Le Professeur Fati Nourhashemi a été élue le 14 décembre 2021 Présidente de la Commission Médicale du CHU de Toulouse. Un beau succès personnel pour Fati Nourhashemi, spécialisée en rhumatologie et en gériatrie, Professeure des Universités en gériatrie depuis 2004 mais également pour notre discipline, la gériatrie.
Car si les gériatres (Isabelle Bereder aux CHU de Nice, Karine Kadri au CHU de Rouen et Nathalie Salles au CHU de Bordeaux) occupent les places de vices-présidents de leur CME, c’est en effet la première fois, que la présidence de la CME d’un CHU est portée par notre discipline. Cela est peut-être un signe que l’attention portée à la prise en soin du patient âgé est de plus en plus significative dans notre système de santé. Entretien avec le Pr Fati Nourhashemi.
Pourquoi vous êtes-vous présentée à la Présidence de la CME du CHU de Toulouse ?
« Cela fait plus de 10 ans que je m’investis sur le plan institutionnel dans les orientations transversales de mon hôpital (la Commission des effectifs, la Commission des organisations de permanence des soins, etc). J’ai été chef du Pôle de gériatrie ces 6 dernières années et l’idée de me présenter à la présidence de la CME a germé il y a deux ans, juste avant la crise COVID. Plutôt que de rester spectatrice tout en commentant les points qui à mon sens auraient pu changer, j’ai souhaité y participer activement.
Sur ces deux années de pandémie COVID, notre CME a été prolongée et les élections retardées. Cela m’a permis d’y réfléchir mûrement sur les avantages et surtout les inconvénients que j’y voyais sur un plan personnel.
Le CHU de Toulouse est le 4e hôpital de France, je savais que cette fonction allait empiéter sur mon activité clinique que j’adore ainsi que sur mes activités universitaires, d’enseignement et de recherche. Dans 4 ans, probablement que je serai un peu plus en retrait sur ces éléments.
Malgré tout, j’ai décidé d’y aller pour mon institution. Nous étions 3 candidats ce qui était une situation un peu inédite à Toulouse. La campagne fut une période très enrichissante.
J’ai finalement été élue en décembre et je suis très fière de la confiance accordée par mes collègues. C’est aussi la première fois qu’une femme est élue à la tête de la Commission Médicale d’Établissement du CHU de Toulouse.
Que souhaitez-vous mettre en œuvre pendant votre mandat ?
Un des grands axes de mon projet, c’est la prévention. Une grande proportion des hospitalisations concerne des patients de plus de 70 ans. Il est important de mettre en place un projet commun de prévention de la perte d’autonomie fonctionnelle toute discipline confondue. L’hôpital se tourne vers davantage d’ambulatoires et ce moment doit aussi être l’occasion d’évaluer les risques gériatriques pour maintenir la qualité de vie. C’est une notion importante à l’échelle de l’ensemble des disciplines.
Quel signal votre élection envoie-t-elle concernant la gériatrie ?
La gériatrie est une discipline nouvelle qui n’est pas encore tout à fait plébiscitée par les internes. La gériatrie renvoie encore chez certains une image, celle de la prise en charge de la fin de vie ou de la dépendance, qui n’est pas vraiment en adéquation avec la réalité. Aujourd’hui le visage de la gériatrie a changé et je crois que c’est par le biais de l’avancée de la recherche en gériatrie, les plans de prévention, le bienvieillir et les gérosciences que l’on peut faire en sorte que les personnes qui ne connaissent pas cette discipline comprennent ce que s’y passe. Nous traiterons toujours des patients dépendants poly-pathologiques mais il faut aussi intégrer tout ce qui se passe en amont. Donc nous avons un rôle à jouer à ce niveau-là. Si, dans un service de chirurgie, on arrive à mettre en place la notion de dépendance iatrogène, non seulement la chirurgie sera réussie mais le patient âgé fragile en sortira indépendant. Il faut, en somme, petit à petit faire entrer la gériatrie dans tous les services de l’établissement. Et j’espère que pendant ce mandat de 4 ans on y arrivera. Tout le monde en est convaincu et moi la première.
Je ne pense toutefois pas que mes collègues m’ont élue car je suis gériatre mais bien parce que je suis médecin et que j’ai porté un projet global institutionnel. Car la gériatrie est une grande discipline transversale et il y a beaucoup de choses à mettre en place à ce niveau-là. Nous avons, en tant que gériatres, notre mot à dire et, c’est palpitant. Les collègues aussi ont des patientèles qui vieillissent, ils ont donc aussi besoin d’une vision gériatrique de plus en plus forte.
Avez-vous des exemples de mesures que vous souhaitez mettre en place et qui diffuseraient les bonnes pratiques gériatriques ?
Par exemple, par habitude, à l’arrivée d’un patient âgé quel que soit le service (hors gériatrie !), nous mettons habituellement sur la feuille de soin, la température, la prise de tension et la fréquence respiratoire, la saturation. Et quand le patient reste plusieurs jours on ne se pose jamais la question de savoir quel était son nouveau d’autonomie fonctionnel. Ce sujet-là n’est jamais tracé ou de façon éparse or il est essentiel. Il faut faire entrer l’évaluation de l’autonomie fonctionnelle dans la pratique au quotidien, de l’arrivée à la sortie du patient âgé pour que l’on puisse orienter au mieux le projet de soin. Combien de fois un interne des urgences nous appelle pour orienter un patient dans notre service en nous présentant ses paramètres biologiques mais en ne sachant pas répondre à la question « Est-ce qu’il marche ? » !
Une autre chose serait de mettre en place un projet de prévention qui permettrait l’évaluation des capacités intrinsèques de l’individu. Car il est important de savoir que plus on prend en charge les problèmes tôt, mieux on les traite.
Plus largement j’aimerai mettre en place une commission des projets médicaux avec une discussion en toute transparence des projets qui émanent des équipes pour pouvoir hiérarchiser dans le temps l’évolution du projet médical et pouvoir alimenter le projet d’établissement futur.
J’aimerai également renforcer la collaboration médico soignante. Aujourd’hui les soignants et cadres sont sous l’autorité de la direction des soins qui est en silo par rapport à la CME ; aucune interaction n’a lieu alors que pour le bien être-des patients il faut avoir les mêmes objectifs médico-soignants.