La 2e journée du Congrès de la SFGG s’est ouverte tôt, dès 7h30, en ce mardi matin parisien.
Le moment de parler « Infirmières en pratique avancée en gérontologie » dont la création a été largement plébiscitée par le rapport El-Khomri (lire « Soigner les personnes âgées : Pourquoi l’intervention de l’Infirmière de Pratiques Avancées en Gérontologie est cruciale ? ») et l’occasion d’aborder les bonnes pratiques cliniques sur les thématiques de la maladie de Parkinson et les mouvements anormaux.                

3 heures et quelques cafés plus tard, Marc Bonnefoy et Isabelle Bourdel-Marchasson ont investi l’estrade de la grande salle du Marriott pour modérer la session sur la « nutrition chez le sujet âgé ».

 

Actualités en nutrition chez le sujet âgé

Le Pr Agathe Raynaud-Simon, gériatre à l’APHP et Présidente de la Fédération Française de Nutrition a présenté les nouvelles recommandations européennes du diagnostic de la dénutrition.

Il y a différentes formes de dénutrition :

  • Les dénutritions par carence d’apport protéino-énergétique uniquement, sans inflammation, liées à des pathologies psychologiques ou des causes sociales, entraînant des pertes de poids importantes et une maigreur, qui correspondent au marasme historiquement décrit chez les enfants ou adultes souffrant de famine
  • Les dénutritions associées à des pathologies aiguës ou chroniques, avec inflammation. L’équilibre métabolique est rompu, l’organisme puise dans ces réserves (les muscles), on peut observer éventuellement des oedèmes, correspondant au kwashiorokor. La profondeur de l’hypoalbuminémie est un critère de gravité.
  • Toutes les formes intermédiaires, associant perte de poids et hypoalbuminémie (les plus fréquentes).

 

Les nouveaux critères de diagnostic de la dénutrition (HAS, 2019) proposent les cirtères suivants

  • Des critères de dénutrition de type phénotypique (perte de poids et pas d’eau), un indice masse corporelle bas et une diminution de la masse musculaire
  • Des critères étiologiques (qui différencie la dénutrition d’un amaigrissement volontaire par exemple) : diminution des apports alimentaires, pathologie avec inflammation ou sans inflammation, maldigestion ou malabsorption
  • Le diagnostic de dénutrition nécessite au moins un critère phénotypique et un critère étiologique ;

 

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« L’intérêt de ces nouveaux critères est que la perte de poids peut dater de + de 6 mois pour pouvoir parler de diagnostic de dénutrition, les diminutions des apports alimentaires participent au diagnostic et la place de l’inflammation dans la dénutrition est mieux mise en valeur. »

« Une fois que le diagnostic est avéré, on va pouvoir définir la sévérité de la dénutrition (analyse de la perte de poids, IMC ou masse musculaire) » (…) « Et on ne va plus désormais arrêter notre réflexion à 6 mois mais sur 1 an, 2 ans voire 5 ans. »

« Dépister et diagnostiquer pour traiter » a conclu Agathe Raynaud-Simon. « Car chez les personnes âgées, la prise en charge nutritionnelle permet de réduire la perte de poids, diminuer les hospitalisations, réduire les complications et réduire les réadmissions. »

 

Le Pr Yves Rolland, gériatre et responsable PUG Post Urgences Gériatrique au CHU de Toulouse a poursuivi cette session en abordant la sarcopénie.

« La sarcopénie était dans les années 80 définie uniquement par une perte de masse musculaire liée à l’âge. Cette définition avait des limites car elle ne tenait pas compte de l’anthropométrie de la personne. Il y avait du coup une distorsion entre les 2 extrêmes chez les sujets maigres et obèses » a contextualisé Yves Rolland. « Au cours des années qui ont suivi, de nombreux travaux ont permis de faire évoluer cette définition en associant la masse musculaire et limitation fonctionnelle ». « En effet, la masse musculaire ne reflète pas, à elle seule, l’ensemble des modifications physiopathologies du vieillissement moteur. La définition a évolué en tenant compte préférentiellement de la force. Au cours du vieillissement, la perte de la force est plus rapide que la perte de la masse musculaire. Ceci traduit la perte de la qualité musculaire »

« De nombreux travaux ont conforté au cours des dix dernières années, la pertinence prédictive de la force de préhension, (évaluée par le grip strength) dans la survenue d’éléments péjoratifs » (…) « Aujourd’hui, le diagnostic de sarcopénia probable peut être retenu juste en trouvant une diminution de la force et ce diagnostic est donc tout à fait accessible aux médecins généralistes pour peu qu’ils disposent d’une poignée de force. »

