La Société Française de Gériatrie et Gérontologie (SFGG) a ressenti une profonde tristesse à la disparition de l’une des personnalités les plus marquantes de la discipline. Robert Moulias n’est plus, après une vie professionnelle exemplaire qui suscite l’admiration. À la fois bâtisseur de la discipline, mais aussi grand témoin des évolutions marquantes de ces dernières années, il a su contribuer comme acteur aux avancées médicales et sociétales nécessaires en faveur des personnes âgées.

Chef d’école et visionnaire, il a marqué de son empreinte la gériatrie et la gérontologie. 

Professeur des universités, il a dirigé le laboratoire d’immunologie de la faculté de médecine Pitié Salpêtrière. Chef de service de gériatrie à l’hôpital universitaire Charles fois Ivry-sur-Seine à APHP, il y a conçu un bâtiment avant-gardiste, l’Orbe, où il a exercé. 

Il a été le président de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie de 1990 à 1991.

Son implication européenne est marquée par son rôle dans l’association internationale de gériatrie et gérontologie IAGG qu’il a présidée et comme membre fondateur de l’European Geriatric Medecine Society (EUGMS).

Mais cette liste non exhaustive prend tout son sens lorsque l’on reconnaît chez ce médecin son esprit scientifique rigoureux, sa curiosité intellectuelle toujours en éveil jusqu’à la fin de sa vie et les valeurs qui l’ont toujours animées. Tour à tour clinicien, immunologiste, enseignant, chercheur, il a su faire preuve d’un exercice réussi de pluridisciplinarité, toujours recherché mais rarement atteint. 

Ne pourrait-on pas le qualifier de « défenseur des droits », tant il a milité pour défendre les droits des personnes âgées, lutter contre les discriminations liées à l’âge, mais aussi contre la maltraitance. Il a su sortir de l’ombre ces sujets sensibles, les traiter avec objectivité et ardeur, en réunissant autour de lui des collègues avec lesquels il engageait le combat. Tout naturellement il a été ainsi le président de la commission droits et libertés de la personne âgée, pendant 28 ans, à la Fondation nationale de gérontologie, le co-fondateur d’ALMA et le conseiller scientifique de la Fédération internationale des associations de personnes âgées (FIAPA).

Il y a quelques mois, cet humaniste a pris sa plume pour rédiger, avec certains de ses collègues, un « manifeste pour le droit des personnes âgées » qui sera publié dans les semaines à venir. Cette ultime publication viendra s’ajouter à ses nombreux articles et ouvrages pour clore ainsi sa contribution rédactionnelle.  Ce manifeste doit être considéré comme un héritage précieux ainsi légué à la communauté gériatrique, aux plus anciens comme aux plus jeunes - qu’il en soit remercié.

Nombreux sont les collègues qui ont travaillé avec lui et qui se sont manifestés pour lui rendre hommage.
Voici quelques témoignages. 

La SFGG présente ses sincères condoléances à son épouse Monique et à sa fille Sophie.

Pr Olivier Guérin
Président de la SFGG

 

Monique Ferry :
Robert Moulias était un "grand homme" au sens propre du terme...
Chacun sait qu’il avait oeuvré‎ à Ivry avant d’être à la Salpétriere où il a été un chef d’école.
Il avait créé et il présidait la Commission Droit et Libertés des personnes âgées qui donnait le "droit de circuler et de s’exprimer" malgré l’avance en âge... j’ai le plaisir d’appartenir à cette commission...
‎Il était une source de réflexion permanente, mais aussi une force de proposition.
‎Car si j ai les bons mots il savait les aménager pour ne blesser personne ! C’est par exemple ce qui a eu lieu lors de la dernière séance en amphi d'OLD UP, dont il était le co-président, et qu’il a su corriger pour le rendre lisible !
C’est une grande perte pour ceux qui l’estimaient et étaient d’accord ‎avec lui pour ne pas créer de Droits Spécifiques pour les personnes âgées, mais plutôt lever les entraves apportées à l’avance en âge ...Il accompagnait toujours ses réflexions d’une dimension éthique de la vieillesse. Il faisait d’ailleurs partie de l’espace éthique.
Et comme "Vieux" moi-même je ne peux que le remercier de tout ce qu'il a pu apporter... Il avait d’ailleurs la Médaille du Mérite...

