soit reprise par des vendeurs de rêve ! L’idée derrière cette nouvelle voie de recherche thérapeutique est bien de retarder l’apparition de pathologies chroniques et ainsi de prolonger l’espérance de vie en bonne santé. La finalité n’est pas de vivre plus longtemps mais bien de retarder l’incidence des pathologies chroniques associées au vieillissement afin que l’espérance de vie en bonne santé soit améliorée.

Allez plus loin :
- Lire la publication "Challenges in developing Geroscience Trials"
- Consultez les autres communiqués de presse de la SFGG