« La sarcopénie est un thème ombrelle » a-t-il conclu en fin de présentation. « On peut être dans la sarcopénie juste en raison de l’avancée en âge. Souvent des comorbités peuvent l’expliquer mais aussi l’inactivité physique ou encore la dénutrition. Le thème de sarcopénie désigne donc diverses situations cliniques parfois associées. »

 

 

Résumé de 4 e-posters

Pendant ce temps, en sous-sol, étaient en libre accès les 340 e-poster présentés par les différentes équipes de chercheurs en gériatrie et en gérontologie.
Parmi eux, en voici 4 :

POSTER 1 : « Impact de la charge anticholinergique sur la confusion post-opératoire chez les patients hospitalisés en unités péri opératoire gériatrique (UPOG) pour une fracture de l’extrémité supérieure du fémur »

 

 

L’équipe d’Ambroise Paré a présenté les résultats d’une étude qui porte sur la mesure de la charge anticholinergique des traitements dans le contexte des confusions post-opératoires.

Ainsi les auteurs ont effectué une évaluation de l’activité cholinergiques à l’aide de l’anticholinergique Drug Scale (ADS). Les patients qui présentaient une confusion post-opératoire avaient un score ADS > 3 plus fréquemment que ceux exempts de confusion.

Grâce à l’unité gériatrique, la charge anticolinergique était < après l’intervention que dans le bilan pré-opératoire, montrant ainsi l’efficacité de l’intervention gériatrique.

La charge anticholinergique est probablement le meilleur moyen de considérer le risque iatrogénique dans le contexte péri-opératoire.

 

POSTER 2 : Une étude sur l’évaluation gériatrique dans le parcours de soin oncologique et l’impact du diabète en terme de mortablité (équipe de Poitiers, Pr Marc Paccalin)

 

 

Cette étude dénommée « ancrage » (ANalyse CanceR et sujet ÂGE) inclut 1092 patients présentant un diabète de type 2 à l’inclusion dont 152 avec des complications microvasculaires. Après un suivi de 15 mois, 63% des diabétiques avec complications et 43% des diabétiques sans complication sont décédés. Les patients sans diabète avaient une mortalité de 60%. Les patients ayant un cancer et une complication du diabète avaient un sur-risque de mortalité de 1,7 (1,12 – 2,57). Cette étude montre l’important de considérer cette comorbidité dans l’évaluation oncogériatrique pré-opératoire et de la considérer comme un point de vigilance afin d’en réduire les conséquences sur la survie.

 

POSTER 3 : « Mesure de la vulnérabilité psychosociale fondée sur un modèle d’accumulation des déficits » (Bordeaux)

 

L’équipe de psycho-épidémiologie des maladies chroniques avec l’Université de Bordeaux propose une mesure de la vulnérabilité psychosociale fondée sur un modèle d’accumulation des déficits. Reprenant les travaux de Kenneth Rockwood sur un index de fragilité associé à une vulnérabilité sociale. Ils ont repris les données de Paquid avec un suivi de 27 ans et ont montré à partir d’une cohorte de 3777 personnes que l’index de vulnérabilité sociale est fortement prédicteur de mortalité chez les personnes âgées en France. Dans un modèle d’ajustement sur la dépendance, les comorbidités, les symptômes dépressifs et l’index de fragilité, le score de vulnérabilité sociale est associée à un triplement de la mortalité.

Ce travail démontre pour la première fois une indépendance pronostic de la vulnérabilité sociale qui est souvent absente de la description de la fragilité. Une invitation à ouvrir le concept de fragilité à ses dimensions environnementales.

POSTER 4 : « La vieillesse est-elle réellement un naufrage » ? (Nice)

 

L’équipe de Nice et le Pr Olivier Guérin invite à une réflexion sociétale sur la manière d’approcher la lutte contre l’âgisme. Cette étude est issue d’un concours intitulé « Promotion de l’éthique professionnelle ». 3 axes sont soulignés par les auteurs :

  • Sensibiliser la population au concept d’âgisme
  • Prévenir les dérives âgistes au travail
  • Améliorer le confort de vie quotidien des personnes âgées

Le gériatre, au-delà de sa mission de santé, doit être partie prenante dans une mutation culturelle qui déconstruit le vieillissement-déclin et promouvoir une avancée en âge qui à la fois prend son sens dans la relation sociale et donne sens à la société dans laquelle les personnes âgées sont actrices de lien social.

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