 

Anne-Sophie Briand :
C'est une profonde tristesse de perdre un homme qui a tant travaillé pour la gérontologie, la géronto-psychiatrie et les soins infirmiers.... en 2009 !  La réflexion éthique en 2005.... Souvenez-vous...
Merci Monsieur !

 

François Blanchard :
Robert Moulias homme de valeur et homme d’action, haute figure de la gériatrie française vient de nous quitter…
Un souvenir personnel : jeune chef de clinique à REIMS où la gériatrie n’existait pas, je décidais de m’orienter vers cette discipline et cherchais quelle voie prendre… Robert Moulias m’a reçu avec beaucoup de gentillesse dans un petit bureau à la Pitié-Salpêtrière. Et il m’a donné des conseils avec beaucoup de chaleur sur les formations (fort peu nombreuses à l’époque) et m’a indiqué les chemins à emprunter pour devenir gériatre. Il a ainsi concouru à ma vocation de gériatre.
J’ai revu Robert Moulias quelques années plus tard, lorsqu’il m’a invité à participer aux travaux de la commission de la Fondation Nationale de Gérontologie : Droits et Libertés des Personnes Âgées. J’ai alors découvert qu’au-delà d’un premier abord réservé, Robert était un homme chaleureux, engagé au service de ce ses valeurs et de ses idées. 
Avec constance et sens de la justice, il combattait pour le respect des personnes âgées : leur droit et leur liberté : « on ne choisit pas à leur place ».
Il a toujours été très vigilant pour dénoncer les diverses formes d’âgisme dans notre société qu’il pointait à travers de nombreux exemples.
Animateur de sa commission Droits et Libertés … il a affirmé à travers plusieurs travaux le respect que l’on doit aux aînés. On peut dire aujourd’hui, qu’il y a toujours quelque part une présence de Robert dans chaque EHPAD et chaque Institution où est affichée la Charte des Droits des personnes âgées !
Robert savait mobiliser les énergies et réunir les personnes pour s’engager à ses côtés. Ainsi avons-nous très bien collaboré au sein du groupe réunissant la Commission Droits et Libertés et l’Association Francophone des Droits de l’Homme Âgé, que je présidais à la suite de Louis Ploton. Robert avait l’art de conjuguer plutôt que d’opposer !
Je n’oublie pas non plus son action lorsqu’il a accepté de prendre la Présidence d’Alma : autant de moments d’échanges autour de la Prévention de la Maltraitance sur les personnes âgées.
Homme de culture, de réflexion, d’action et d’engagements jusqu’à son dernier souffle, souhaitons que son exemple inspire les jeunes générations de gériatres. Quant à moi, il est sûr que son souvenir restera toujours présent dans mon cœur.

 

Michel Billé :
Par mon ami François Blanchard, j’ai appris hier le décès du Professeur Moulias. Je ne sais comment transmettre à ses proches les condoléances que je voudrais leur adresser. Pourtant, en mon nom personnel et en tant que Président de l’UNIORPA (Union Nationale des Instances et Offices de Retraités et Personnes Agées) je voudrais exprimer ma tristesse. Son engagement sans faille pour la reconnaissance des droits des droits des plus âgés de nos concitoyens constitue un exemple pour nous tous. Nous tous qui vieillissons avons alors à lui adresser notre reconnaissance. 

 

Bernard Hervy :
Robert Moulias était bien sûr un des pères de la gériatrie moderne, mais aussi de la gérontologie. Sa présidence à la tête de la SFGG a été marquée par les premières ouvertures vers les acteurs autres que médecins et sa volonté de promouvoir la coopération interprofessionnelle pour mieux considérer les anciens en tant que personnes et citoyens.
Nos coopérations sur les actions « Mosaïques de vie » dans les années 90, puis sur des opérations pilotes de Répit, en voyage d’étude à Hanoï, et avec Alma et le conseil scientifique du 3977 (encore fin 2020) étaient riches, détendues, constructives. Il reste pour nous un homme ouvert, soucieux du respect des personnes âgées, soucieux des coopérations, et un militant convaincu de la lutte contre la maltraitance, critique des solutions « molles » comme la bientraitance ou centrées vers les institutions et non vers les personnes.
Au revoir Bob (ainsi que les psycho-sociaux l’appelaient avec affection), et merci pour toutes les tâches accomplies !


