Entretien 
Président de la Société française de gériatrie, Olivier Guérin fait partie des quatre nouveaux experts du Conseil scientifique. Il invite à tirer des leçons de la crise.

 

La Croix : Il y a un an, les Ehpad fermaient leurs portes aux visites. On sait l’impact qu’a eu cet isolement sur les personnes âgées. Faut-il désormais alléger le protocole ?

Olivier Guérin : C’est en tout cas l’avis du conseil d’État rendu le 3 mars dernier, qui suspend l’interdiction de sorties des résidentsIl est rendu dans un moment où de nombreuses instances travaillent à un allégement des règles dans les Ehpad. Mais trancher sur le sujet n’avait rien d’évident jusqu’ici, par manque de données.
Les indicateurs sont positifs, le taux de couverture vaccinale est plutôt bon – même si pas tout à fait homogène sur le territoire national – mais la donnée principale qui nous manquait portait sur la diminution du risque de transmission. Les données israéliennes tendent à prouver que cette diminution du risque est bonne. Dès lors que le bénéfice du vaccin n’est plus individuel, mais aussi collectif, il semble logique de libérer les résidents des Ehpad des contraintes.
Un assouplissement qui rend d’autant plus nécessaire la vaccination des soignants. C’est une question de responsabilité. Pour ma part, j’aurais été tout à fait favorable à une vaccination obligatoire pour les soignants.

 

43 % des personnels d’Ehpad seulement sont vaccinés. Comment expliquer cette réticence ?

O. G. : Il y a eu au départ une communication difficile autour des performances du vaccin AstraZeneca, destiné aux soignants en grande majorité. Il y a sans doute eu aussi la crainte des effets secondaires, un argument qui ne tient pas à mes yeux, si l’on regarde la balance bénéfices/risques. Les effets secondaires ressemblent à un syndrome grippal et se soignent très bien par paracétamol.

 

La crise a montré l’implication mais aussi les dysfonctionnements au sein des Ehpad. Quelles leçons en tirer ?

O. G. : Qu’il faut rebâtir entièrement le modèle des Ehpad, à bout de souffle. Au fil des années, on a fait basculer dans le médico-social et dans les Ehpad, des résidents qui relèvent plus du sanitaire et des unités de soins longue durée. Leurs besoins en soin sont trop importants pour dépendre des maisons de retraite, sous-médicalisées. Le risque est que cela débouche sur de la maltraitance, involontaire, pour les résidents, et de la souffrance pour les soignants.
Si l’on reste dans le modèle existant, on assistera encore pendant des années à de « l’Ehpad bashing », un flot de critiques envers ces établissements. Les professionnels essaient de faire le mieux qu’ils peuvent, mais comment, quand on manque de moyens ?

 

Que révèle la crise sanitaire de la place des personnes âgées dans la société ?

O. G. : Une forme de stigmatisation regrettable, estimant que la jeunesse a été sacrifiée pour protéger les plus âgés. Pourtant, en confinant, en posant des contraintes, il ne s’agit pas de protéger uniquement les personnes âgées, mais de réduire le risque de dissémination virale, pour l’ensemble de la population.
Nous allons encore traverser quelques mois difficiles, et nous devons construire un pacte sociétal, aider les plus exposés à se protéger, sans pour autant les isoler. Les collectivités territoriales pourraient par exemple organiser des livraisons de repas à domicile, mettre en place des équipes mobiles pour aller vacciner les personnes fragiles là où elles sont, leur évitant ainsi de s’exposer. Jouer la solidarité et non la stigmatisation.

 

Durant le confinement, les résidents d’Ehpad ont perdu en motricité, en capacités cognitives… Est-ce rattrapable ?

O. G. : Tout ne sera pas rattrapable, hélas. Mais, au-delà des Ehpad, je suis également inquiet pour les gens âgés, à domicile, qui, autonomes jusqu’ici, ont perdu en masse musculaire, faute d’exercice physique suffisant. Il faudra beaucoup d’efforts pour récupérer.

 

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