Par Jérôme Robillard.

"Chaque niveau de la filière gériatrique hospitalière est touché par des fermetures de lits et des diminutions d'activité", constate la Société française de gériatrie et gérontologie grâce à son enquête menée auprès de 792 services.

"Nous ne sommes plus au bord du gouffre, nous sommes dans le gouffre", constate dans un communiqué Nathalie Salles, professeure des universités-praticien hospitalier (PU-PH) au CHU de Bordeaux (Gironde) et présidente de la Société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG). Une enquête de cette dernière, menée auprès de 792 services de gériatrie en janvier 2023, met en lumière le volume important des fermetures de lits. "Chaque niveau de la filière gériatrique hospitalière est touché par des fermetures de lits et des diminutions d'activité", résume Cédric Annweiler, PU-PH au CHU d'Angers (Maine-et-Loire) et coordonateur de cette étude dont les résultats sont officialisés ce 2 février.

L'enquête recense 25,7% de lits fermés dans les 278 unités gériatriques concernées par ces fermetures (voir infographie ci-dessous). Les services de soins médicaux et réadaptation (SMR, qui vont officiellement remplacer les SSR en juin) sont les plus touchés par ce phénomène. L'enquête porte aussi sur les courts séjours gériatriques, les unités de soins de longue durée, les Ehpad, les équipes mobiles de gériatrie et les hôpitaux de jour ou de semaine. Les activités programmées en ambulatoire, les activités non programmées en posturgences et les structures d'hébergement sont ainsi toutes concernées par le constat de la SFGG.

Une charge en soins trop lourde
Malgré le vieillissement de la population, les services de gériatrie sont encore trop souvent considérés comme des variables d'ajustement en cas de difficultés dans les autres services, estime la SFGG. Mais le cœur du problème n'est pas uniquement lié au manque de ressources humaines. "Le principal responsable est la charge en soins qui reste très lourde ; et refuser de parler de ratio revient à nier les besoins réels du patient hospitalisé et la globalité de l'aide à apporter, qui comprend une expertise clinique et technique, un soutien psychologique et une lutte contre la dépendance liée à la maladie et au système de soins défaillant", avance Nathalie Salles. Le manque d'effectifs infirmiers, médicaux et aides-soignants, de jour comme de nuit, explique la non-utilisation de tous les lits normalement disponibles.

Or ces fermetures de lits accroissent la pression subie par l'ensemble du système de santé. Les services d'urgence manquent ainsi de solutions d'aval, ce qui incite à l'organisation de retours à domicile de patients âgés avec des conséquences parfois délétères. L'état de santé des personnes âgées se dégrade à cause des retards d'accès aux soins. Quant à l'épuisement des personnels, il se traduit par des départs. La SFGG demande ainsi aux pouvoirs publics "d'engager des mesures courageuses pour la filière gériatrique".

Pour permettre la réouverture des lits, il convient, selon la société savante, d'améliorer l'attractivité des métiers. Elle liste en ce sens trois orientations. La SFGG préconise une meilleure valorisation financière, avec une prime grand âge pour les infirmiers et la valorisation des salaires de nuit. Elle recommande aussi le déploiement de nouveaux diplômes, avec la reconnaissance des infirmiers en pratique avancée pour le grand âge. Enfin, elle espère la reconnaissance de la complexité et de la dureté du travail. "Il est temps de respecter les ratios soignants-soignés efficients tel que proposé dans la circulaire du 28 mars 2007 relative à la filière de soins gériatriques qui devrait devenir opposable", ajoute-t-elle.

 

Allez plus loin :
- Lire l'article sur le site d'Hospimedia
- Lire le communiqué de presse "Soins gériatriques : la débandade"