Quel est votre objectif à travers ce livre ?

C’est un livre sur le vieillissement dans lequel j’essaie de faire cohabiter vulgarisation voire légèreté et rigueur scientifique.
Il cible les patients, leurs aidants, les étudiants en médecine qui veulent aborder la gériatrie différemment et de manière plus ludique et les professionnels de santé.
Dans ce livre j’essaie de prendre le contre-pied des discours ambiants, des clichés et contre-vérités que l’on entend trop souvent sur le vieillissement. J’offre un autre éclairage, avec un peu plus d’ouverture d’esprit et un peu de provocation pour sortir de cet angle misérabiliste dans lequel on plonge systématiquement le vieillissement.

 

Quelle est votre idée forte ?

Je ne pense pas pouvoir mettre en avant un message unique mais je me demande par exemple si on ne devrait pas supprimer les gériatres (je vous avais prévenus que j’aimais la provocation). C’est politiquement incorrect bien sûr mais c’est une façon de dire que tout se joue à la maternelle et au primaire, que l’hygiène de vie explique les 2/3 de la santé d’un être humain. Le déterminisme socio-culturel est le plus grand déterminant de notre vieillissement. En sachant cela, est-ce qu’il ne vaut pas mieux investir un euro de plus à l’école maternelle ? Que souhaite-t-on prioriser ? C’est une vraie question. Est-ce qu’on continue à prétendre vouloir à augmenter l’espérance de vie en bonne santé ou on continue à mettre des pansements en fin de vie comme on le fait actuellement ? On parle beaucoup de prévention mais honnêtement personne n’en fait réellement.

 


Quels sont vos clés du bien vieillir alors ?

Dans ce livre je rappelle tout ce que l’on peut faire y compris à un âge avancé. Vivre longtemps, en bonne santé est le fruit de plusieurs facteurs. À commencer par les facteurs sociaux (les relations sociales) et les facteurs culturels (l’implication dans des activités culturelles et intellectuelles). Comme souvent en médecine il y a un décalage temporel majeur entre le résultat des études scientifiques et ce que l’on fait sur le terrain. On continue à appliquer les mêmes recettes alors que l’on sait maintenant ce qu’il faut faire et on met des décennies à changer nos habitudes dans le fond. Il est temps de passer à la vitesse suivante. On a besoin des gériatres dans les services de soins mais on en a aussi besoin dans le domaine de la prévention, de la sensibilisation, dès le plus jeune âge. Nous ne sommes plus seulement des spécialistes des pathologies du grand âge, mais aussi des experts dans la promotion du bien vieillir. C’est d’ailleurs un élément attractif pour la discipline.

 

Le COVID a tout de même permis de faire évoluer ces pratiques…

Le COVID a bouleversé nos pratiques. Par exemple, on aurait pu faire de la télémédecine il y a 30 ans bien avant cette épidémie. Mais c’est cet événement brutal qui a modifié nos pratiques. Nous étions prêts technologiquement depuis très longtemps. Et pour preuve depuis la fin du confinement le taux de téléconsultation est resté élevé. Ce qui veut dire que les patients étaient prêts pour une telle avancée, les professionnels peut-être moins.

 

Quelles sont les autres croyances trop souvent répandues en France ?

Je pense en premier lieu à la nutrition : on a une énorme croyance en France qui s’inscrit dans une médecine ‘panoramix’ et qui consiste à se dire « Je ne vais rien changer de mes habitudes et de mes comportements, je vais juste prendre une pilule qui va changer mes problèmes, une potion magique finalement». Par exemple, pourquoi donner des compléments alimentaires en gélules pour supplémenter en fibres ou en Omega 3 alors qu’il suffit juste de manger des sardines et des légumes secs ? Pourquoi manger des gélules industrialisées et difficilement traçables quant à leur origine alors que les vitamines se trouvent dans nos aliments ? J’appelle, avec ce livre, à un peu plus de maturité et de pragmatisme. Nous avons une vision enfantine de la médecine. La conclusion qu’il faut garder en tête c’est qu’on mange très déséquilibré (le fromage, le vin, les produits laitiers) et ce n’est certainement pas d’avoir des rayonnages de pharmacie toujours plus fournis qui va résoudre le problème.

 

L’espérance de vie en bonne santé est-elle si bonne en France ?

C’est encore une légende française ! On est parmi les plus mauvais élèves de l’Europe. Les suédois ont 10 ans d’espérance de vie en bonne santé de plus que nous. Et non seulement notre espérance de vie en bonne santé n’augmente pas mais elle stagne. Non le bon vin ne nous conserve pas, non la charcuterie et le roquefort ne sont pas bon pour notre santé. Ce qui n’empêche en rien d’en manger avec plaisir et d’en faire la promotion, lors des repas de fêtes pas au quotidien…

Nous regardons les courbes, nous connaissons les résultats scientifiques à ces études mais nous n’en tirons pas de leçon ! Notre hygiène de vie en France est mauvaise. On peut aimer les bonnes choses et vouloir défendre le patrimoine culturel et gastronomique sans pour autant relayer des contre-vérités.

 

Peut-on changer notre espérance de vie en bonne santé à n’importe quel âge ?

On peut changer son alimentation et son activité physique à tout âge, on peut améliorer notre hygiène de vie à tout âge. Les bénéfices sur la qualité de vie sont ressentis par les gens y compris au-delà de 70 ans. Je me souviens avoir fait un sevrage tabagique chez une femme de 80 ans qui se plaignait de ne pas pouvoir se rendre dans la cabane au fond du jardin avec ses petits-enfants sans être essoufflée. Aujourd’hui cette sensation a disparu pour elle. Autre exemple, ressentir à nouveau le goût des choses quand l’alimentation est devenue l’un des plaisir majeurs de la vie est un objectif qui peut être très important aux yeux de certains patients!

 

Dernière idée reçue : « Les vieux sont fragiles » ?

Alors là je m’inscris en faux (pour changer)!
Mes patients ont en moyenne 85 ans et ont connu deux guerres alors dire que ces personnes sont fragiles… Si elles sont arrivées jusqu’à cet âge aujourd’hui c’est qu’elles ont bien encaissé la vie, que ce sont des survivants, des warriors et bien plus robustes que nous !
L’idée n’est bien évidemment pas de remettre en question le concept médical de fragilité mais bien le paternalisme dont on peut faire preuve au quotidien.

 

Allez plus loin : 
- Consultez la rubrique "Le vieillissement en librairie"