L’arrivée au service des urgences représente une rupture totale avec le cadre de vie et les habitudes, plus encore pour une personne présentant des troubles cognitifs. L’irruption dans un monde inconnu sous tension est source d’inquiétude, d’angoisse, d’agitation… tant les repères sont brutalement bouleversés.

Si les équipes hospitalières répondent parfaitement aux besoins médicaux, elles ne maîtrisent pas toujours la culture « gériatrique » et celle de la maladie d’Alzheimer en particulier qui permettent d’adapter des mesures pour atténuer les effets délétères de la rupture ou la majoration des troubles cognitifs.

Face à ce constat émanant de nombreuses observations et études en milieu hospitalier, la Fondation Médéric Alzheimer publie le 3e guide de sa Collection Repères : « Améliorer l’accueil aux urgences des personnes âgées ayant des troubles cognitifs ».

Réalisé en partenariat avec la Fédération Hospitalière de France, France Alzheimer, la Société Française de Gériatrie et Gérontologie, la Société Française de Médecine d’Urgence et l’Union Nationale des Associations Familiales, il est destiné aux gestionnaires et professionnels de terrain afin d’améliorer l’accueil et l’accompagnement des personnes avec troubles cognitifs et de leurs aidants.

 

Prise en charge des personnes malades d’Alzheimer : un enjeu au cœur de services d’urgences sur-sollicités

Plus de 14 millions de personnes de plus de 15 ans se rendent aux urgences chaque année, soit près de 20% de la population. En 2017, les services d’urgence des établissements de santé ont accueilli 21,2 millions de passages, avec une durée médiane de passage aux urgences de 4h30 pour les patients de plus de 75 ans contre 2h20 pour les 15-74 ans

Du fait du vieillissement de la population et de la présence chez les personnes âgées de troubles cognitifs, leur prise en charge à l’hôpital et notamment aux urgences est un sujet complexe pour la personne malade et son entourage mais également pour les équipes soignantes

Allongement du temps de passage, mobilisation difficile du patient, absence d’information sur la prise en charge en ville ou en institution (traitement médicamenteux, examens réalisés, comorbidités), charge de travail lourde, examens complémentaires nombreux sont autant d’enjeux qui mettent à mal la fluidité des urgences et leur bon fonctionnement, l’efficacité et la qualité des soins.

« L’amélioration de l’accueil aux urgences des personnes âgées ayant des troubles cognitifs représente une nécessité. Il est temps de passer à l’action ! », déclare Hélène Jacquemont, Présidente de la Fondation Médéric Alzheimer. « Le vécu des équipes confrontées à de telles situations conforte cet objectif et plusieurs services d’urgences des hôpitaux se sont déjà engagés dans cette voie. Fruit d’une réflexion partagée, ce nouveau guide a pour but d’apporter des conseils simples et pratiques aux personnels des urgences souhaitant mettre en place des processus, des approches et/ou des outils facilitant la prise en charge des personnes âgées atteintes de troubles cognitifs », poursuit-elle.

Les mesures favorables à une amélioration de ces conditions d’accueil passent par 5 piliers essentiels, présentés de façon concrète et illustrés de témoignages et initiatives adaptables et reproductibles selon les spécificités de chaque établissement :

  • Repérer les personnes âgées ayant des troubles cognitifs
  • Reconnaître la place et le rôle des aidants
  • Former et sensibiliser les professionnels hospitaliers à la culture gériatrique et à la maladie d’Alzheimer
  • Adapter l’espace
  • Tendre vers une approche globale

Repérage et fluidité pour optimiser la prise en charge des personnes avec troubles cognitifs

Les personnes vivant avec la maladie d’Alzheimer présentent habituellement un tableau complexe en raison du motif d’admission (chute, iatrogénie médicamenteuse, dénutrition, infection …) mais également du fait d’autres pathologies associées auxquelles peuvent s’ajouter des problèmes d’ordre social, médico-social, juridique, familial, économique… Il est donc important d’identifier rapidement ces personnes âgées présentant une grande fragilité afin d’adapter la prise en soins.

Le repérage des troubles cognitifs ou comportementaux n’est pas simple. Il ne s’agit pas de poser un diagnostic précis mais a minima de pouvoir repérer un état confusionnel et d’alerter sur la présence de troubles cognitifs.

La prise en charge est ensuite à adapter avec pour objectifs rapidité pour le patient et fluidité pour les équipes. Pour celles-ci, il peut s’agir par exemple de recentrer l’urgentiste sur son cœur de métier en transférant le patient au bon professionnel au bon moment.

Quant à l’adaptation, elle relève d’une réflexion à mener en équipe pour éviter des pratiques courantes mais inappropriées.

L’aidant aux urgences : un interlocuteur ressource à la parole trop souvent négligée

Troubles du comportement, désorientation, panique, incompréhension, refus ou opposition peuvent rapidement rendre la situation invivable pour la personne malade en situation de stress aux urgences, mais également pour son accompagnant et les professionnels. Les troubles cognitifs représentent une difficulté supplémentaire à la délivrance de soins adaptés dans le contexte d’une activité d’urgences sous tension.

L’accompagnant ou le proche aidant devient alors l’interlocuteur ressource pouvant faire lien. Il est souvent le plus à même de fournir les informations utiles, d’anticiper les réactions et de comprendre la conduite du malade dans le contexte perturbant de l’hôpital. Le dialogue entre les différents intervenants (relation malade-soignant-aidant) est crucial pour une prise en charge efficiente.

 

 

 

Communiquer, anticiper, adapter : les enjeux de la formation et de la sensibilisation à la culture gériatrique

La culture gériatrique des équipes aux urgences représente un véritable enjeu. Si la formation et les pratiques des professionnels s’adaptent peu à peu, il est important d’organiser des formations spécifiques concernant l’accompagnement et la prise en soins des personnes atteintes de troubles cognitifs. Quelle conduite à tenir devant une confusion, une apathie, une dépression, des troubles du comportement ou encore devant une attitude agressive du patient voire de son entourage ?

 

Une formation aux troubles cognitifs permet : 

  • d’éviter les situations d’agressivité et d’incompréhension en anticipant les situations et en s’adaptant aux troubles de comportement ;
  • d’éviter les temps d’attente trop longs engendrant des situations complexes et délétères, en prenant des décisions rapides grâce à une bonne connaissance des enjeux et des interlocuteurs adaptés ;
  • un plus fort respect de la personne dans sa singularité, sa dignité et ses droits ;
  • un repérage des situations d’abus et de maltraitance
  • d’apporter au professionnel « un savoir-être » adapté au contexte.

 

Adapter l’espace et tendre vers une approche globale

L’accueil physique de la personne malade et de son aidant passe aussi par la mise en place d’une nouvelle organisation et conception des lieux, génératrices de moins de stress pour l’ensemble des acteurs impliqués. L’univers visuel et lumineux (signalétique, pictogrammes, éclairage…), olfactif et sonore (espaces cloisonnés) sont des leviers majeurs pour favoriser une prise en charge sereine.

Dans la logique des dementia friendly communities, les établissements hospitaliers peuvent tout à fait devenir des dementia friendly hospitals comme c’est déjà le cas dans certains pays anglo-saxons et aborder les enjeux sous différents angles. L’évolution des missions des services d’urgence et l’évolution des populations admises sont à mettre en lien avec la recherche d’une approche globale et d’une philosophie gériatrique complète, et d’ouverture sur la ville et la cité.