Le Pr Bruno Vellas est chef du service de gériatrie du CHU de Toulouse, responsable du Gérontopôle, spécialiste de la maladie d’Alzheimer.

 

L'Agence européenne des médicaments (EMA) a approuvé, hier, pour certains patients un traitement très attendu destiné à réduire le déclin cognitif des personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer. Le traitement, commercialisé sous le nom de Leqembi, est désormais recommandé pour des patients n'ayant pas encore atteint un stade avancé de la maladie. Quelle est votre réaction ?

C’est une bonne nouvelle et cela va permettre à l’Europe et la France de ne pas décrocher en ce qui concerne l'innovation thérapeutique face à une terrible maladie. Cela va permettre également aux équipes européennes d’avoir le même niveau de technologie (médicament mais aussi imagerie et biomarqueurs) qu'en Amérique du nord et en Asie, et bien sûr d’aider à ralentir la progression de la maladie.

 

L'EMA s'était prononcée contre la mise sur le marché du Leqembi dans l'UE, estimant que l'effet observé du traitement ne contrebalançait pas le risque d'effets secondaires graves, dont des saignements potentiels dans le cerveau (il déjà autorisé aux Etats-Unis, en Chine et au Japon). Votre sentiment ?

À ce jour, + de 20 000 patients sont déjà traités, en dehors des essais thérapeutiques, et nous avons appris que cela se passe bien dans les autres pays. Les effets secondaires sévères sont peu nombreux et peuvent être anticipés, surtout en ne proposant pas le traitement aux sujets les plus à risque comme le suggère l'Agence Européenne.

 

Vous êtes l'un des auteurs de l'essai clinique Clarity 3-D sur le Lecanemab qui confirmait déjà, il y a 2 ans, l’efficacité de cet anticorps expérimental. Vous parliez d' "un véritable tournant dans la recherche thérapeutique de la maladie d’Alzheimer". Qu'est-ce qui va changer concrètement chez les patients français ?

Oui, ces résultats confirment la piste amyloïde : quand on diminue la charge amyloïde dans le cerveau, on ralentit de 30% la progression de la maladie. Nous avons des essais en cours dans des formes encore plus précoces en empêchant cette protéine amyloïde de s'accumuler dans le cerveau et éviter ainsi la maladie. Par ailleurs, d’autres anticorps monoclonaux sous forme sous cutanés, ou ciblant les oligomères, sont en cours d’étude, de même que des formes orales. Nous entrons vraiment dans une nouvelle ère contre la maladie d’Alzheimer avec également les marqueurs plasmatiques qui vont changer le diagnostic et la prise en charge des malades ainsi que son coût.

 

Allez plus loin :
- Lire l'interview "Traitement anti-Alzheimer Lecanemab : 3 questions au Pr Bruno Vellas, co-auteur de l’étude"
- Consultez les autres interviews de la SFGG