Entretien avec le Pr Maria Soto-Martin.
La Stratégie nationale Maladies Neurodégénératives (MND) a été lancée et annoncée le 4 septembre dernier.
Vous avez été missionnée comme personnalité qualifiée pour la phase de concertation entre 2023 et 2024.
En quoi cette stratégie est différente par rapport aux plans et feuilles de route précédentes ?
En tant que personnalité qualifiée associée à la phase de concertation de 2023-2024, j’ai pu constater que la stratégie nationale MND 2025-2030 se distingue nettement des plans et feuilles de route précédents à plusieurs niveaux.
- Tout d’abord, pour la première fois il y a eu un engagement de trois ministères : celui de la Santé et Prévention, celui de l’Autonomie et de l’handicap et celui de l’Enseignement et de la Recherche et, associant trois directions d’action centrale, la DGOS, DGCS et la DGRI. Cette implication et travail collectif réalisé au cours de la phase de concertation (où plus de 200 personnes ont participé) a donné comme fruits des mesures touchant à la fois le sanitaire, le médico-social, le social et la recherche. En effet, cette stratégie se distingue par sa co-construction. La phase de concertation a permis d’associer largement les associations de patients, les familles, les professionnels de santé, les chercheurs et les institutions. Cette méthode participative confère à la stratégie une légitimité nouvelle et garantit qu’elle répond réellement aux attentes du terrain.
- Ensuite, elle s’inscrit dans une vision beaucoup plus transversale : elle ne se limite plus à une seule pathologie comme la maladie d’Alzheimer, mais englobe l’ensemble des maladies neurocognitives (avec la volonté de supprimer la terminologie « maladies apparentées » on les nommant comme la maladie à Corps de Lewy ou les dégénérescences lobaires fronto-temporales). Mais aussi en considérant les autres MND comme la maladie de Parkinson et la sclérose en plaques. Cette approche globale permet de mieux prendre en compte les besoins communs des patients et des aidants, tout en tenant compte des spécificités de chaque maladie.
Quelles seraient les grandes lignes de la stratégie ?
La stratégie 2025-2030 marque une volonté de continuité et de consolidation des acquis issus des précédents plans, mais avec une ambition renforcée. Les orientations sont structurées autour de trois piliers essentiels :
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Améliorer le parcours de santé et de vie des personnes malades en favorisant un diagnostic plus précoce, une meilleure coordination des soins et un accompagnement médico-social plus forte. "Le renforcement du domicile" a été une volonté prioritaire.
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Soutenir et reconnaître les aidants, en développant des dispositifs concrets pour réduire leur isolement et leur charge au quotidien (concrètement par l’augmentation des plateformes de répit, le développement de plateformes de soutien psychologique et la mise en place de solutions de relais à domicile, des formations et le programme ICOPE)
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Accélérer la recherche et l’innovation, sur les mécanismes biologiques et préparer les traitements de demain (concrètement par le financement d’un PEPR MND (PRODROM)
Quelles mesures concrètes vous surligneriez ?
Des 6 axes et 37 mesures je surlignerai :
- La position consensuelle entre les sociétés savantes et la DSR sur l’évaluation personnalisée de l’aptitude de la conduite automobile de nos patients atteints d’une MND
- Le renforcement des centres experts et des consultations avec des IDE (en se s’appuyant sur les protocoles de coopérations) et/ou psychologues
- Pourvoir d’une UCC les départements où il n’y en pas. Renforcer l’équipe avec un IDE par UCC afin de structurer la filière
- La formation des professionnels de santé et du médico-social pour mieux accompagner les patients et leurs proches
- L’expérimentation des INM qui ont montré leur preuve scientifique
- L’augmentation des accueils de jour, la transformation des ESA en ESMND en doublant leur nombre, 500 CRT de plus en cinq ans pour assurer le maintien à domicile des patients à un stade plus sévère.
-Des équipes mobiles « patient jeune » pouvant se déplacer à domicile
-Un PASA pour chaque EHPAD
-La transformation des EHPAD, par le renforcement du nombre des professionnels et leur formation
Est-ce que dans cette stratégie il vous manque des mesures ?
Bien sûr, je pense à deux, (même si je pourrais en ajouter)
- l’adaptation des unités d’hospitalisation de court séjour en unités « adaptées » aux patients souffrant des maladies neurocognitives
- une mesure plus concrète sur la préparation de notre système de soins à l’arrivée des thérapies innovantes
Et maintenant ?
Après l’annonce politique du 4 septembre, la priorité est d’assurer une mise en œuvre pragmatique et suivie dans la durée, pour que la stratégie ne reste pas une déclaration d’intention mais se traduise par des avancées visibles pour les personnes concernées.
Le pilotage de l’implémentation de la stratégie a été missionnée à la DGCS. Nous espérons, une gouvernance claire et partagée, avec un suivi et une évaluation régulière des actions, pour s’assurer que les engagements se traduisent en améliorations concrètes sur le terrain pour les patients et leurs proches. Pour ceci , des professionnels de santé sous l’égide de la SFGG, resteront à disposition du comité de pilotage pour collaborer à sa mise en œuvre.
Un dernier mot ?
Je tiens à remercier aux autres deux personnalités qualifiées de la stratégie, le Pr Florence Pasquier et le Pr Etienne Hirstch, et à tous les professionnels, collègues et ami(e) s impliqués dans tant des réunions et des ateliers qui se sont déroulés lors des dernières années.
Merci au collectif MND
Merci du soutien et de l’accompagnement de sociétés savantes la SFGG et la FCM au cours de ce long chemin.
Un remerciement à la DGCS de son engagement dès le début et à Jordan Challier pour l’impulsion finale jusqu’au lancement (Enfin !).
Mon dernier mot pour le Dr Suzanne Scheidegger, merci pour son écoute, dynamisme, capacité de consensus et de synthèse, lors de la phase de concertation.