L'Aide médicale de l'État (AME) est un dispositif d’aide sociale permettant aux étrangers en situation irrégulière résidant sur le territoire français depuis plus de 3 mois (dès le 1er jour pour les enfants) et sous condition de ressources, de bénéficier d'une prise en charge de leurs soins en médecine de ville et à l’hôpital dans la limite des tarifs de la sécurité sociale et avec un panier de soins réduit. Ce dispositif doit être renouvelé tous les ans et concernait, en 2022, 415 000 bénéficiaires pour un budget estimé à environ un milliard d’euros soit moins de 0,5% des dépenses totales de santé.
Malgré la mobilisation de la communauté médicale et scientifique au printemps dernier et de nouveau ces dernières semaines, un amendement proposant la suppression de l’AME, auprofit d’une « aide médicale d’urgence » au périmètre restreint excluant les soins primaires, a été voté au Sénat le 7 novembre 2023 à l’occasion de l’examen du projet de loi immigration. S’il était adopté à l’Assemblée nationale en décembre prochain, il limiterait et retarderait de façon majeure l’accès aux soins de cette population déjà particulièrement vulnérable conduisant à une augmentation du recours aux soins hospitaliers urgents, plus complexes et
plus coûteux.
Cet amendement est un non-sens sur le plan de la santé publique, mais aussi économique, n’est ni plus ni moins qu’une atteinte grave aux principes des droits humains garantissant undroit à la santé et aux soins pour toutes et tous sur le territoire français et européen.
L’immigration est un phénomène observé mondialement. Les motifs de départ sont le plus souvent en lien avec les études, d’ordre économique, familial ou liés à l’insécurité(Institut National d'Etudes Démographiques)
(lien) Àl’heure actuelle, les travaux épidémiologiques, sociologiques et démographiques battent en brèche l’idée d’un « appel d’air » basé sur le modèle de protection sociale français et sur l’existence de l’AME. Ils viennent conforter l’idée que la migration pour raison de santé est marginale parmi les motifs de départ des pays d’origine. De plus, le système de protection sociale étant en réalité méconnu des étrangers en situation irrégulière et le parcours administratif étant complexe, on estime que près de la moitié des étrangers éligibles à l’AME n’y ont pas recours y compris parmi ceux atteints de maladies chroniques. La restriction del’AME n’aurait donc aucun effet sur les flux migratoires. (lien)
En supprimant l’AME et en limitant l’accès aux soins des sans-papiers, le législateur accentuerait par contre le renoncement aux soins d’une population déjà précaire, augmentant les retards au diagnostic et aux traitements. Ces retards entraîneront des recours aux soins tardifs avec des pathologies à un stade avancé, faisant alors peser les coûts sur le système hospitalier public déjà largement fragilisé. En effet, cela se traduira par une sollicitation accrue des permanences d’accès aux soins de santé (PASS) et des services d’urgences, ainsi quepar davantage d’hospitalisations dont la complexité et la durée impliquent de facto des coûts plus élevés. De plus les sorties d’hospitalisation en soins de suites et de réadaptation, déjà difficiles chez ces populations en situation de précarité, seront rendues impossibles, une couverture maladie étant indispensable avant tout transfert. Ce phénomène ne fera qu’accentuer la congestion déjà majeure de l’hôpital public. L’analyse de la période de restriction de l’accès à la protection sociale décidée en Espagne en 2012 pour les étrangers en situation irrégulière a conclu à une augmentation de l’incidence de certaines maladies (y compris transmissibles) ainsi qu’à une augmentation du taux de mortalité dans cette population, conduisant le gouvernement espagnol à reculer et à rétablir cet accès aux soins. Ainsi, loin de limiter les dépenses, la suppression de l’AME ferait porter sur le système hospitalier public le poids de décisions politiques éloignées de la réalité et en contradiction avec les principes de santé publique, sans compter les surcoûts que cela entrainera comme cela a été démontré ailleurs.
Nous, sociétés savantes, collèges, fédérations, syndicats et associations médicales appelons solennellement les députés de l’Assemblée nationale et le gouvernement à ne pas supprimer l’Aide médicale d’état, à s’opposer fermement à toutes restrictions de son périmètre, et à revenir sur les limitations qui lui ont été adjointes depuis sa création (délais de carence et plafond de ressource en particulier). Il est également indispensable de garantir un accès effectif à ceux qui en relève et de lutter efficacement contre les refus de soins dont cesbénéficiaires font l’objet. Ces conditions sont nécessaires au maintien d’un accès aux soins effectif pour cette population vulnérable et sont en cohérence avec les recommandations nationales et internationales.
Signataires du communiqué de presse :
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