Retrouvez ici l'interview de William Gasparini et Sandrine Knobé dans laquelle ils présentent  leur intervention intitulée « Faut-il prescrire une activité physique pour mieux vieillir ? » (session « Vieillir en Santé dans la Cité : les stratégies sur l’environnement et les modes de vie en question », mercredi 26 novembre, de 11h à 12h30).

William GaspariniWilliam Gasparini est Professeur des universités, doyen de la Faculté des sciences du sport et directeur adjoint de l’École doctorale en SHS de Strasbourg. Titulaire d'une Agrégation d'EPS, d'un doctorat de sociologie et d'une Habilitation à Diriger des Recherches en sociologie, il poursuit ses recherches au sein du laboratoire « Sport et sciences sociales » et de l’Institut d’Études Avancées de l’Université de Strasbourg (USIAS) dans de nombreux domaines liés au sport tels que l’intégration, les discriminations, les politiques territoriales et européennes, le travail ou encore la santé.

Gasparini W., Vieille-Marchiset G. (2008), Le sport dans les quartiers, Paris, PUF.

Gasparini W. (Dir.) (2008), L’intégration par le sport ?, revue Sociétés contemporaines (Presses de Sciences Po), n°69.

 

 

Sandrine KnobéSandrine Knobé est sociologue, ingénieure de recherche en sciences humaines et sociales à l’Université de Strasbourg au sein de l’unité de recherche « Sport et Sciences Sociales » (E3S). Elle mène des recherches en sociologie du sport et de la santé, plus particulièrement sur les thématiques des usages sociaux des pratiques sportives, de l’insertion professionnelle des étudiants diplômés en sciences du sport et des programmes de promotion de la santé par les activités physiques.

Knobé S. (2010), « À propos des collectifs d’usagers de la santé en France au 20ème siècle », Journal of global health promotion, vol.17, n°3, p.85-88.

Knobé S., Gasparini W. (2014), « Le corps en mouvement sur prescription médicale », L’Observatoire, n°80, p.14-16.

 

Vous avez mis en place à Strasbourg de manière expérimentale un programme de prescription médicale d’activité. Quels sont les objectifs de ce dispositif? Quel est le rôle des SHS dans ce dispositif ? Et quels sont les apports des SHS par rapport à ce type d’initiative ?

Depuis fin 2012, la Ville de Strasbourg expérimente une nouvelle action de santé publique et d’incitation à l’activité physique et/ou sportive en faveur de personnes touchées par certaines maladies chroniques (obésité, diabète de type II, hypertension artérielle, maladies cardiovasculaires stabilisées) intitulée « sport/santé sur ordonnance » (SSSO). Conduit par l’action volontariste de l’adjoint municipal chargé de la santé dans le cadre du Contrat Local de Santé de Strasbourg, en lien avec un réseau de médecins généralistes et d’associations partenaires, le dispositif « SSSO » s’inscrit dans le contexte national d’actions publiques favorables à la prescription médicale d’activité physique. L’objectif du dispositif est d’inciter des patients atteints de maladies chroniques à s’engager ou se réengager dans un style de vie actif.

Encadrée par des chercheurs du laboratoire Sport et sciences sociales de l’Université de Strasbourg et financée par l’Agence régionale de santé d’Alsace, une enquête sociologique visait à mettre en lumière les effets de ce dispositif sur certains aspects de la santé et de la qualité de vie des patients. Les résultats de l’enquête permettent tout à la fois de comprendre comment des personnes atteintes de maladies chroniques identifiées et stabilisées « entrent » dans une activité physique et/ou sportive et de saisir comment cette activité peut contribuer à faire évoluer la trajectoire de vie de ces malades.

 

Quelles sont les forces et les limites de la prescription médicale d’activités sportives selon vous ?

L’enquête démontre que l’action locale de santé publique constitue une « offre » pour une population sédentaire qui saisit cette opportunité pour se mettre ou se remettre à l’activité physique.

L’état de bien-être ressenti crée les conditions d’une bifurcation de carrière de malade chronique par la mise (ou remise) à l’activité physique. Mais les résultats invitent aussi à la prudence du fait de leur circonscription dans un laps de temps court. Mis en exergue dans plusieurs études, l’impact à long terme des actions de promotion des activités physiques sur les pratiques des populations ciblées reste à vérifier à travers des études longitudinales. Généralement, les plus enclins à poursuivre l’activité malgré des changements dans leur parcours de vie sont celles et ceux qui ont été socialisés à l’activité physique et/ou sportive avant leur entrée dans le dispositif (et qui possèdent de ce fait des dispositions à la pratique).

Quels enseignements tirez-vous de votre recherche ? Est-ce que les initiatives développées à Strasbourg sont duplicables sur d’autres territoires ?

Basée sur une approche qualitative, l’enquête permet ainsi de comprendre la pratique physique vécue par les patients, leur perception de l’activité et du dispositif. Mais elle contribue aussi à croiser les parcours de vie et les conditions sociales d’existence avec les « carrières » de malade. C’est en ce sens que l’analyse met en lumière, par la logique de la preuve, le poids des déterminants socio-économiques et territoriaux sur la santé des patients étudiés et leur rapport à l’activité physique. L’enquête révèle ainsi une population précarisée et vulnérable que les politiques publiques de prévention (tant sportives que sanitaires) ont généralement du mal à toucher.

Si toutes les conditions sont réunies (volonté politique de la municipalité, contrat local de santé intégrant la prescription médicale d’activités physiques, présence d’un réseau de médecins généralistes volontaristes et d’associations partenaires engagées dans le sport-santé, …), l’initiative SSSO strasbourgeoise peut être reproduite sur d’autres territoires, sous réserve qu’elle s’accompagne d’une évaluation tant sociologique que médicale.