La Société Française de Gériatrie et Gérontologie (SFGG) a mené une enquête approfondie auprès de ses membres sur la question de la fin de vie.
Avec 500 répondants, majoritairement des médecins (90 %), cette étude offre un éclairage précis sur la perception des professionnels du vieillissement face aux évolutions législatives en discussion.


Des connaissances variables du cadre législatif actuel

Près de 58 % des répondants affirment bien connaître les lois en vigueur sur la fin de vie et les appliquer régulièrement dans leur pratique. Toutefois, 39,7 % reconnaissent une connaissance partielle et 1,3 % déclarent ne pas du tout maîtriser le cadre juridique en place. Ces résultats témoignent d'un besoin de formation supplémentaire pour garantir une compréhension homogène des dispositifs actuels.

 

Des avis partagés sur l’évolution législative

Les membres de la SFGG expriment des opinions variées sur l’avenir de la législation:

  • 7,2 % soutiennent l’euthanasie,
  • 25,9 % sont favorables au suicide assisté par une équipe médicale,
  • 17,8 % prônent un suicide assisté encadré par une association,
  • 9,1 % estiment que l’option d’une délivrance d’ordonnance pour un produit létal est une alternative souhaitable. Une proportion de 12,5 % déclare ne pas avoir d’opinion arrêtée, tandis qu’un groupe minoritaire préfère conserver le cadre législatif actuel.

 

Des impacts professionnels et des réticences à la mise en application

L’éventuelle légalisation de l’aide active à mourir suscite de fortes inquiétudes chez les professionnels interrogés. Ainsi :

  • 48,2 % des répondants envisageraient de recourir à une clause de conscience,
  • 24 % pourraient aller jusqu’à quitter leur poste,
  • 21,9 % se disent prêts à appliquer une éventuelle nouvelle loi,
  • 8,5 % ne savent pas quel impact cela aurait sur leur exercice.

 

 

Un débat perçu comme complexe et anxiogène

Le débat autour de la fin de vie est perçu comme brouillant les messages sur le vieillissement (62,8 %) et portant atteinte à l’image des professionnels de la gériatrie (22,9 %).
Toutefois, 41,6 % des répondants reconnaissent qu’il peut constituer une avancée dans certaines situations de détresse.

Des patients en demande de clarté et d’accompagnement

L’enquête souligne également une incompréhension récurrente des patients concernant leurs droits et les dispositifs existants en matière de soins palliatifs. Beaucoup expriment des craintes sur une possible banalisation de l’euthanasie, notamment en raison de la pression implicite qui pourrait être exercée sur les personnes âgées. Ils souhaitent avant tout un accompagnement de qualité avec des ressources humaines et matérielles suffisantes.

L’enquête met en lumière une crainte prégnante chez les personnes âgées : celle d’être perçues comme un poids pour la société. De nombreux soignants relèvent une demande croissante d’euthanasie non pas de la part des patients eux-mêmes, mais de leurs familles, soulevant d’importants enjeux éthiques.

 

Zoom : Les retours des patients

 

    • Questionnements / incompréhensions : Beaucoup de répondants rapportent que les patients expriment des incompréhensions ou des interrogations sur leurs droits et sur ce que permet ou interdit la loi actuelle. Il y a un manque général d’information sur les soins palliatifs, le consentement aux soins.
    • Inquiétudes : Certains patients manifestent des inquiétudes face à une possible légalisation, notamment concernant la pression implicite qui pourrait être exercée sur les personnes âgées.
    • Besoin d’être entendus : Les patients souhaiteraient être plus écoutés et entendus sur la direction de leurs soins. Notamment sur les directives anticipées et les limitations de soins. Finalement, c'est plutôt une application de la loi actuelle que les patients souhaitent (“Aurons-nous le droit d'être vieux et malades ?” / “Aurons-nous le droit de choisir ?”)
    • Besoin d’être soignés : Les souhaits des patients sont l’accompagnement de la fin de vie avec les moyens humains et matériels adéquats beaucoup plus que la demande d’euthanasie qui est exceptionnelle (s’il y a une demande d’euthanasie initiale, elle disparaît lors de l'accompagnement). Beaucoup ont peur de ne pas être pris en charge (“Je viens pour être soigné pas pour mourir”) ou réclament l’euthanasie en situation de détresse psychologique
    • La peur d’être un “poids” : Une inquiétude, de la part des patients âgés, est souvent exprimée : celle d’être un poids pour la société. Il n’existe généralement pas une volonté de mourir chez les personnes fragiles et vulnérables mais la crainte de la grande dépendance dans un système de soins qui n’a pas les soignants nécessaires pour une prise en charge de qualité.  Comment s'assurer, donc, que le patient est libre et éclairé sur sa décision si toutefois il venait à demander l’euthanasie ? Est ce qu'un bilan cognitif est prévu avant ? Une enquête sociale réalisée ? Beaucoup de soignants ont noté une augmentation du sentiment d'inutilité et de culpabilité sociétale des +  de 85 ans avec une moins bonne acceptation de la dépendance et des pathologies chroniques (en EHPAD ou à domicile) ("On nous fait bien comprendre qu'on coûte cher et qu'il est temps de partir”).
    • Protéger le patient âgé pour éviter les dérives : beaucoup de soignants ont noté une demande croissante de l’euthanasie mais de la part des familles et non des patients, ce qui pose un vrai problème éthique. Il faudrait donc mettre en place un cadre très strict pour protéger le patient âgé.
    • Disparité des profils : Les soignants notent une importante différence entre les jeunes bien portants (discours platonique théorique) et les malades ou les âgés (souhait d’une prise en charge adaptée à leur cas en accord avec eux même)
    • Soutien à l’évolution législative : Une minorité de répondants rapporte des retours positifs, avec des patients exprimant un souhait de voir évoluer la législation pour inclure une aide active à mourir.

 

L’engagement de la SFGG pour un débat éclairé et responsable

Face à ces constats, la SFGG souhaite jouer un rôle actif dans le débat public et législatif. 68,2 % des répondants estiment que la société savante doit s’engager pour trouver un compromis acceptable. En revanche, 22,7 % militent pour une opposition stricte à toute évolution de la loi, tandis que 13,2 % soutiennent son adoption.

 

Au regard des résultats de cette enquête, la SFGG préconise plusieurs pistes d’amélioration pour une prise en charge respectueuse et adaptée :

  • Renforcement de la formation des professionnels sur le cadre législatif existant et ses potentielles évolutions.
  • Mise en place d’une communication accrue avec les patients pour mieux informer et dissiper les malentendus.
  • Soutien aux soignants confrontés à des dilemmes éthiques.
  • Pré-requis obligatoire de soins palliatifs avant toute réflexion sur l’aide active à mourir afin de s’assurer qu’aucune demande ne soit motivée par un manque de prise en charge adaptée.
  • Un cadre strict et précis pour protéger les patients vulnérables et prévenir les dérives potentielles.

La SFGG rappelle que les soignants sont unanimes sur un point : leur mission première est d’accompagner, de soigner et de soulager la souffrance, non de donner la mort. Nous appelons les décideurs publics à une réflexion approfondie et à un cadre déontologique rigoureux pour garantir le respect des patients et des professionnels.

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