Elle a deux listes d’attente dans son cabinet : celle physique, au CHU de Bordeaux, et celle, virtuelle, qui l’attend sur son ordinateur.

Le Pr Nathalie Salles est la Présidente du Conseil Scientifique de la SFGG mais également la Présidente de la Société Française de Santé Digitale. Experte dans le domaine de la télémédecine, elle fait le point sur la généralisation de cette pratique.

 

De l’importance de se former à la télémédecine

Au CHU de Bordeaux ce sont 1000 téléconsultations avec les Ehpad qui sont réalisées chaque année. Une proportion de plus en plus élevée d’EHPAD sont aujourd’hui connectés pour la télémédecine en France : c’est dire si la télémédecine entre peu à peu dans les mœurs, chez les médecins et les patients !

Que la Société Française de Télémédecine ait été rebaptisée le 8 octobre dernier « Société Française de Santé Digitale » pour englober l’intelligence artificielle dans toutes ses dimensions ainsi que le télé soin et la télémédecine dans tous leurs champs est d’ailleurs indiscutablement le signe d’une évolution de la société où le numérique s’invite à vitesse grand V.
Pour autant, la progression de la télémédecine est plus lente que prévu :

« Nous nous sommes rendus compte que les limites de la démocratisation de la télémédecine tenaient à un manque de formation et d’accompagnement des professionnels de santé » explique Nathalie Salles.

C’est pour cette raison que la Société Française de Santé Digitale a choisi de créer des vices présidences dont l’une est porteuse du Centre de Formation nommé Université de la Médecine Digitale. L’objectif étant d’offrir à tous les acteurs du numérique une offre de formation de qualité, graduelle et cohérente, en lien avec les bonnes pratiques. L’offre de formation validée par un comité scientifique et éthique est ainsi à la fois initiale et continue, à distance et présentielle avec mises en situation, etc. le but étant de garantir une télémédecine telle que nous la souhaitons, une télémédecine clinique et humaine.

 

La télémédecine est une opportunité pour le soin des personnes âgées malades

La télémédecine permet :

    • d’optimiser la qualité des soins et le parcours de soins des personnes âgées. Elle offre une réponse adaptée et précoce ainsi qu’un suivi de qualité dans le but d’éviter les complications liées aux maladies chroniques.
    • une égalité d’accès aux soins notamment pour les résidents d’EHPAD les plus dépendants et atteints de maladies chroniques les plus sévères : « dans 1/4 des cas, les médecins généralistes évoquent un ressenti de « renoncement aux soins » pour les patients les plus dépendants et malades, ils poursuivent le plus souvent les soins en EHPAD sans adresser ces patients à un spécialiste. Aujourd’hui, la télémédecine a en quelque sorte gommé cette difficulté en offrant la possibilité d’un avis spécialisé au lit du malade via un écran : c’est un progrès extraordinaire en termes d’égalité d’accès aux soins ! ».
    • Une plus grande richesse d’informations venant des acteurs du soin ainsi que du patient, ce dernier étant dans son lieu de vie et entouré de ses soignants habituels ! La consultation en télémédecine facilite par exemple le recueil « en live » des données d’évaluation gérontologique, recueil synchrone et donc plus riche d’informations par les équipes de soins (en EHPAD par exemple) pour une évaluation de qualité.
    • Le parcours de soins du patient âgé est également simplifié, pour une meilleure qualité de vie des patients avec moins d’allers et retours à l’hôpital (sources de complications dont la perte d’autonomie, iatrogénie, dépression, chutes), moins de transports et une prise en soins dans leurs lieux de vie.

 

    • Elle améliore également les compétences des soignants au travail de part des échanges collégiaux avec les équipes d’EHPAD pour une meilleure application et diffusion des bonnes pratiques gériatriques.

 

 

Quoi de neuf dans l’actualité ?

Aujourd’hui, la télémédecine française est remboursée pour les actes de téléconsultation et téléexpertise et s’inscrit dans un cadre réglementé, centré sur un modèle de parcours de soin coordonné. Les actes de téléconsultation doivent par exemple être alternés avec des consultations dites en « face-à-face », « Nous sommes persuadés que si l’on intercale des suivis en télémédecine entre 2 consultations, le patient pourra être suivi de plus près et on pourra prévenir les complications de ses maladies chroniques et ainsi lui éviter des allers et retours aux urgences ! »

 Un PLUS pour la gériatrie !, le projet de loi de santé 2019 ouvre la possibilité de réaliser du télésoin (article 13) qui se distingue de la télémédecine. Le télésoin donne en effet la possibilité aux pharmaciens et aux auxiliaires médicaux d’effectuer des soins à distance.

« Le télésoin est une révolution ! Notamment dans le monde de la gériatrie et de la gérontologie ! Il va en effet nous permettre d’évaluer et de soigner les malades âgés de manière pluri professionnelle comme nous le faisons tous les jours à l’hôpital par exemple – c’est-à-dire avec des infirmiers, des assistants sociaux, des kinés, de pharmaciens etc. »

Enfin, en septembre dernier, un avenant à la convention médicale a été signé. Il autorise désormais à toute personne de se rendre dans une pharmacie de son territoire, dans une salle dédiée et de se connecter via un écran installé, à un spécialiste pour avoir une consultation à distance.

 

La télémédecine : une opportunité pour les Ehpad

 

Ce n’est un secret pour personne, l’Ehpad est devenu un lieu de soin plus qu’un lieu de vie en raison du profil des résidents – de plus en plus malades - qui y entrent.  Ouvrir l’Ehpad à la télémédecine offre de nombreux avantages :

    • Gain en qualité des soins : la télémédecine permet au gériatre d’avoir face à lui le patient (qui est chez lui) et l’équipe (infirmière, animatrice, médecin généraliste, etc.) et de générer des discussions collégiales et des consensus pour trouver ensemble les meilleures solutions.

 

    • Gain de crédibilité : le patient en Ehpad a en face de lui une télévision. Des études en anthropologie ont par exemple montré que les patients âgés de 80 ans et plus accordaient encore beaucoup de crédit à la télévision (génération télévision : « si la télé me parle, elle dit vrai »).

 

    • Gain en termes de compétences : les gériatres, par leur téléconsultation, diffusent de la connaissance aux personnels des Ehpad (comment évaluer un trouble psychocomportemental ?, comment mettre en place une approche non médicamenteuse ?, etc.). Les soignants montent en compétence et peuvent changer certaines pratiques.

 

 

 

Allez plus loin :

- Voir les autres dossiers
- Revoir l'émission "Ensemble c'est mieux" (France 3 Provence-Alpes- Côte d'Azur) avec Sylvie Bonin-Guillaume sur la télémédecine
- Voir la rubrique agenda
- Plusieurs sessions sur la télémédecine auront lieu lors du prochain congrès des la SFGG, les JASFGG 2019, qui se tiendront du 25 au 27 novembre 2019.
Plus d'informations : programme et inscription
Site : www.jasfgg.com