Marie-Pierre Hervy :
Jeune médecin, cherchant sa voie, à l’hôpital Charles Foix j’ai rencontré les quatre mousquetaires de la gériatrie parisienne : les Pr. Paul Berthaux, Jean-Pierre Bouchon, Françoise Forette et le Pr Robert Moulias. Ils m’ont tous appris le métier que j’allais exercer toute ma vie professionnelle. Par son ouverture sur toutes les autres approches de la gérontologie, Robert Moulias a été le premier à parler et écrire sur l’éthique, qui ne s’appelait pas ainsi :  lui parlait d’écoute, de respect, de compétence et conscience professionnelle, de questionnements réitérés, afin de lutter contre toutes les formes de maltraitance.
Ses écrits nombreux continueront d’accompagner les professionnels de la gériatrie et de la gérontologie et apporteront des éléments de réponse et de réflexions aux questions si nombreuses qui se posent encore….


Alain Franco :
Robert,
Ton départ ce soir est brutal. Il est terrible pour les tiens. Il nous affecte beaucoup, nous, les gériatres et gérontologues, nous les soignants. Tu n’as cessé de nous montrer le chemin vers le bien pour le malade, le malade âgé, le malade dépendant. Derrière ton calme apparent, ton sourire et ta voix douce il y avait une force de conviction, un parti pris pour le malade, l’absence de compromis, la volonté de nager parfois à contre-courant afin que la personne bénéficie de la guérison, de la compensation, du respect de la dignité et des droits humains. En portant de longues années la Société Française de Gérontologie, devenue depuis SFGG, en créant la société européenne de gériatrie, l’EUGMS, tu nous as montré l’exemple de la gériatrie moderne. Elle doit allier la science médicale que tes recherches en immunologie ont élevée à un haut niveau, et l’humanité du médecin qui nous révèle que chaque personne est unique de sa naissance à sa mort. Il t’a fallu du courage pour prendre la défense des fragiles, des dépendants, des bed-blockers, des maltraités, des mal aimés, de ceux que la société encore bien imparfaite et âgiste, rejette de chez eux, rejette de nos hôpitaux, parfois même des Ehpads. Tu n’as cessé de marteler face aux autorités que la personne âgée dépendante est d’abord une personne, qu’ensuite elle est en situation de handicap, et que ce handicap est souvent la conséquence d’une maladie non ou mal soignée. Tu as voulu jusqu’au bout en travaillant sans cesse, courageusement, rendre avec conviction l’humanité aux déshumanisés. Par ta présence soutenue au sein de la Fondation de Gérontologie, tu as porté avec Geneviève Laroque la magnifique Charte des droits et des libertés des personnes âgées dépendantes. Cela mérite au moins une statue. Celle que nous construirons pour toujours de toi dans nos têtes et dans nos cœurs.

 

Gilles Berrut :
Le professeur Robert Moulias est un des fondateurs de la gériatrie en France. Par son engagement et sa détermination, il a su hisser cette spécialité au rang des disciplines médicales universitaires reconnues. Homme d’intelligence et de savoir, son esprit aiguisé percevait dans toutes les situations la façon de proposer une solution sans que les uns se pensent vainqueurs ni les autres se sentent vaincus. Il a mis au service des personnes âgées, même les plus fragiles, toute son énergie, toute sa vitalité infatigable, sa soif de découvrir et de comprendre et son acuité à appréhender les différents aspects d’un problème ou d’une situation. Homme de compassion et d’humanité, il s’est battu pour que la maltraitance des personnes âgées ne reste pas confinée au silence, mais que la justice et le droit puissent s’exprimer en faveur des victimes. Nous avons été impressionnés par la vivacité intellectuelle avec laquelle il a conduit la rédaction du manifeste contre l’âgisme au cours de ces dernières semaines. Il restera un des maîtres de la médecine gériatrique.

