Le 3977 est le numéro d'urgence mis en place par les pouvoirs publics pour signaler une maltraitance à l'encontre d'une personne adulte vulnérable, âgée ou handicapée. Sur les 82 000 appels reçus 2022 (contre 38 000 en 2021), 82% des victimes de maltraitance ont 60 ans et plus.

L’occasion pour la SFGG, par la voix du Dr Sophie Moulias, gériatre et spécialiste des questions éthiques, de rappeler, en cette Journée mondiale de sensibilisation à la maltraitance des personnes âgées, qu’une personne âgée de plus de 60 ans et a fortiori de plus de 80 ans est souvent victime de discrimination dans notre société, voire de maltraitance psychologique, physique ou financière.

 

Une vision toujours hyper négative de la vieillesse

Ces chiffres sont probablement encore en deçà de la réalité. Il nous faut l’admettre, notre société est maltraitante avec ses citoyens les plus âgés. Une maltraitance qui peut avoir lieu au sein de la famille, mais également au sein des institutions et même plus largement au niveau de la société, qui nourrit au quotidien des préjugés dévalorisant les personnes âgées.
Ainsi, considérer toutes les personnes âgées, sans distinction, comme des personnes fragiles et dépendantes, au seul titre de leur âge, penser qu’elles sont moins utiles que d’autres à la société car elles sont à la retraite, les exclure de l’accès aux soins et de l’accès aux droits etc est injuste, réducteur, stigmatisant et préjudiciable pour les personnes âgées. Le raccourci sociétal veut en effet que lorsqu’on parle du grand âge, on n’envisage que des personnes extrêmement dépendantes qui, en réalité, ne représentent que moins de 5% de la population des plus de 80 ans.
Cet âgisme, la discrimination sur l'âge, est aujourd'hui flambant. Il a toujours existé, mais il est totalement décomplexé depuis l’épidémie de COVID-19. Il est urgent de rappeler que les personnes âgées ont les mêmes droits fondamentaux que les autres individus.

Plus encore, la Société Française de Gériatrie et Gérontologie (SFGG) constate, avec inquiétude, que “la société prend volontiers une posture dominante vis-à-vis des plus âgés au nom de leur supposée vulnérabilité, en leur imposant ce qui lui semble le mieux pour eux”. Cela pose un vrai problème éthique.

 

Légiférer la fin de vie : “on ne peut pas limiter le soin au curatif”

Alors que les politiques cherchent à légiférer sur l’aide active à mourir, la SFGG souhaite faire une mise au point sur le rôle des soignants, et notamment en gériatrie :

“Nous sommes une spécialité d'accompagnement, la mort fait partie de nos métiers aussi bien que la vie. Mais pour vivre, il faut accepter de vieillir et aujourd'hui, ce qui devrait être un succès pour notre société, notre longévité hors norme par rapport à la majorité des pays du globe, semble être une problématique. La population âgée, et par rebond notre spécialité, souffre beaucoup de cette vision négative.”

Le sens de notre métier est bien celui d’aider les personnes âgées à vivre avec la meilleure santé possible et avec la qualité de vie la plus optimale (en évitant la dépendance) grâce au suivi et au traitement de leurs maladies chroniques.
Légiférer sur la fin de vie, c’est prendre le risque de dérives observées dans les pays qui ont sauté le pas (notamment en Belgique et aux Pays-Bas). C’est courir le risque de trouver plus facile d’écourter une vie, jugée sans avenir et sans joie, mais surtout envisagée en souffrance et sans soins, que d’appliquer les recommandations de toutes les lois de santé du 21e siècle, visant à développer les soins et particulièrement les soins palliatifs. Sans compter que la majorité des personnes âgées meurt tranquillement dans son lit sans avoir besoin de soins palliatifs !’.

Par ailleurs, envisager les soins de fin de vie comme uniquement du curatif et de la technique, c’est oublier le côté humain de nos métiers, le fait de pouvoir accompagner, d’être présent, d’être disponible pour les âgés.

L’humanité n’est pas envisagée dans la réflexion du soin et c’est un tort. Vouloir mettre en place aide active à mourir ne palliera pas cette présence humaine.

 

Pour éviter la maltraitance , il faut réapprendre à vivre ensemble au lieu de vouloir donner la mort

Le grand âge fait partie de la vie. Ce n'est pas une maladie d'avoir un grand âge même si, à un âge très avancé on meurt toujours de maladie (les centenaires ont plusieurs maladies chroniques). Le problème réside dans la vision utilitariste et la temporalité que nous accordons à la souffrance et à la mort, en choisissant de l’écourter le plus possible. Or le temps de la mort est un temps de la vie, au même titre qu’une autre étape de la vie. Tout le monde sait qu’il va mourir un jour, mais ce temps du mourir c’est un temps qu’il faut se réapproprier au niveau humain.

Dans une époque désacralisée et dé-spiritualisée, l’une des solutions que nous souhaitons, en ce jour, mettre en avant est de “réapprendre le vivre ensemble, la solidarité, la fraternité et de redonner un sens à la valeur de la vie. Toutes les étapes de la vie se valent, de la naissance à la mort - et même dans une situation de grande dépendance où des signes de vitalité existent encore.”

Il faudrait accepter, collectivement, que la seule façon de vivre longtemps est de vieillir et qu’il ne faut pas projeter sa propre souffrance sur l’état des plus âgés.

 

 

Allez plus loin :
- Consultez le site 3977
- Lire le communiqué de presse "Fin de vie : le Dr Sophie Moulias, auditionnée au Sénat"
- Lire la tribune SFGG "Nous sommes tous le vieux de quelqu'un"
- Lire le Manifeste pour le droit des personnes âgées