Ce 13 décembre, nous avons découvert avec consternation le texte présenté au Président de la République, il y a quelques semaines, « relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie » .
Le contenu indigent de ce document suscite l’inquiétude et la colère des professionnels de santé tant le caractère approximatif des propositions témoigne d’une grave méconnaissance de l’existant, d’une forte ignorance des tâches assumées notamment par les équipes de soins de support, et d’une absence totale d’évaluation des besoins humains et de financement des mesures préconisées.
Notre inquiétude se fonde sur le souci des plus fragiles et des plus vulnérables que nous accompagnons au quotidien. C’est ce que nous apprenons auprès d'eux qui nous incite à prendre la parole pour manifester notre préoccupation.
Sur la méthode d’abord, ces révélations viennent à nouveau illustrer l’inexistence de toute « co-construction », déjà dénoncée par nos mêmes organisations soignantes en juin dernier.
Ce texte est bien la preuve qu’il n’y a jamais eu de réelle concertation entre le ministère et les soignants qui seraient pourtant les premiers impliqués, selon les termes mêmes de ce projet.
En effet, l’ensemble des dispositions vont à rebours des demandes adressées par les soignants :
- Dans ce texte, l’euthanasie et le suicide assisté intègrent directement le continuum de soins, tant par leur inscription dans le Code de la santé publique que par leur intégration aux nomenclatures de la Sécurité Sociale, à rebours de notre engagement qui nous enseigne que « donner la mort n’est pas un soin ». Les rédacteurs vont jusqu’à affirmer qu’il convient de mettre en place un « secourisme à l’envers », terme qui à lui seul dépeint à quel point les rédacteurs de ces mesures sont « hors sol » et méprisent l’opinion des professionnels de santé.
- Dans ce contexte, le changement de vocabulaire initié dans le cadre de la « stratégie décennale » et visant à remplacer les soins palliatifs (la prise en charge de la douleur et les soins oncologiques de support) par les « soins d’accompagnement » prend une dimension inquiétante. Est-ce le moyen d’insérer l’euthanasie et le suicide assisté dans le panel des soins ?
- Ce projet ouvre la possibilité d’avoir recours à l’euthanasie pratiquée par un tiers (qui peut être un « proche »), selon un schéma qui se rapproche des modèles étrangers les plus permissifs. Il est d’ailleurs clairement indiqué que ce document introduit dans le droit cette notion sans la « nommer ». N’est-ce pas une façon cynique d’avancer masqué ? Qu’en sera-til des personnes vulnérables notamment âgées, qui déjà si souvent craignent d’être un poids pour leur entourage ?
- Dans la procédure d’accès à la mort provoquée dessinée dans ce texte, il n’y a ni contrôle a priori, ni prise de décision collective. Le médecin se retrouve seul et tout-puissant, ce qui constitue un grave retour en arrière par rapport à la loi de 2005 et va à l’encontre d’années d’évolutions en faveur du développement d’équipes de soins.
- Les infirmiers sont impliqués de manière très forte dans la procédure, à rebours d’une volonté exprimée, à plusieurs reprises, de voir respecté le sens de leur mission.
Sur la base de ce texte, le gouvernement doit être conscient qu’il n’y aura aucun accord avec les soignants. Quant aux capacités palliatives futures de notre pays, ce n’est pas en baptisant "stratégie" ce qui était auparavant appelé "plan", en étendant la durée des propositions de 5 à 10 ans et en baptisant soins d’accompagnement ce qui aujourd’hui s’appellent soins de support et soins palliatifs que se fait une politique volontariste.
Nous répétons ce que nous disons depuis des mois : l’urgence est de se concentrer sur le développement des soins palliatifs, la prise en charge de la douleur et les soins oncologiques de support, demandes qui font consensus et qui appellent des moyens financiers. 400 personnes meurent chaque jour sans bénéficier d’une prise en charge appropriée. L’accompagnement de la fin de vie ne saurait être pris en otage par un projet politique qui suscite de la défiance et qui accentuera les divisions dont notre pays souffre déjà tant.
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