 

Françoise Forette : 
J’ai connu Robert Moulias, au début de sa carrière ; nous étions tous deux élèves de Paul  Berthaux  et jeunes assistants de fac en Pathologie Expérimentale. Robert était déjà un immunologiste convaincu. Nous avons « paillassé» ensemble plusieurs années.
Paul Berthaux lui transmit, comme à nous tous, le virus de la gériatrie et, devenu PUPH, il prit la direction à Charles-Foix d’un service rénové appelé l’Orbe. Sa haute compétence, sa gentillesse et son humour y firent merveille jusqu’à sa retraite qu’il prit avec beaucoup de regrets comme beaucoup de médecins passionnés par leur métier. Cela ne l’empêcha pas de continuer à œuvrer jusqu’à son dernier jour pour défendre « les droits et liberté des personnes âgées".

 

Florence Leduc :
C’était en 2001, j’étais jeune directrice de l’association Ages et vie, à Vitry, dans le Val de Marne.
À juste 26 ans, je suis allée à la rencontre du Professeur Moulias à Ivry pour envisager les modalités d’une coopération ville Hôpital ; c’est un bureau rempli de livres et de dossiers qui m’attendait, juste de quoi impressionner mes 26 ans !
C’était le début d’une belle coopération ! la création d’une équipe mobile de nuit, permettant aux personnes âgées d’éviter de fréquenter les urgences,
C’est parcourir l’Europe pour savoir comment se pensait la prise en charge des personnes touchées par la maladie d’Alzheimer et la lutte contre la maltraitance etc.
C’est le Vietnam avec une coopération toute nouvelle !
Nous vous devons de continuer votre travail, immense, pour lutter contre la maltraitance. Vous nous manquez déjà !

 

Claude Jeandel :

J’ai eu la chance de rencontrer Robert MOULIAS en 1988 alors que je m’orientais vers la discipline de gériatrie. Homme de convictions et grand visionnaire, il m’a très rapidement convaincu au cours de nos échanges des nombreux enjeux justifiant le développement de la gériatrie et de la gérontologie.
Je l’ai ensuite plus particulièrement cotoyé quand il assurait le secrétariat général de la Société Française de Gérontologie devenue la SFGG puis au sein du Collège National des Enseignants de Gériatrie (CNEG). Nous nous rencontrions dans son service d’immunologie à la Pitié Salpétrière et échangions sur les enjeux et modalités de la formation. J’ai le souvenir de ses interventions toujours très bien argumentées qui ont présidé à la reconnaissance officielle de la spécialité de gériatrie quelques années plus tard.
Il était un de ces enseignants-chercheurs ayant su conjuguer une expertise à la fois dans le champ des sciences biologiques et des sciences cliniques et sans doute un des tous premiers spécialistes en biologie du vieillissement.
Plus encore, grand humaniste, il s’est ensuite engagé activement pour défendre les Droits et Libertés des Personnes Agées, et pour lutter contre la maltraitance et contre l’âgisme.
Je garde également d'excellents souvenirs de nos échanges conviviaux et amicaux dans le cadre du club franco-britannique dont il était un des membres assidus avant qu’il ne joue un rôle important dans l’association internationale de gériatrie et gérontologie IAGG qu’il a présidée et comme membre fondateur de l’European Geriatric Medecine Society (EGMS).
Robert a été un des grands fondateurs de la gériatrie française et a su transmettre ses convictions à de nombreuses générations d’élèves.
Nous avions encore échangé il y a quelques mois au sujet de l'ouvrage sur l'histoire des écoles de gériatrie que je tente de mener à bien et auquel il aura très gentiment participé. Je l’en remercie.
Je garderai en mémoire l’image d’un Homme de culture, d’écoute, d’engagement et de grande courtoisie.
Je présente mes plus sincères condoléances et mes profondes pensées à Sophie et à sa famille.